Au Cameroun, l'homosexualité est passible de cinq ans de prison. Alors quand Brenda Biya, la fille du président nonagénaire Paul Biya, fait son coming out lesbien sur Instagram depuis la Suisse, les homophobes s'énervent et les militants LGBT+ espèrent.
Une résidente suisse de 26 ans qui s'est récemment lancée dans le rap publie sur Instagram une photo d'elle en train d'embrasser sa petite amie, avec un petit message mignon : "Je suis folle de toi, et je veux que tout le monde le sache." Rien d'exceptionnel, sauf qu'il s'agit de Brenda Biya, la fille du président camerounais, Paul Biya. En faisant son coming out ce dimanche 30 juin, la jeune femme jette un pavé dans la mare : ce pays d'Afrique centrale, dirigé d'une main de fer depuis 41 ans par son père aujourd'hui âgé de 91 ans, réprime l'homosexualité.
L'article 347 bis du Code pénal camerounais prévoit jusqu'à cinq ans de prison pour toute personne qui aurait des rapports sexuels avec un individu de même sexe. Depuis 2005, le pouvoir en place mène une offensive contre les personnes LGBTQI+, soutenue par l'Église catholique. "Nous n’acceptons pas [l’homosexualité] chez nous. Ce sont des mœurs contre nature. Pour un poste de travail, une entrée dans une grande école, on contraint nos jeunes à l’homosexualité, que l’on veut légaliser", a déclaré à l'époque l’archevêque de Yaoundé, la capitale.
L'homosexualité largement réprimée en Afrique
Alors que les organisations de défense des droits humains dénoncent régulièrement les arrestations et les condamnations de personnes LGBTQI+, une partie de la société camerounaise considère toujours l'homosexualité comme une forme de sorcellerie. En 2018, la Fondation Thomson Reuters rapportait que des lesbiennes étaient violées et torturées, parfois par leur propre famille. En 2023, le pays a refusé d’accueillir l'ambassadeur français en charge des droits des personnes LGBT+, Jean-Marc Berthon, qui devait participer à une conférence débat sur le genre, l'orientation et l'identité sexuelle.
Alors certes, Brenda Biya vit en Suisse, où elle peut vivre son homosexualité au grand jour, bras dessus bras dessous avec sa chérie, sans être impactée par la politique paternelle. Mais son coming out fait beaucoup réagir dans son pays. Dénonçant une "abomination devant Dieu", Christian Ntimbane Bomo, candidat à la prochaine élection présidentielle (en 2025) a demandé de ne pas en parler : "Relayer les photos de Brenda Biya et de sa supposée compagne participe consciemment ou inconsciemment à une campagne publicitaire savamment organisée en vue de la banalisation et la normalisation de cette déviance au Cameroun", a-t-il déclaré.
"On va obtenir cette dépénalisation de l’homosexualité grâce à toi."
Du côté des opposants au pouvoir de Paul Biya, le journaliste en exil Paul Bertolt a demandé dans un post Facebook la libération de la vingtaine d'homosexuels emprisonnés au Cameroun. Provocateur, il propose dans le cas contraire d'arrêter la fille du président afin que la loi homophobe soit appliquée sans distinction.
Les militants LGBTQI+ voient dans ce coming out une occasion d'espérer. La militante trans Shakiro, qui avait été condamnée à cinq ans de prison en 2021 pour “tentative d’homosexualité” et “outrage public à la pudeur” (elle portait des vêtements féminins), avant d'être libérée sous condition et de fuir le pays, a ainsi salué : "On va obtenir cette dépénalisation de l’homosexualité grâce à toi."
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Crédit photo : Brenda Biya via Instagram