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A Avignon, la défense des peuples autochtones à travers le théâtre de Tiziano Cruz

A Avignon, la défense des peuples autochtones à travers le théâtre de Tiziano Cruz

Ce dramaturge fait partie d'une dizaine d'artistes, espagnols ou latinos-américains, invités pour cette 78e édition qui met la langue espagnole à l'honneur.

L'artiste de 35 ans, originaire d'une région du nord de l'Argentine réunissant neuf communautés autochtones, présente deux seul en scène, "Soliloquio", à partir de vendredi, et "Wayqeycuna", à partir de mercredi, au gymnase du lycée Mistral de la Cité des papes.

Ce sont les deuxième et troisième volets d'une trilogie autobiographique dans laquelle il pourfend le système idéologique issu de la colonisation qui tend à "invisibiliser les peuples autochtones", dit-il dans un entretien à l'AFP.

C'est la mort de sa soeur, enceinte à 18 ans, décédée des complications de sa grossesse en 2015, qui a "déclenché" le travail sur "Soliloquio", raconte-t-il. Elle a été emportée, selon lui, par une négligence médicale liée à sa mauvaise maîtrise de la langue espagnole.

Cet événement est le "symptôme du racisme interne à la nation argentine" qui cherche à "blanchir" les cultures et constitue "la preuve que certains corps valent plus que d'autres", ajoute-t-il.

Mais "Soliloquio" est aussi l'histoire d'une réconciliation entreprise avec sa mère via 58 lettres envoyées pendant le confinement provoqué par la pandémie de Covid. Petit, il s'était senti "abandonné" quand elle avait dû partir travailler dans les usines et entreprises agricoles. Mais il a finalement pris conscience que c'est le "système structurel" inhérent à sa condition qui l'y avait contrainte.

Sur scène, l'image de sa mère - décédée en mars en attendant un traitement contre le cancer - apparaît en fond d'écran.

"Langue de colonisation"

Dans "Wayqeycuna" ("Mes frères à moi" en langue quechua), une création 2024, il invoque un rituel ancestral et revient "à ses origines et sa langue maternelle", qu'il ne parle cependant pas, explique-t-il. Le spectacle, en castillan, est ponctué de quelques termes quechua.

"C'est important, dans ce contexte où l'espagnol est à l'honneur, de montrer que c'est aussi une langue de colonisation qui en efface d'autres, notamment le quechua", estime Tiziano Cruz.

"Je revendique et m'identifie à un théâtre politique" qui "dénonce la réalité d'une partie du monde", affirme-t-il, regrettant que certains y voient un "théâtre documentaire", une manière de "brader mon travail".

Selon lui, la "discrimination sociale et économique" que ressent sa communauté est "évidemment surlignée par les nouvelles politiques" menées par Javier Milei, le nouveau président argentin ultralibéral, au programme d'austérité et de dérégulation de l'économie.

Mais elle résulte "d'une logique de mise en périphérie qui existe depuis bien avant", balaie-t-il.

Premier de sa famille à avoir accédé à des études supérieures, Tiziano Cruz a étudié le théâtre à l'Université nationale de Tucumán (nord). Un "moyen d'expression de ses idées" et "une discipline qui permet d'engager son corps".

Lui qui a reçu plusieurs prix, aime mélanger sur scène langage théâtral, performance et interventions artistiques d'autres communautés indigènes ou de diasporas, andine ou tzigane par exemple.

Si ses créations ont été jouées au Chili, au Brésil, au Mexique, au Canada, en Finlande, en Allemagne, en Suisse, c'est la première fois qu'elles le sont au festival d'Avignon. "Je me sens comme un messager qui cherche à ouvrir une porte, pour que d'autres artistes mis à l'écart puissent continuer à arriver", affirme-t-il.

"C'est impossible de mener tout seul cette bataille contre un système discriminant", lance-t-il.

Les descendants des autochtones qui peuplaient l'Argentine avant la colonisation espagnole par les Conquistadores représentaient 2,3% de la population totale du pays, selon les derniers chiffres connus, remontant à un recensement de 2010.

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