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Le récit d'une fin de campagne pas comme les autres

Le récit d'une fin de campagne pas comme les autres

Hier a sifflé la fin de la folle campagne des élections législatives. Nous avons suivi cinq candidats de tous horizons, de la Haute-Loire au Loiret en passant par la Corrèze ou le Puy-de-Dôme, pour jauger l’ambiance à quelques heures d’un second tour historique.

C’est une drôle de campagne des législatives qui s’est achevée hier, en même temps que commençaient les vacances scolaires et que les Bleus affrontaient le Portugal à l’Euro. Nous avons suivi cinq candidats, plus ou moins connus, lors de leurs dernières heures sur le terrain. En Corrèze, en Haute-Loire, dans le Puy-de-Dôme, en Eure-et-Loir ou dans le Loiret, ils ont jeté toutes leurs forces dans la bataille. Les urnes rendront leur verdict ce dimanche soir.

François Hollande,  politique et people

Troisième et dernier jeudi de campagne, troisième visite du marché d’Argentat-sur-Dordogne, troisième journée morose d’un point de vue météorologique.

Mais François Hollande ne boude pas son plaisir. "Encore vous ?", lance un marchand. Impossible de faire plus de trois pas sans un arrêt selfie : le  "people" prend le pas sur le politique… Ici, sur les terres de l’ancien ministre René Teulade, l’ex-président de la République est en terrain conquis… ou presque.

Au premier tour, le 30 juin, il a recueilli 44 % des suffrages dans cette ville touristique du sud-corrézien. Mais pour lui, pas de doute, "il faut faire campagne". Aller convaincre, se nourrir du terrain. "Cette campagne, elle est très différente de celles de 1988 ou de 1997", observe-t-il, le temps de boire un café au P’tit Bouchon.

Autrefois, c’était la circonscription de Tulle seulement, plus petite, je faisais des réunions dans chaque commune et le soir, une réunion publique dans le chef-lieu de canton, on n’a plus le temps de faire ça.

L’autre différence, c’est qu’ "on avait un adversaire majeur, la droite. Là, le fait nouveau, c’est une actrice, l’extrême droite, qu’on ne voit pas, qu’on ne connaît pas. Ses électeurs ne vous interpellent jamais. On les devine."Le café est avalé et le candidat du Nouveau Front populaire repart un ticket d’EuroMillions en poche, offert par un client en guise d’espoir. "Laissez-moi votre nom au cas où !", le remercie le candidat. L’ancien député de la Corrèze continue son tour des étals, entre poignées de main et embrassades. D’autres rencontres sont moins enthousiastes : "Je vous respecte, j’ai toujours voté à gauche mais là, je ne comprends pas pourquoi s’allier avec LFI ? C’est une sacrée erreur, Mélenchon, c’est un gars dangereux", lance un homme en colère qui glissera un bulletin RN dans l’urne dimanche.

François Hollande a beau défendre la nécessaire union de la gauche, il n’aura pas convaincu ce couple de l’Aube. Sur le marché d’Argentat, la campagne s’est faite nationale, le candidat croisant les premiers estivants venus de Rouen ou du Nord. Pouvoir d’achat et accès aux soins sont les principales inquiétudes. "Le génocide palestinien, vous le reconnaissez ?" l’interpelle Louis le maraîcher, d’obédience "marxiste-léniniste". A chaque jeudi, son "thème d’actu" avec le candidat socialiste. Mais jeudi prochain, les urnes auront parlé.

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Laurent Wauquiez  laboure le terrain

8 h 20, ce vendredi 5 juillet. Laurent Wauquiez, candidat Les Républicains dans la première circonscription de Haute-Loire, accorde une ultime interview radio, avant de filer à Dunières, dans l’est du département, où il est attendu pour 9 h 15. Un tour de marché en compagnie de son épouse Charlotte, une visite d’entreprise (chez Vial Frères, spécialisée dans la visserie et la boulonnerie) et le voilà reparti en direction du Puy-en-Velay pour déjeuner avec les entrepreneurs fédérés par le Medef.Les déplacements et les rencontres avec les habitants, les élus du territoire, les commerçants et les acteurs de la vie associative s’enchaînent : à Coubon, puis à Saint-Germain-Laprade, avant un retour au sein de la ville préfecture pour partager un moment "patriote" en terrasse avec les supporters des Bleus. Somme toute une petite journée pour le président de Région qui, depuis l’annonce de sa candidature (le 11 juin, ndlr), sillonne la Haute-Loire au pas de course.

