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"L’Histoire retient son souffle" : la chronique électorale de Christophe Donner

Mardi 25 juin. J-5 avant le premier tour. La chaleur est arrivée d’un coup sur Paris après des semaines de températures inférieures aux normales saisonnières. Ce soir-là, le triangulaire débat entre Attal, Bardella et Bompard a bien rendu compte de l’absurdité de cette élection sans queue ni tête. Le premier insupportable d’impolitesse, le deuxième effrayant de calme, le troisième mal rasé. Les trois se parlant les uns sur les autres sans que les deux modérateurs ne parviennent eux-mêmes à se faire entendre. Et sur l’autre chaîne, presque dans le même temps, les footballeurs français et polonais se grimpaient eux aussi les uns sur les autres dans la surface de réparation, avec l’espoir de pousser l’adversaire à la faute.

Mercredi 26 juin. J-4. 10 heures du matin. Un froid de canard dans la salle de projection privée où je découvre Hijo de sicario. Ça se passe au Mexique, ça raconte l’histoire d’un tueur à gages, lui-même assassiné, presque sous les yeux de son fils de 3 ou 4 ans. Lequel se trouve de fait en danger de mort : on cherche à le tuer pour qu’il ne puisse pas se venger, plus tard. Il en réchappe, mais le plus tard venu, comment l’adolescent va pouvoir éviter de prendre la succession prestigieuse de son père, refuser la vengeance, disparaître dans l’anonymat de la grande ville ? Encore un film réalisé par deux femmes, ce qui tendrait à prouver qu’il est toujours préférable de faire un film à deux. Je ne sais pas très bien pourquoi. Est-ce qu’on divise les erreurs par deux ? Ça m’a bien éloigné des législatives, les rendant dérisoires.

Jeudi 27 juin. J-3. Temps lourd, couvert, nuageux, pas un pet de vent. L’Histoire retient son souffle. Il paraît que ça remonte du côté de la majorité présidentielle. De quelque manière qu’on prenne la chose, rien n’est joyeux. Du débat entre Bardella, Faure et Attal, je retiens que ce dernier est "bien entouré" pour se protéger de l’homophobie, et que Faure considère l’homosexualité comme quelque chose à "assumer" et qu’il faudrait ne plus avoir peur d’"avouer". A qui doit-on rendre tous ces comptes ?

Vendredi 28 juin. J-2. Mais J-zéro de l’autre côté de l’Atlantique, après le débat Trump-Biden. Aux Petits Matins sur France Culture, le compte-rendu de Laure Mandeville sur ce débat est sans appel, Biden est foutu. Il aura connu les plus grands malheurs dans sa vie, chercherait-il à narguer son infortune en se dissolvant à petit feu ?

Samedi 29 juin. J-1. Le corps électoral en apnée. C’est peut-être ce qu’il y a de plus intéressant dans le processus démocratique, la seule belle chose. Ces quarante-huit heures de silence imposé, heures apolitiques, mystiques, qui précèdent la grand-messe du lendemain.

Dimanche 30 juin. Jour du patatras. Le triomphe de la France goy. Elle est xénophobe, raciste, homophobe et antisémite depuis longtemps, depuis toujours, Edouard Drumont en 1886, Charles Maurras en 1914, Philippe Pétain en 1940, Renaud Camus aujourd’hui, ventriloqué par garçon bien propre sur lui qui dit à ses 33 % de Français ce qu’ils pensent : "Il y en a trop" ; et qui leur promet ce qu’ils espèrent : "On va les éliminer, en commençant par les binationaux, ces bâtards, ces cosmopolites." Ça me donne envie de devenir binational, moi aussi. On fait comment ? J’ai l’impression que ça n’est pas aussi facile que de changer de sexe à la mairie.

Lundi 1er juillet. J + 1. Puisqu’on parle du loup, Macron dans les rues du Touquet s’est contenté de changer de look : blouson de cuir, casquette de baseball, lunettes de soleil. La garde de ses Benalla’s boys à ses basques a du mal à le suivre tellement il a l’envie pressante de serrer des mains, sourire, être aimé, mais il marche trop vite pour être reconnu : "Maman ! Maman ! C’est lui, Bardella ?" Personne n’est dupe de cette pêche aux voix, d’où il ne remontera rien d’autre qu’un peu plus de mépris. Sa force de séduction qui fit chavirer les cœurs n’est plus qu’une manie de se faire des ennemis partout où il passe. Le reportage au Touquet ne dit pas s’il s’est rendu à la mairie pour serrer la main d’une personne trans en demande de nouveaux papiers d’identité.

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