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Des "suspensions temporaires" de services en pédopsychiatrie à l'hôpital de Moulins-Yzeure

Les « psys », pédopsychiatres, mais aussi psychologues, sont une denrée rare (et chère). Au centre hospitalier de Moulins-Yzeure (Chmy), c’est même la pénurie. L’établissement recherche « une quinzaine de psychologues » pour l’ensemble de ses pôles.Et l’établissement ne dispose que de deux pédopsychiatres pour une myriade de services au centre hospitalier spécialisé (CHS) : c’est « trop peu », alors qu’il en faudrait « six », calcule la direction administrative. Voire « sept », dans l’idéal, « pour faire une vraie prise en charge de qualité », compte le Dr Davy Murgue, président de la commission médicale d’établissement (CME). Les syndicats calculent qu’avec « quatre », ça pourrait « déjà tourner ».

Quatre structures concernées

Le compte n’y est pas de toute façon, d’autant plus après le départ d’un temps partagé en mars. Même si dans ce marasme, une bonne nouvelle émerge : parmi les deux pédopsychiatres qui œuvrent actuellement, une docteure est devenue seniore à part entière, tout juste inscrite au conseil de l’ordre, après avoir été praticienne attachée associée.

Les offres d’emploi de l’hôpital, qui passent par divers canaux, ne sont pas pourvues, dans tous les sens (on ne parle même pas des infirmiers et infirmières). Et ce « malgré nos efforts, en lien avec l’Agence régionale de santé et le CHU de Clermont », avance Floriane Bordelais, directrice du Chmy par intérim.

Alors que faire ? La direction du centre hospitalier l’a annoncé aux équipes la semaine dernière et nous l’a confirmé : « Nous suspendons temporairement l’activité des centres médico-psychologiques (CMP) enfants, de Dompierre et Saint-Pourçain-sur-Sioule (Bourbon n’est pas ouvert actuellement), ainsi que les hôpitaux de jour pour les enfants 2-6 ans et 6-12 ans », précise Floriane Bordelais. « Cette décision a été prise à la demande des médecins, mais est surtout le fruit d’une décision collective ».

Davy Murgue résume :

Ça arrache la tête à tout le monde de prendre cette décision. Mais il vaut mieux essayer de recentrer, de gagner en qualité, même si les temps d’attente seront plus longs, plutôt que de risquer de n’avoir plus de médecin du tout. Il vaut mieux tenter de recruter à partir d’un champ un peu moins large et de donner davantage envie, que de risquer de devoir remonter un service à partir de rien. C’est un pari.

Hey, les internes, venez !

Ce pari, au vu de « l’état de décrépitude de la santé mentale » au niveau national, il est compliqué. Mais d’autres pôles ont pu « remonter » après une crise, ça s’est vu. Telles les urgences de Moulins, qui avaient pu bénéficier du soutien d’internes du CHU. Et certains sont restés ! Il faut “juste” réussir à convaincre les étudiants (entre autres), que les « hôpitaux périphériques » inscrits dans leur cursus obligatoire, ce n’est pas uniquement Sainte-Marie dans le Puy-de-Dôme. Ça irait mieux aussi si la filière faisait le plein : « Il y a peu d’étudiants en psychiatrie », relève le Dr Murgue.En outre, il y a aussi la problématique salariale : le service public a des grilles. « Des psychologues, tout le monde en cherche. Ils préfèrent aller dans le privé », constate Véronique Dumez, coordonnatrice générale des soins et directrice référente du pôle santé mentale.Il ne s’agit pas, pour les établissements, d’aller au-delà du maximum autorisé par l’ARS dans le cadre de contrats déjà attractifs, « qui sont pour les médecins de 119.500 € bruts par an [tout de même 7.800 € net par mois, NDLR] », explique le Dr Murgue. « Quand vous avez des structures privées qui proposent 15.000 € net par mois, on ne peut pas suivre ! »

Pas de date car il faut « s’organiser », avant

En tout cas, dans l’arrondissement de Moulins, il n’y a « pas encore de date » pour ces « suspensions de service, car il faut « s’organiser », explique également Véronique Dumez : « L’objectif principal, pour la direction et les professionnels de santé, est de ne laisser aucun enfant sur le côté. Tous les parcours et tous les dossiers seront étudiés pour trouver la meilleure solution. Pour chaque hôpital de jour, ce sont dix enfants en file active ».

« Recentrer les activités à Yzeure »

Dans le même temps, « on va renforcer le CMP enfants au pavillon Binet à Yzeure, qui est notre CMP pivot, nous aurons davantage de plages de consultations pour toutes les tranches d’âge ». L’activité sera « concentrée » sur Yzeure pour notamment « gagner du temps médical en évitant les transports », résume Fabien Amengaul-Serra, secrétaire général du Chmy. La décision ne sera pas actée avant la rentrée : « Tout le monde va pouvoir partir en congés cet été ».Pour Céline Lemaire, déléguée syndicale CGT et Eric Dagois, délégué FO pour le CHS, la « prudence » est de mise face à ces annonces : « On a vu trop de choses temporaires durer ». S’ils s’y « attendaient depuis qu’il n’y avait plus de médecin à demeure aux CMP enfants périphériques », « on ne s’attendait pas à un truc aussi brutal ».

« Inquiets pour les enfants »

Les salariés (mais aussi des acteurs extérieurs qui travaillent de près ou de loin avec des enfants en difficulté), ont commencé par nous dire leurs « inquiétudes », un bon paquet de « résignation » et le sentiment d’être « démunis », face à « un sentiment d’effacement du service public ».En vrac, parce qu’il y a de plus en plus d’enfants qui ont du mal à se construire et à grandir, qui ont des troubles du comportement, anxieux, de l’attention, de l’attachement, du neurodéveloppement, du spectre autistique, avec des constructions psychotiques, de l’hyperactivité, des carences affectives et éducatives, qui vivent dans des milieux insécures, victimes de violences intrafamiliales, qu’elles soient psychologiques, physiques et/ou sexuelles, etc. On est bien sûr dans une problématique plus vaste que la seule pédopsy, un (gros) maillon de la chaîne.

« Éloignement du soin »

« Avec ces fermetures à Dompierre et Saint-Pourçain, on a là une problématique d’éloignement du soin et des coupures scolaires qui seront plus longues », analyse la CGT. « On a déjà des délais assez longs pour un premier rendez-vous, pas avant octobre-novembre ».« S’ils ne sont pas bien suivis enfants, ils vont devenir adultes avec des troubles bien plus importants », craint Céline Lemaire. « On redoute qu’il y ait davantage d’enfants qui se retrouvent aux urgences pédiatriques, service qui se retrouverait lui aussi en difficulté. Tout cela est un terrible cercle vicieux. »Les personnels – secrétaires médicales, éducateurs spécialisés, assistants de service social, infirmiers, psychologues, ASHQ –, « une trentaine de personnes », qui travaillent dans les structures qui seront suspendues, sont invités à postuler en santé mentale adulte. « Ils vont vite boucher les trous, car toutes les unités sont en galère », prédit Eric Dagois (FO). « Mais ensuite, ils seront devenus indispensables à ces services, donc ce sera une difficulté supplémentaire pour la pédopsy ».

Mais parce qu’ils sont tous dans le même bateau, par la voix de leur syndicat respectif, l’équipe paramédicale « tient à dire » qu’elle est « ouverte au dialogue, que tous et toutes, à partir de leur connaissance des dossiers, sont prêts à travailler au redéploiement et qu’ils veulent être impliqués », notamment dans la mise en œuvre « concrète » de cette réorganisation.

Mathilde Duchatelle

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