Législatives : le suspense autour des désistements, le rappel d’Emmanuel Macron à ses ministres
21h02, dimanche 9 juin. La France bascule dans un inconnu vertigineux, après l’annonce présidentielle de la dissolution de l’Assemblée nationale. Trois semaines plus tard, au premier tour de ces élections législatives anticipées, c’est bien le Rassemblement national qui est arrivé assez largement en tête devant le Nouveau Front populaire et le camp macroniste, plus que jamais en danger de disparition. Pour le RN, rien n’est cependant encore fait pour obtenir une majorité absolue, ou même une solide majorité relative.
Ce lundi 1er juillet, la question des désistements dans les plus de 310 triangulaires a largement occupé les débats et les discussions. Emmanuel Macron a appelé son gouvernement à "ne pas se tromper" de combat, et vise l’extrême droite. Enfin, les différents chefs d’Etat européens sont partagés entre inquiétude et satisfaction au lendemain des résultats en France.
Le fil rouge du jour : les désistements dans les triangulaires accaparent les partis
Avec 311 circonscriptions en situation de triangulaire, dont 161 où le Rassemblement national et ses alliés sont arrivés en tête, la situation s’est très vite imposée à chaque camp : les candidats arrivés troisièmes doivent-ils systématiquement se retirer face au RN ? Chaque camp tente d’appliquer sa propre ligne directrice.
Du côté du PS, des Ecologistes ou du PCF, la consigne avait été claire avant le premier tour : leurs candidats qualifiés troisièmes se retireront systématiquement face au RN, que les candidats d’extrême droite soient arrivés premiers ou deuxièmes. La consigne semble pour l’instant respectée à l’échelon national. Avec certains choix forts, comme celui de l’écologiste Celline Gacon de se retirer dans la circonscription de Laurent Wauquiez, qui a devancé le candidat du Rassemblement national d’un peu plus de deux points seulement.
Du côté de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon avait affirmé ce dimanche soir que son camp retirerait ses candidatures dans les circonscriptions où elle est arrivée en troisième position et où le RN est en tête. Ainsi, le candidat insoumis Noé Gauchard s’est bien retiré dans le Calvados en faveur de l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne, distancée de près de 8 points par le candidat du RN. Après une journée d'incertitude, Leslie Mortreux, qualifiée dans la circonscription de Gérald Darmanin, arrivé d'une très courte marge devant le Rassemblement national, a également annoncé se retirer.
C’est surtout du côté du camp présidentiel que cette question des désistements est pour l’instant la plus floue, en particulier lorsqu’il s’agit de soutenir un candidat LFI face au Rassemblement national. Alors que certains comme Edouard Philippe ou Bruno Le Maire ne veulent "ni du RN, ni de LFI", certains ont appelé à faire "du cas par cas" comme la présidente sortante de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. Enfin, certains à l’aile gauche, comme Clément Beaune, ont rappelé ne pas vouloir poser de barrière au front républicain.
Ce lundi après-midi, on comptait au moins une quarantaine de candidats Renaissance qualifiés troisièmes et qui avaient acté leur choix de se retirer. C’est notamment le cas de la secrétaire d’Etat à la Ville, Sabrina Agresti-Roubache, qui, à Marseille, a annoncé dès ce dimanche soir se retirer en faveur du candidat de gauche, devancé de 19 points par le candidat RN. Ou encore de la candidate Renaissance Sylvie Casenave-Péré, arrivée troisième loin derrière Marie-Caroline Le Pen (la sœur de Marine Le Pen) dans la Sarthe, qui s’est retirée en faveur de la candidate insoumise Elise Leboucher. Deux autres ministres, Marie Guévenoux et Fadila Khattabi, ont également annoncé se retirer au profit du candidat de gauche.
@lexpress Au soir de ce premier tour des élections législatives anticipées, on peut le dire, la Macronie a perdu sa boussole. electionslegislatives2024 politique france sinformersurtiktok apprendreavectiktok
♬ son original - L’Express - L’Express
En revanche, une vingtaine de candidats de la majorité, qualifiés en troisième position, ont pour l’instant assumé leur choix de maintenir leur candidature. C’est le cas de l’ancienne ministre Dominique Faure, qualifiée avec 29 % des voix derrière le candidat RN (30,4 %) et le candidat socialiste (36,2 %). Certains candidats arrivés troisièmes affirment ainsi être en meilleure capacité de battre le RN que le Nouveau Front populaire : c’est le cas de Craig Monetti (Horizons) à Nice, qualifié avec 23 % dans la circonscription d’Eric Ciotti, ce dernier étant arrivé assez largement en tête (41 %) devant le candidat LFI (27 %).