Au cours de cette campagne inédite qui a pris fin hier soir, peu après le coup de sifflet final du match France-Portugal, cet habitué des 15 km internationaux du Puy aura visité "toutes les communes de la première circo ou presque (il y en a 82)", au rythme "d’une dizaine par jour", affirme son équipe. "Il est allé, poursuit-elle, au plus près du terrain."

Pour rappeler sa connaissance du territoire et se démarquer ainsi, sans doute, de son challenger, Alexandre Heuzey (RN). Un candidat que la Haute-Loire a rencontré après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale et qui, porté par le contexte politique national, talonnait l’ancien maire du Puy dimanche dernier, à l’issue du premier tour de ces législatives anticipées (avec 34,18% des suffrages, contre 36,8% pour le président de Région).

En coulisses toutefois, l’entourage de Laurent Wauquiez balaye l’idée d’une omniprésence motivée par la concurrence, arguant qu’il a "toujours fait des campagnes de terrain. Il n’a pas changé de stratégie."

A un jour du second tour, le voilà "convaincu" qu’il franchira la ligne d’arrivée en tête, même courte... "Il était préparé, dit-on, à ce que la campagne soit plus difficile que les précédentes (il a été élu député à trois reprises, NDLR) au vu des résultats des Européennes."

André Chassaigne  serre des mains

"Vous ne pouvez pas rester devant l’entrée, Monsieur !" "Ça fait 20 ans que je viens vous voir à Sanofi. Appelez le directeur il est au courant, dites-lui que c’est André Chassaigne et laissez-moi faire mon boulot démocratique."Face au vigile de l’entreprise Euroapi (ex-Sanofi) dans la petite commune de Vertolaye près d’Ambert, le député sortant (PCF) de la cinquième circonscription du Puy-de-Dôme ne se la laisse pas intimider. Celui qui officiait encore il y a moins de trois semaines comme président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine à l’Assemblée a les mots, le tempérament pour convaincre. Le physique aussi avec son mètre 90, moustaches, chemise mauve, bretelles et chapeau de paille.

Ce vendredi matin, l’élu depuis 22 ans dans ce territoire rural de moyenne montagne, à l’est du département, n’a pas choisi par hasard le site de l’entreprise pharmaceutique, fleuron local, pour ce dernier tractage avant dimanche. Quatre mois plus tôt, alerté par les syndicats sur la situation de l’entreprise, il avait une nouvelle fois rencontré la direction, promis d’interpeller et de faire venir le ministre de l’Industrie dans cette petite commune qui compte moins d’habitants que de salariés Euroapi (709). Alors, à l’entrée du site industriel, l’homme de 74 ans fait mouche, serre les mains... "Comment va ton grand-père ? Tu es de quelle commune déjà ?" 

Mais malgré l’évidente sympathie affichée par la majorité des salariés qui débauchent, en cette fin de matinée, acceptant volontiers un tract tendu, l’homme de terrain sait que la partie sera serrée dans ce duel l’opposant à Brigitte Carletto (RN), novice en politique.

J’ai vu des gens me dire, droit dans les yeux : “tu es digne d’être député, mais on ne votera pas pour toi cette fois-ci.”

