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Entre le RN et la droite, la fin du cordon sanitaire ? "S'il y en a qui veulent devenir ministre..."

Une seule vague peut-elle suffire à ensevelir un barrage ? Dans cet entre-deux-tours des législatives, on phosphore au Rassemblement national. Eric Ciotti, en rejoignant la coalition portée par le RN, a porté le premier coup au cordon sanitaire, qui assurait jusqu’alors une parfaite étanchéité entre les appareils politiques de droite et d’extrême droite. Il s’agit désormais, pour les frontistes, de transformer l’essai. D’autant que le parti lepéniste en est quasi certain : ses seules troupes risquent de ne pas suffire. Il aura besoin des députés de droite pour atteindre la majorité absolue à l’Assemblée nationale, et porter Jordan Bardella à Matignon.

Problème : les cadres des Républicains, dans leur grande majorité, ont dénoncé la démarche d’Eric Ciotti et refusé de s’allier avec les héritiers de Jean-Marie Le Pen. Pire : ils récoltent, ce dimanche, plus de 10 % des suffrages, à la surprise de l’état-major frontiste qui avait sous-estimé leur score. Réunis en bureau exécutif, lundi matin 1er juillet, les huiles du parti d’extrême droite se demandent comment mettre à profit le score obtenu par les candidats de la droite traditionnelle. Hypothèse numéro un, évoquée dès dimanche soir : dans certaines circonscriptions où un candidat LR-divers droite serait arrivé en tête face à la gauche, le candidat RN pourrait envisager de se retirer et ainsi favoriser l’élection de leur adversaire de droite, moyennant une alliance dans l’hémicycle.

Des négociations sous le manteau

Une sorte de main tendue de la dernière chance, pour ceux qui n’étaient pas sûrs de leur choix. Dans le viseur, des profils comme ceux de Maxime Minot ou Fabien Di Filippo, députés LR ayant déjà voté avec l’extrême droite sous la précédente législature. "Le message envoyé, c’est 's’il y en a qui veulent devenir ministre, c’est maintenant'", commente un cadre de la droite, persuadé que de nouvelles digues vont céder cette semaine. Une dizaine de circonscriptions sont concernées. Pas de quoi renverser la table. Mais plus que sur le nombre, c’est sur le symbole que veut jouer le RN. "S’ils font ça, le message qu’ils envoient, c’est qu’ils sont contraints de s’ancrer à droite, et ils envoient ce signal aux députés susceptibles d’opérer la bascule", continue la même source.

Changement de pied. Et s’il valait mieux mener les négociations sous le manteau, et faire définitivement céder la droite en toute discrétion ? D’autant que dans certaines de ces circonscriptions, le désistement des candidats de la gauche et du bloc central pour faire barrage au RN renvoie de facto les candidats de droite en adversaires du parti lepéniste. Au 20 Heures de TF1, lundi soir, Jordan Bardella annonce donc qu’il ne donnera pas de consigne de vote, ni ne demandera à ses candidats de se désister. Avec l’idée, aussi, de se différencier de ses adversaires de la gauche et du centre, arguant de l’éternel argument frontiste : "Nous ne sommes pas comme les autres." "Est-ce que vous comprenez que les désistements et les consignes de vote sont le pire des mépris ? Je considère que mes électeurs sont intelligents et libres", assurait encore Marine Le Pen, ce mardi 2 juillet, au micro de France Inter.

"On se dirige vers une normalisation complète"

Cela ne change pas la situation frontiste. Le RN, s’il n’obtient pas de majorité absolue, aura besoin de groupes pivots, ne serait-ce que pour voter la confiance ou le budget. Mais il préfère miser sur des négociations post second tour, une fois la tension retombée et le regard moins porté sur les élus de droite qui n’auraient pas fait barrage. "On va bien trouver des élus responsables une fois installés à l’Assemblée", espère tout haut un cadre lepéniste. Plutôt que de brusquer les élus en pleine période électorale, les dirigeants du RN misent sur une résiliation de députés de droite devant l’ampleur de la vague frontiste. Une fois le second tour passé, ils assurent pouvoir attirer dans leurs filets des élus de droite qui n’auraient pas suivi Eric Ciotti au lendemain des élections européennes.

"Si nous avons 270 députés, il nous en faut 19 pour avoir la majorité, répétait encore Marine Le Pen, ce mardi. On va donc aller voir les autres et leur demander s’ils sont prêts à participer avec nous à une nouvelle politique, à voter la confiance et à voter le budget." En clair : patienter pour tenter, plus discrètement, de faire émerger une alliance durable avec la droite en laissant définitivement derrière le cordon sanitaire. A droite, certains l’ont déjà définitivement enterré, considérant que la décision d’Eric Ciotti n’était qu’un mouvement précurseur, destiné à être imité par beaucoup d’élus. "On se dirige vers une normalisation complète dans les prochaines années surtout s’ils exercent le pouvoir, et une alliance naturelle avec la droite", assure un cadre, pour qui l'existence d'une parfaite étanchéité entre la droite et l'extrême droite fait bel et bien partie du passé.

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