Tous partis confondus, l’AFP recensait à 19 heures près de 150 de désistements contre le RN. Ces chiffres sont encore amenée à évoluer : le dépôt des candidatures pour le second tour est fixé ce mardi, à 18 heures.
La déclaration du jour : Emmanuel Macron appelle son gouvernement à "ne pas se tromper" de combat
Cette désunion dans le camp présidentiel concernant le comportement dans les triangulaires n’a pas échappé à Emmanuel Macron. Lors d’une réunion avec les membres de son gouvernement à la mi-journée, le président a appelé ces derniers à "ne pas se tromper". "C’est l’extrême droite qui est en passe d’accéder aux plus hautes fonctions, personne d’autre", a-t-il affirmé, selon une source gouvernementale auprès de l’AFP.
"Pas une voix ne doit aller à l’extrême droite. Il faut se souvenir qu’en 2017 et 2022, en face, à gauche, tout le monde a porté ce message. Sans cela votre serviteur et vous ne serions pas là", a-t-il ajouté. Le président de la République n’a pas pour autant donné de consigne claire de désistement pour les ballottages de dimanche, selon plusieurs sources ministérielles auprès de l’AFP.
De son côté, Gabriel Attal, chef de la campagne de la majorité, a invité les ministres à se déplacer "partout où on peut faire la différence" et à "ne pas gaspiller leurs forces quand c’est perdu d’avance". "S’il y a un risque d’élection du candidat RN, on se désiste", a-t-il redit, selon cette source gouvernementale auprès de l’AFP, qui lit cette remarque comme du "cas par cas".
Le tacle du jour : Marine Tondelier cingle le "comportement de lâche et de privilégié" de Le Maire
Alors que Bruno Le Maire avait appelé ce matin au micro de France Inter à voter pour "un candidat du camp social-démocrate" sans y inclure LFI afin de contrer le RN, la présidente des Ecologistes Marine Tondelier s’en est très durement pris au ministre de l’Economie.
"Cela fait dix ans que je vis dans une ville tenue par le RN, c’est un comportement de lâche et de privilégié, c’est hors sol, c’est lunaire, ce n’est pas à la hauteur de l’Histoire", a-t-elle estimé. "Est-ce que le RN a la possibilité d’être en majorité absolue à l’Assemblée nationale ? La réponse est oui. Est-ce que LFI a la capacité d’être en majorité absolue à l’Assemblée nationale ? La réponse est non", a-t-elle cinglé. "Heureusement que les électeurs de gauche, écologistes, sont moins sectaires et moins lâches que ça", a-t-elle terminé.
La cheffe des Ecologistes a en revanche "remercié Gabriel Attal, qui a été plus clair que la moyenne de son camp et je pense que c’est une forme de courage, quoi que je pense de sa politique".
Les réactions du jour : les dirigeants européens, entre inquiétude et satisfaction
En dehors de la France, c’est aussi toute l’Europe qui suit de près ce résultat des élections législatives. Ainsi, la cheffe de la diplomatie allemande a estimé ce lundi que la victoire du Rassemblement national au premier tour ne pouvait pas laisser "indifférent". "L’Allemagne et la France portent une responsabilité particulière pour notre Europe commune", a souligné Annalena Baerbock lors d’une conférence de presse avec son homologue lettonne et "personne ne peut rester indifférent […] si chez notre tout proche partenaire et meilleur ami, un parti qui voit dans l’Europe le problème et non la solution arrive largement en tête".
Le résultat du premier tour des législatives françaises anticipées s’inscrit dans "une tendance dangereuse" pour la France et pour l’Europe, a quant à lui estimé le Premier ministre polonais, Donald Tusk. En Italie, la Première ministre Giorgia Meloni s’est quant à elle réjouie que la "diabolisation" de l’extrême droite soit moins suivie. "La tentative constante de diaboliser les gens qui ne votent pas à gauche […] est un piège dans lequel tombent de moins en moins de gens", a-t-elle déclaré. Aux antipodes, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, à la tête d’une coalition de gauche, a insisté sur le fait qu’il ne tenait pas "pour acquise la victoire de l’extrême droite".
Le Kremlin a également réagi, expliquant suivre de "très près les élections en France", selon son porte-parole Dmitri Peskov. "Nous attendons le deuxième tour, mais les préférences des électeurs français sont plus ou moins claires pour nous", a-t-il ajouté. "La semaine dernière, on a vu (Joe) Biden perdre le débat (face à Donald Trump). Et maintenant le parti de Macron a perdu en arrivant à la troisième place aux législatives. Les chefs d’Etat au pouvoir subissent des défaites fracassantes", a quant à lui estimé Viatcheslav Volodine, le président de la Douma.
Dans les médias internationaux, le résultat de ce premier tour a également été abondamment commenté, comme nous le montrons dans notre revue de presse à l’étranger.