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Une terre de légendes et de mystères

Dans la verdoyante vallée du Sichon, à peu de distance du village des Grivats, est un lieu pittoresque appelé l’Ardoisière, chargé d’histoire et de mystères, avec des légendes colportées lors des longues veillées d’hiver dans les campagnes environnantes.

C’est vers 1740, près de la rivière le Sichon, en contrebas de la route, qu’une galerie fut creusée pour exploiter les schistes noirs présents dans le sol. Cette carrière était exploitée par un certain Dussaray, et des ardoises en furent extraites.

Elles furent utilisées pour couvrir le toit du château de Montpeyroux, qui existait il y a très longtemps sur les hauteurs proches, et qui était autrefois le siège d’une très ancienne commanderie des Templiers, selon la tradition.L’exploitation fut rapidement abandonnée en raison de la piètre qualité de ces ardoises, trop cassantes. Malgré cela, elles donnèrent leur nom à cet endroit.

Cascade du Gour Saillant. Dans cette gorge, coule l’impétueux Sichon, avec une jolie cascade connue sous le nom du Gour Saillant. Malheureusement, cette cascade n’est plus accessible aux promeneurs car le lieu est désormais propriété privée. Cependant, les remous de la cascade peuvent encore être entendus depuis la route, particulièrement lorsque les eaux de la rivière sont hautes.Autrefois, pour les habitants de Cusset et les curistes venus de Vichy à la recherche de fraîcheur, cette cascade était un lieu de promenade très prisé lors des chaudes journées d’été.

Le diable. Une imposante pierre plate au pied de la chute d’eau, pourtant bien banale au milieu de la rivière, est le fruit d’une très ancienne légende : Une pauvre femme venue du village des Grivats aurait commis le sacrilège de laver son linge dans le Sichon le jour de la fête de l’Assomption où l’on se doit de vénérer la Vierge.

Le Diable lui serait alors apparu dans la gorge de l’Ardoisière pour la condamner à laver son propre linge toute sa vie durant sur cette pierre qu’il fit apparaître et que les gens de la contrée ont appelé depuis la nuit des temps « la Selle du diable ».

Un ermite. Mi-réalité, mi-légende, est aussi l’histoire d’un ermite qui se faisait appeler Frère Jean, que beaucoup appelaient simplement « l’homme de l’Ardoisière ». Il vivait en ces lieux dans une misérable masure, subsistant grâce à quelques aumônes qu’il promettait de compenser par des prières (bien que cette promesse ne soit pas souvent tenue), tout en enseignant la foi aux habitants voisins.On attribuait à cet anachorète des facultés miraculeuses lui permettant de soulager les souffrances et les douleurs grâce aux vertus de l’eau d’une source.

Un jour, l’ermite disparut sans laisser de traces

L’homme, accompagné de son âne, était également connu pour son penchant pour la bouteille, et parfois, c’était son fidèle animal qui retrouvait pour lui le chemin de son ermitage. Un jour, l’ermite disparut sans laisser de traces, et personne ne sut ce qu’il advint de lui. Pour certains, sa disparition fut causée par des voyous ayant vandalisé son ermitage, et qui par la suite subirent des accidents prétendument inexplicables.

D’autres prétendent qu’il avait des secrets à cacher, des rumeurs suggéraient qu’il était un ancien bagnard recherché par la police, ce qui pourrait expliquer sa disparition. Des années plus tard, des enfants affirmèrent avoir rencontré le mystérieux ermite errant dans les gorges lors de leurs promenades… Qui sait si cet ermite ne rôde pas encore dans la gorge de l’Ardoisière les nuits sans lune.

Seule une pierre sur laquelle il aimait s’asseoir aurait gardé l’empreinte de sa main, et elle serait encore là, à la place de son ancien ermitage. Ce qui est indéniablement réel, c’est que la source aux vertus soi-disant magiques continue de couler au fond de la gorge.

Restaurant, café, guinguette. C’est vers 1850, qu’un dénommé Combes ouvre ici un restaurant, café, guinguette, avec chambres meublées, en rive droite du Sichon. On y accédait par une passerelle sommaire depuis la route, avec un péage fixé à 1 franc ! Le succès va-t-il être au rendez-vous dans ce lieu particulièrement sauvage, et pas très facile d’accès à l’époque ?