Emma Minot,  entre ferme et collages

Pour sa dernière matinée de campagne électorale, hier, Emma Minot a choisi d’être au plus près de la terre d’Eure-et-Loir, dont elle brigue le mandat de député dans la première circonscription. Avec quelques militants du département venus se sensibiliser aux thématiques agricoles, la candidate RN s’est arrêtée dans la cour de la ferme des Templiers, à Berchères-les-Pierres, un petit village à une vingtaine de kilomètres de Chartres, pour « mieux comprendre les problématiques des agriculteurs et échanger avec eux", précise-t-elle.Face à eux, Aurélie Hallain, présidente de la Coordination rurale d’Eure-et-Loir, raconte sa vie quotidienne dans l’exploitation familiale de 150 hectares qu’elle dirige depuis quelques années, mais aussi ses craintes pour l’avenir. La peur que les importations prennent le dessus ; les restrictions d’irrigation ; les charges trop lourdes par rapport à la production ; les interdictions de plus en plus nombreuses de produits phytosanitaires..."C’est un non-sens écologique, il n’y a pas de solution de remplacement », réagit Emma Minot. La jeune femme de 23 ans, qui habite depuis un an à Chartres mais n’a pas d’attaches familiales en Eure-et-Loir, glisse qu’elle vient d’une famille d’agriculteurs :

Je suis sensible à ce sujet. C’est horrible que les agriculteurs ne puissent plus vivre de leur travail aujourd’hui.

Les secteurs ruraux ont d’ailleurs été la cible de sa campagne d’entre-deux-tours, avec distribution de tracts dans les boîtes aux lettres et rencontres avec les habitants. Son adversaire du second tour, le ministre du Logement Guillaume Kasbarian (Ensemble), s’étonne de ne jamais l’avoir croisée sur les marchés de la circonscription ou dans les gares, qu’il a sillonnés toute la semaine ; elle affirme qu’elle a privilégié la périphérie de Chartres, "là où des reports de voix sont possibles"."J’aime être au contact des gens", souligne-t-elle. "C’est un plaisir de faire cette campagne. On verra si on crée la surprise, on ne sait pas ce qu’il peut se passer. Les Français sont maîtres de leur destin et l’adversité ne me fait pas peur."Hier soir, Emma Minot avait prévu d’aller à la gare de Maintenon avant d’effectuer quelques derniers "collages". L’occasion peut-être de croiser enfin Guillaume Kasbarian qui avait prévu la même activité après un passage sur le marché des producteurs de Houx et une pause pour le match France-Portugal.

"Rien n’est joué", reconnaît le candidat Ensemble, qui se veut "prudent et humble. On a fait le maximum pendant cette campagne pour convaincre les électeurs. J’ai le sentiment d’avoir donné tout ce que j’ai pu et montré que j’étais un député de terrain (NDLR : élu en 2017 et réélu en 2022) qui travaille."

Stéphanie Rist,  campagne et famille

6 h 45, Stéphanie Rist (Ensemble) est sur le quai de la gare de Beaugency (Loiret), afin d’échanger avec les usagers du rail prenant le train de 7 heures : "C’était rapide mais intéressant". La dernière journée de campagne de la députée sortante de la première circonscription du Loiret, celle d’Orléans-sud, est intense.Un crochet sur le marché de Beaugency, où la candidate a pu aller à la rencontre des habitants, puis une tournée des bistrots aux alentours : "Dans l’un d’eux, le patron nous a demandé de partir. Déjà, en 2022, la situation avait été tendue." Il faut dire que cette terre ne lui est pas acquise.Après une pause-déjeuner à Tavers, la candidate, qui est arrivée en tête du premier tour avec 31,60 % des suffrages exprimés, a passé du temps à une entrée de marché d’Olivet, deuxième plus grande ville du Loiret, au sud de la métropole orléanaise. Là où elle a fait un "gros" score. À défaut de la croiser, elle y a côtoyé Tiffanie Rabault, la candidate du RN, qui a obtenu 28,03 % des voix au premier tour, et à qui elle sera opposée, dimanche. A Olivet, un arrêté municipal interdit aux candidat(e)s de se mêler à la foule. Elles ont donc cohabité, dans un espace plutôt réduit."C’est intéressant de se confronter aux explications de vote des uns et des autres. C’est l’occasion, aussi, de sentir l’ambiance. Je pense que les gens sont mobilisés pour aller voter", analyse Stéphanie Rist. Elle s’est ensuite éclipsée à Saint-Jean-le-Blanc, à quelques kilomètres de là, pour un moment plus personnel, privé. Sa fille recevait une médaille à l’occasion de la cérémonie de récompenses aux sportifs.

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Ophélie Crémilleux, Laetitia Soulier, Laurence Franceschina, Yann Terrat et Alexis Marie

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