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Le feu aux poudres

Avec la décision de dissolution de l’Assemblée nationale, puis les attitudes équivoques entretenues tout au long de la campagne, le président Macron ne risque-t-il pas d’avoir mis le feu aux poudres ? Par Johan Rivalland

C’est bien connu, à force de jouer aux apprentis-sorciers, on risque bien d’agir fort imprudemment, au point de se trouver vite dépassé par des événements qu’on n’avait su anticiper. Les péripéties récentes, et celles peut-être à venir – ne le souhaitons pas – pourraient bien donner raison à cet adage.

 

Les dangers de la tambouille politique

Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale par le président Macron, nous assistons, médusés, à une surenchère, comme nous ne l’avions jamais vue, de compromis ou compromissions, trahisons, reniements spectaculaires, rétractations, stratégies à courte vue, recompositions, coups de bluff improbables, et cirque médiatique, y compris jusque sur les réseaux sociaux, sans oublier le recours aux influenceurs (dûment rémunérés).

Pas sûr que les Français, ou tout au moins une part de plus en plus importante d’entre eux, apprécient… Le taux de participation exceptionnel relevé au premier tour de ces élections pourrait très bien, d’ailleurs, retomber très rapidement à des niveaux moins exceptionnels.

Tous les Français, les observateurs étrangers, les marchés, les investisseurs et chefs d’entreprise, les analystes de toutes obédiences, sont en émoi devant cette cacophonie qui règne à tous les niveaux. Le pays se trouve sens dessus-dessous, dans une période de déraison exacerbée, sans véritable contrôle.

Chacun veut donner de sa voix, jouer de son influence. Les langues se délient de toute part, sans mesure et sans retenue, avec tous les excès auxquels cela peut donner lieu. L’agressivité monte en puissance, entretenue par les appels multiples de stars et autres voix qui pensent faire autorité, ne faisant que surajouter à l’exaspération, en enjoignant les électeurs à bien voter, en leur délivrant des leçons de morale, certificats de vertu et autres prescriptions qui semblent sans alternative.

Ce faisant, la surenchère amène certains à franchir allègrement les limites que la démocratie semblait pourtant s’être fixées. À l’image, entre autres, de ces quelques rappeurs dont on a beaucoup parlé ces jours derniers, ou de ces paroles ouvertement racistes ou antisémites qui, çà et là, se libèrent sans fard. Sans omettre les agressions sauvages à l’encontre d’élus ou de militants, sans souci du respect de l’autre et des principes élémentaires de la démocratie.

 

Savoir raison garder

Car ce qui me préoccupe, et qui est l’objet de cette brève, est la crainte – ô que j’espère me tromper complètement ! – qu’à force d’avoir voulu jouer les passions, les divisions, les rancœurs, les leçons de morale, les Pères la Vertu, au lieu de faire confiance aux Français, aux électeurs pour voter en leur âme et conscience et en laissant place au débat démocratique tel qu’il devrait toujours se dérouler – serein, apaisé et fondé sur l’argumentation, le respect non seulement de l’adversaire mais aussi des électeurs – on en soit venus à monter les Français les uns contre les autres, à caricaturer, à radicaliser les comportements. Jusqu’à créer l’étincelle qui mettra le feu aux poudres.

C’est pourquoi, alors même que j’évoquais ici-même il y a peu ces violences historiquement inhérentes à certaines franges d’individus, qui rêvent en permanence de Révolution, il ne faudrait pas que l’on se retrouve, au soir du 7 juillet et après, dans une situation proche de celle que nous avons connue il y a un an de cela avec les terrifiantes émeutes de juillet 2023.

Le soir du premier tour, nous avons tous entendu que les services secrets avaient eu vent de lourds mouvements de violence et de destruction qui se préparaient, notamment place de la République, après la proclamation de résultats dont on anticipait largement la tendance. Mais nous avons aussi entendu que des appels avaient été lancés (on se demande par qui) en faveur de la retenue, afin de ne pas faire perdre de voix au NFP en vue du second tour. Sous-entendu, attendez l’issue du second tour et les résultats définitifs…

 

Cesser d’infantiliser les Français

Sans incriminer le Président – je ne me permettrais pas – ne peut-on penser qu’il a eu tort, et avec lui une grande partie de la classe politique qui semble clairement avoir perdu la tête, de jouer les passions, la confusion, et la déraison, plutôt que l’apaisement et le respect des règles du débat démocratique ? N’aurait-il pas été préférable de faire davantage confiance aux Français, de les considérer un peu plus en adultes, plutôt que de chercher à les infantiliser ?

Tous ces politiques qui se renient, sont prêts à faire le grand écart de manière indigne, qui n’hésitent pas à mentir, à dramatiser les situations et à mettre de l’huile sur le feu lorsque cela les arrange, sont-ils donc une nouvelle fois aveugles à ce point qu’ils ne se montrent jamais capables de tirer les leçons de la lassitude et de la désespérance qu’ils suscitent chez leurs électeurs à mesure qu’ils persistent dans leurs trahisons et leurs combinaisons à courte vue, dans leur conception à géométrie variable de la démocratie ?

C’est à un bien mauvais spectacle que nous avons assisté durant cette campagne courte mais scabreuse. Et ce qui suit n’est pas davantage réjouissant. Il en restera beaucoup d’amertume, des divisions, une confiance encore plus écornée en la parole et en la dignité politiques. Il faudra beaucoup de temps pour s’en relever. En espérant au moins que nous éviterons au maximum l’explosion…

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