La France, entre crise politique historique et syndrome du déclassement
Comment a-t-on pu en arriver là ? La crise politique historique que traverse aujourd’hui la France pourrait s’expliquer et s’incarner en un seul mot : le déclassement. Déclassement d’une partie de la population, désormais persuadée que ses enfants vivront moins bien qu’elle. Il faudrait aujourd’hui six générations – soit 180 années ! – pour qu’un descendant d’une famille en bas de l’échelle des revenus - les 10 % les plus bas - se hisse au niveau moyen du pays, d’après les projections de l’OCDE. L’un des plus mauvais résultats des grands pays développés.
Déclassement aussi de la France par rapport à ses partenaires européens. Triste résultat, alors qu’Emmanuel Macron rêvait - par arrogance ou naïveté - d’écrire le futur de l’Union européenne. Pour illustrer ce décrochage, il suffit de suivre sur près de deux décennies l’évolution du PIB par tête de la France par rapport à celui de ses voisins. Alors qu’en 2000, la richesse par habitant était supérieure de 15 % à la moyenne européenne d’après les statistiques d’Eurostat, l’écart est tombé à 10 % en 2010 et il est aujourd’hui totalement comblé.
Mais il y a plus inquiétant. Comme le souligne l’économiste Véronique Riches-Flores, le PIB par tête est aujourd’hui inférieur à la moyenne européenne dans 11 des 13 régions que compte l’Hexagone, contre trois seulement en 2000. Alors que l’Ile-de-France reste l’un des territoires les plus riches d’Europe – le PIB par tête y est près de 60 % plus élevé que la moyenne continentale -, dans huit régions françaises, la sous-performance est supérieure à 15 %. En queue de peloton, la Corse, les Hauts-de-France, le Centre-Val de Loire, la Bourgogne, l’Occitanie et le Grand Est. Des territoires où le vote pour le Rassemblement national a littéralement explosé ces dernières années. Non seulement l’hypertrophie francilienne, décrite dès 1947 par le géographe Jean-François Gravier dans Paris et le désert français, ne s’est pas résorbée au fil des années, mais une forme d’appauvrissement d’une grande partie du pays par rapport au reste de l’Europe apparaît aujourd’hui. Une déformation que n’ont connue ni l’Allemagne ni l’Italie. Les raisons sont évidemment multiples, mais la désindustrialisation accélérée de l’économie française au cours des décennies passées n’y est sans doute pas étrangère.