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Cuisiner l'avenir : à quoi devraient ressembler nos assiettes en 2030 ?

Alors que l'OCDE indique que les Français passent en moyenne 2h13 à table chaque jour, un paradoxe préoccupant se dessine : un Français sur six ne mange pas à sa faim. En 2030, alors que la population mondiale devrait atteindre les 8 milliards d'habitants, les défis liés à la sécurité alimentaire, au changement climatique et aux inégalités d'accès à la nourriture seront exacerbés. Dans ce contexte, comment notre alimentation évoluera-t-elle pour répondre aux enjeux de notre époque tout en préservant le plaisir de la table ? C'est la question à laquelle ont tenté de répondre Raphael Haumont, professeur des universités et directeur du CFIC (Centre Français d'Innovation Culinaire MARX HAUMONT avec Thierry Marx), Simon Ferniot, CEO et Co-fondateur d'Olala, Christophe Lavelle, chargé de recherche au CNRS et au Musée national d'Histoire Naturelle, Luc Mathis, CEO de Meiogenix et Catherine Renard, directrice de recherche à l'INRAE lors de cette nouvelle édition des Look'up du Hub.  

Sécurité alimentaire et innovations technologiques... 

Face à une population mondiale qui devrait atteindre 8,5 milliards de personnes en 2030 et près de 10 milliards en 2050, la sécurité alimentaire représente un enjeu crucial. Les innovations technologiques devront garantir une production suffisante et équitable avec des ressources limitées. Fort heureusement, nombreux concepts et procédés l'anticipent déjà.   L'agriculture verticale, par exemple, consiste à cultiver des plantes dans des structures empilables, permettant ainsi une utilisation optimale de l'espace et des ressources. Grâce à l'éclairage LED et à l'automatisation, cette méthode permet de produire des aliments localement et de manière durable. Parallèlement, l'agriculture cellulaire représente une révolution dans la production de protéines. En cultivant de la viande, du poisson et d'autres protéines directement à partir de cellules animales, sans élevage ni abattage, cette approche réduit la pression sur les ressources naturelles et offre des alternatives durables aux produits carnés traditionnels. Comme le souligne Simon Ferniot, CEO et co-fondateur d'Olala, spécialisée dans les alternatives végétales aux produits de la mer " on ne veut pas remplacer la viande, mais on a besoin de nouvelles solutions ".  

L'agriculture de précision est une autre innovation clé. En utilisant des capteurs, des drones et de l'intelligence artificielle, les agriculteurs peuvent optimiser chaque étape de la production, des semences au sol, en passant par l'irrigation et la récolte. Cette précision permet de maximiser les rendements tout en minimisant les intrants et l'impact environnemental. Luc Mathis, CEO de Meiogenix, entreprise de biotechnologie agricole qui développe de nouveaux produits basés sur l'édition de chromosomes, insiste sur l'importance de ces technologies pour garantir la sécurité alimentaire et optimiser la production agricole face aux défis climatiques et environnementaux. 

...Pour faire face aux changements climatiques  

La production alimentaire a un impact significatif sur l'environnement. La chaine alimentaire est responsable de plus d'un tiers des émissions de CO2 dans le monde, dont 40 % sont issus du secteur agricole. Réduire cet impact est essentiel pour préserver notre planète. L'agriculture durable, qui inclut des pratiques telles que l'agroforesterie, la rotation des cultures et l'utilisation de techniques de conservation des sols, peut réduire les émissions et améliorer la résilience des systèmes agricoles. Les variations climatiques affectent déjà les cultures, avec des pressions accrues des agents pathogènes et des maladies, ainsi que des déficits hydriques qui impactent les rendements. Les technologies doivent s'adapter pour résister à ces conditions changeantes et minimiser les pertes. Raphael Haumont, professeur des universités et Directeur du Centre Français d'Innovation Culinaire (CFIC), souligne l'importance de la recherche et de l'innovation pour développer des solutions résilientes. " Il faut oser rater et adopter une démarche expérimentale pour découvrir les solutions de demain ", affirme-t-il. Depuis 2013, le chercheur en physico-chimie et le grand chef Thierry Marx s'affairent dans ce qu'ils appellent leur " cuisine laboratoire " pour façonner la gastronomie de demain. Une cuisine innovante qui répond a une demande croissante des consommateurs conscients des enjeux environnementaux : bioplastiques, protéines végétales, gestion du gaspillage alimentaire, circuits courts... " Mais il ne suffit pas de revoir le contenu. Le contenant est tout aussi important ", nous rappelle Raphael Haumont, et pour cela pas besoin d'inventer, l'existant fonctionne très bien.  Le professeur évoque les bienfaits de l'agar agar, des algues et même de la coquille d'oeuf. Le tout c'est de penser des outils qui conserveront tout le goût et les bienfaits des aliments car " quand ça sent bon dans la cuisine, ce n'est pas forcément bon signe. Cela veut aussi dire que tous les arômes se sont évaporés " ironise-t-il.  