Pour s’encanailler discrètement. Assez vite, l’endroit devient réputé, avec son petit parc, ses tonnelles et ses balançoires. Un endroit discret où l’on pouvait s’encanailler au cours d’agapes galantes, et déguster en terrasse les soirs d’été, friture, truites et écrevisses du Sichon.

Les banquets de Napoléon III. À partir de 1861, la petite affaire prit rapidement de la valeur lorsque l’empereur Napoléon III, en cure à Vichy, choisit cet endroit comme son lieu de promenade préféré et y organisa des banquets festifs. Arrivé à Vichy pour sa première cure le 4 juillet 1861, l’empereur découvrit l’Ardoisière dès le 8 du même mois et décida d’y organiser un festin avec une cohorte d’invités triés sur le volet dès le 14 juillet.

À l’annonce de cette visite, le maître des lieux fut pris au dépourvu, n’ayant été prévenu que tardivement et n’ayant pas suffisamment de provisions en cuisine pour régaler cette noble assemblée. Cependant, tout fut rapidement organisé : un convoi de chariots chargés des meilleures victuailles et de bons vins fut dépêché, et tout fut prêt avant l’arrivée du cortège impérial.

La musique du 1er régiment de la Garde, dirigée par Léon Magnier, fut spécialement déplacée pour jouer pendant le banquet, les musiciens étant placés sur les hauteurs surplombant le parc. Les habitants des fermes environnantes purent également profiter des mélodies festives qui résonnaient à travers la région.

Notoriété. Inutile de dire que dès ce jour, nulle réclame supplémentaire ne fut nécessaire pour le restaurant de l’Ardoisière. Les journaux de l’époque rapportent que le cortège impérial fera ce soir-là retour à Vichy au milieu d’une foule considérable le long de la route, alertée par les va-et-vient, particulièrement aux Grivats et dans la traversée de Cusset. Napoléon III reviendra régulièrement à l’Ardoisière, notamment avec sa maîtresse Marguerite Bellanger, chaque été, lors de ses cures.

Fermeture définitive en 1978, faute de gérants

« Kiosque de bal de l’Empereur ». Combes fera édifier en 1863 un kiosque au centre du parc en l’honneur de son hôte illustre, qu’il dénommera « Kiosque de bal de l’Empereur ». On raconte que lors d’une promenade de l’empereur et sa suite près du Gour Saillant, un enfant en guenilles aurait demandé un sou au monarque, qui répondit ne pas avoir cela sur lui, une personne de sa suite souffla alors à l’enfant de demander son portrait à l’empereur. Ainsi, il lui fut remis une pièce d’or à son effigie.

PIllé en juin 1940. Puis, le beau restaurant perdit de son lustre. Après la Première Guerre mondiale, seul un concierge logeait sur place. Le 22 juin 1940, des soldats allemands de passage se servirent et pillèrent les lieux.

Renaissance. Ce n’est qu’en 1962, que deux commerçants cussétois, Lucien Rochais et Jean Richon rachètent et remettent en état l’établissement, qui passera ensuite dans les mains de Georges Besson qui créera la Société nouvelle de l’Ardoisière.

Des poneys, des jeux, viennent compléter ce lieu de villégiature fort agréable, qui bénéficiera d’une inauguration en grande pompe le 28 avril 1966. Suivront plusieurs années fastes où la haute société locale venait se restaurer, l’Ardoisière étant devenue un rendez-vous très prisé où il était de bon ton de se rendre.

Fermé en 1978. Soirées dansantes et réveillons de fin d’année se succèdent. Le restaurant de l’Ardoisière, victime de nombreux vols et détériorations dans ce lieu très isolé, finira par fermer définitivement en 1978, faute de gérants.

De nos jours, il ne reste plus le long de la rivière que des ruines lugubres envahies par la végétation qui a repris ses droits, la passerelle d’accès est éventrée, et l’accès clôturé.

Elle est loin l’époque Napoléonienne, où les dames vêtues de leurs plus belles robes, et les messieurs parés de leurs plus beaux atours, déambulaient dans le joli parc, et dégustaient une boisson fraîche sous les tonnelles près du Sichon, qui reste le seul témoin de ces belles années disparues, dans ce lieu qui conservera à jamais ses mystères. 

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