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Zone B - La Rue Sans Soleil délestée de ses arbres : Les habitants dénoncent un “massacre” urbain

Dans le quartier Zone B à Dakar, la rue Sans Soleil, autrefois un havre de verdure et de tranquillité, a été profondément bouleversée par une opération d'élagage massive. Les arbres majestueux qui offraient une ombre bienfaisante ont été abattus, laissant derrière eux des tas de bois désordonnés et des infrastructures électriques dangereusement endommagées. Les résidents, désemparés et en colère, déplorent la perte de leur patrimoine naturel. Reportage de EnQuête
Zone B - La Rue Sans Soleil délestée de ses arbres :  Les habitants dénoncent un “massacre” urbain
La Rue Sans Soleil est méconnaissable, 24 heures après la découpe des arbres. Partout dans la rue, des tas de bois coupé sont éparpillés, créant une scène de désordre. La présence de ces tas de bois encombre les trottoirs et la chaussée, rendant la circulation difficile pour les piétons et encombrant la devanture des maisons.

D’autre part, les poteaux électriques, auparavant cachés par le feuillage, sont maintenant exposés et dans un état lamentable. Les fils électriques pendent de manière désordonnée, créant un enchevêtrement dangereux qui ajoute au chaos visuel de la rue.

Après avoir été déplacés pour permettre la découpe des arbres, certains fils sont suspendus trop bas, créant un risque pour les passants. D'autres fils sont entortillés autour des poteaux ou traînent près du sol, augmentant le risque d'accidents électriques.

Les riverains ont tenu à exprimer leur mécontentement et leur colère face à cette situation. Trouvé assis dans une quincaillerie du coin, Tidiane Diallo, enseignant retraité de philosophie et habitant de la rue Sans Soleil depuis l’âge de 3 ans, s’explique :

"Je suis ici depuis 1961 et je n’ai jamais vu ça. C’est un massacre. On pouvait tailler les branches, mais là ils ont fait un massacre. De plus, l’Internet ne marchait pas pendant plus de quatre jours à cause de ça", explique-t-il.

Indigné, il poursuit : "Ces arbres faisaient la fierté de Zone B. Je me souviens que, plus jeune, on les considérait comme sacrés et aujourd’hui tout est désacralisé. Comment peut-on parler de réchauffement climatique et faire ça ? Il n’y aura plus de rue Sans Soleil, mais désormais ce sera une rue ensoleillée", conclut-il.

Au sein de l’entreprise Raw Material Company centre pour l’art située au niveau de la rue Sans Soleil, les employées sont attristées. Selon Fatima, Filly et Delphine, l’intention était bonne, mais la manière dont a été fait l’élagage est déplorable.

"Ce qui nous a choquées, c’est la manière dont ils ont débarqué un matin et ont tout coupé. S’ils venaient juste pour enlever le feuillage et les branches, ça irait, mais ils ont mis fin à la particularité de cette rue. C’était la seule rue où les gens venaient se poser, faire une sieste. Quand toutes les rues sont super exposées, tout le monde venait dans cette rue, car c’était le seul endroit où il y avait assez d’ombre", s’expliquent-elles.

Elles abordent le côté héritage de la rue : "Les gens peuvent vous dire que pour eux, ça fait tellement longtemps parce que c’est de génération en génération. Ils ont grandi ici, d’autres sont des grands-parents, des arrière-grands-parents et n’ont jamais assisté à ce genre d’élagage. En vrai, c’est triste."

Une décision impactant l’environnement des habitants

Avec l’élagage des arbres, la rue Sans Soleil a perdu une grande partie de son charme naturel. Les trottoirs sont désormais exposés aux rayons du soleil, créant une atmosphère plus aride et moins accueillante. Les oiseaux ont déserté la zone et la chaleur est devenue plus intense sans l'ombre protectrice des arbres.

L’environnementaliste Eumeu Cissé autorise l’élagage pour les arbres, mais précise qu’il y a eu une confusion entre élagage et massacre des arbres : "J’étais d’accord pour l’élagage parce que, pour toutes choses, il faut de l’entretien, mais ce n’est pas ce qu’ils ont fait. C’est impensable de venir et de couper tous les arbres, alors que c’est un patrimoine."

Au-delà de l'impact émotionnel, la disparition des arbres a des conséquences environnementales significatives. Dans un coin de la terrasse de Cissé, un oiseau posé serait arrivé là quelques jours avant que les agents de la mairie ne passent à l’acte. Cissé nous explique que c’est un sacrilège pour la nature :

"Moi, chaque jour, je vais là-bas et j’écoute le bruit des oiseaux. Et vous voyez cet oiseau, il est venu se poser là quelques jours avant que les arbres ne soient coupés. Est-ce que vous voyez à quel point c’est grave ? Ce n’est pas normal, la nature a horreur du vide et j’ai eu très mal au cœur. Il faut avoir du respect pour les oiseaux et l’environnement. Il y avait des oiseaux migrateurs ici et aujourd’hui on n’a plus rien", raconte-t-il.

Sa mère, assise à côté de lui, confirme : "Ils ont coupé les arbres, il y avait des nids d’oiseaux dessus. Les oiseaux, les corbeaux ont crié pour leurs petits, maintenant on n’aura plus le bruit de la nature." Pour la mère et le fils, les arbres jouaient un rôle crucial dans la régulation de la température locale et le soutien à la biodiversité.

Elle souligne également le fait que les autorités municipales n’aient pas eu la sagesse de voir les anciens de la rue afin de leur expliquer ce qui allait se faire. "Nous sommes ici depuis longtemps, et juste en face, il y a Madame l’Ambassadeur. Elle a plus de 80 ans et on n’a jamais voulu ça. Ils ont dit avoir rencontré les gens du quartier, mais ce n’est pas vrai ! Ils ont rencontré des enfants, les jeunes du quartier, et nous, rien".

Des voix discordantes

Cependant, si certains déplorent cette initiative, d’autres la félicitent. La couturière Rabi Diallo, la quarantaine révolue, salue l’initiative, car elle estime qu’elle a été victime des conséquences

: "Ces arbres-là, parfois les branches tombent sur la maison, sur les voitures et même sur les passants. Une fois, j'étais là, devant ma maison en train de coudre et j’ai vu comment le mur s’est fissuré à cause des racines de ces arbres et même les carreaux. Les arbres étaient vieux, il fallait qu’on les coupe, sinon un jour, on allait pleurer quelqu’un ici. Donc, moi, ça me convient et je suis contente", dit-elle.

Rappelant par la même occasion des cas de maladie dus aux moustiques et aux insectes. "Il y avait ici tellement de moustiques, les enfants ont tout le temps le paludisme. Il y a des fourmis et trop d’insectes. Tout était sombre. Là, c’est mieux, c’est éclairé et il y a du soleil", se réjouit-elle.

Nous nous sommes rapprochés de la municipalité. La mairesse de la commune de Fann-Point E-Amitié, Dieynaba Ba, étant absente. C’est donc une agente de la municipalité qui a soutenu que "ce n’est pas toute la Zone B qui dit que ce n’est pas normal. Ces personnes-là ont leurs raisons, mais la mairie ne peut pas se lever comme ça et faire un élagage, car c’est tout un processus pour le faire", explique-t-elle rapidement sans se présenter.

Ainsi, la rue Sans Soleil, autrefois une oasis urbaine, est maintenant une zone vide d’authenticité, après la découpe de ses arbres. Les habitants ressentent profondément cette transformation, regrettant la perte de leur havre de paix et espérant un jour voir la nature reprendre ses droits dans leur quartier bien-aimé.

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