L'impact environnemental de notre alimentation ne se limite pas à la production agricole. Le gaspillage alimentaire est un problème majeur, avec 1 milliard de repas par jour gaspillés dans le monde en 2022, représentant un coût de 1 000 milliards de dollars pour l'économie mondiale. Réduire ce gaspillage sera essentiel pour préserver nos ressources et limiter notre impact écologique. Catherine Renard de l'INRAE insiste sur la nécessité de " sensibiliser les consommateurs et de mettre en place des politiques efficaces pour réduire le gaspillage à tous les niveaux de la chaine alimentaire ". 

Eduquer le palais des consommateurs... 

L'avenir de notre alimentation repose sur une collaboration étroite entre chercheurs, entrepreneurs, cuisiniers et consommateurs. En 2030, nos assiettes devront conjuguer plaisir gustatif, bien-être et durabilité. Les innovations technologiques, la réduction de l'impact environnemental et l'amélioration de l'accès à une alimentation saine seront essentiels pour relever les défis de notre époque. Un aspect crucial pour réussir cette transition réside dans l'éducation des consommateurs et la rééducation de leurs palais. Catherine Renard de l'INRAE souligne l'importance de cette tâche, affirmant qu'" il y a un travail considérable à faire pour convaincre les consommateurs des bienfaits des aliments durables et nutritifs ". La notion d'aliments ultra-transformés est souvent perçue de manière négative, mais il est important de nuancer cette perception. Selon Christophe Lavelle, chercheur au CNRS : " les aliments ultra-transformés ne sont pas intrinsèquement nocifs. La transformation alimentaire permet souvent de prolonger la durée de vie des produits et d'améliorer leur sécurité sanitaire, les efforts doivent se concentrer sur la qualité des ingrédients et les méthodes de transformation employées ". 

Comme le résume Simon Ferniot d'Olala, " l'offre alimentaire doit basculer, il faut de l'inventivité ". Beaucoup d'alternatives plus responsables sont déjà en circulation comme le kéfir de fruit par exemple qui a bonne presse car " fait maison, naturel et non sucré " selon Christophe Lavelle. Pour cela l'éducation des consommateurs, la rééducation de leurs palais par des campagnes de sensibilisation et ateliers culinaires, la transparence sur les produits et l'innovation sont des piliers essentiels pour garantir une alimentation plus saine, durable et accessible à tous en 2030. Effectivement, Catherine Renard affirme qu'" il y a un travail considérable à faire pour familiariser les consommateurs avec de nouveaux goûts et textures, et pour les convaincre des bienfaits des aliments innovants et durables ".  

...Pour tendre vers une alimentation durable et équitable pour tous 

Même avec des avancées technologiques, l'accès à une alimentation saine reste inégal. En 2023, 281 millions de personnes dans 59 pays étaient en insécurité alimentaire aigue, une situation qui s'aggrave chaque année. Garantir que tous aient accès à des aliments nutritifs et abordables représente un défi majeur. Pour lutter contre les inégalités alimentaires, des initiatives locales et globales sont nécessaires. Les jardins communautaires, les marchés de producteurs locaux et les programmes de distribution de fruits et légumes frais aux familles à faible revenu sont des exemples de solutions qui peuvent améliorer l'accès à une alimentation de qualité. Christophe Lavelle, chercheur au CNRS et au Muséum national d'Histoire Naturelle, souligne l'importance de ces initiatives pour réduire les inégalités alimentaires.  

En 2030, nos assiettes devront conjuguer plaisir gustatif, bien-être et durabilité. Les innovations technologiques, la réduction de l'impact environnemental, et l'amélioration de l'accès à une alimentation saine seront essentiels pour relever les défis de notre époque. Comme le résume Simon Ferniot d'Olala, " l'offre alimentaire doit basculer, il faut de l'inventivité ". Cependant, le coût reste un frein majeur à la diffusion de ces innovations, et trouver des alternatives économiques et écologiques aux plastiques, par exemple, est une priorité. 

*A propos de Bpifrance le Hub : Avec un programme d'accompagnement multidisciplinaire opéré sur-mesure, Bpifrance Le Hub accélère le développement des startups investies par les fonds d'investissement en capital risque de Bpifrance. Sa fameuse salle " Le Hub ", inaugurée il y a 10 ans, ambitionne de rassembler les acteurs de l'écosystème innovation à travers des évènements prospectifs et prises de parole inspirantes.  

 

Cet article a été publié initialement sur Big Média Cuisiner l'avenir : à quoi devraient ressembler nos assiettes en 2030 ?

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