World News in French

En Creuse, le faux mariage du bal des conscrits conduit le maire de Saint-Marc-à-Loubaud au tribunal

En Creuse, le faux mariage du bal des conscrits conduit le maire de Saint-Marc-à-Loubaud au tribunal

Au début du mois de juillet 1884, le tribunal d’Aubusson jugea une affaire pas banale. Les faits s’étaient déroulés le 28 janvier, à Gentioux, où avait lieu le tirage au sort des conscrits du canton.

La loi Cissey du 27 juillet 1872 l’avait rendu obligatoire pour tous les jeunes gens âgés de 20 ans. Il était particulièrement inégalitaire, ceux tirant le « mauvais » numéro devant passer 5 ans sous les drapeaux et ceux tirant le « bon » seulement de six mois à un an. Étaient exemptés les soutiens de famille, les membres du corps enseignant et du clergé.

Cinq années de service militaire

À l’issue du tirage au sort, les conscrits de Saint-Marc-à-Loubaud débarquèrent à l’auberge Chamarlin, les uns pour noyer dans l’alcool leur déconvenue d’avoir écopé de cinq années de service militaire, les autres pour vider quelques bouteilles, heureux de s’en tirer à bon compte.

Au cours de ces libations, ils décidèrent d’organiser un bal. Le maire de Saint-Marc-à-Loubaud, nommé Delapetite, qui accompagnait ses conscrits eut alors l’idée de marier l’un d’eux à une jeune fille qui se trouvait là. Puis on enferma pendant une demi-heure les pseudos époux dans une chambre pour qu’ils consomment leur union.

Point n’est besoin de préciser que tout le monde avait largement sacrifié à Bacchus. Ce qui n’aurait pu être qu’une grosse farce paysanne arriva aux oreilles de Dame Justice. Elle trouva que la plaisanterie dépassait les bornes car, circonstance aggravante, la « mariée » était, comme on dit aujourd’hui, « une personne vulnérable ».

Outrage aux mœurs

Prévenus d’outrage public aux mœurs, les acteurs de cette « vilaine comédie », comme l’écrivit « L’Abeille de la Creuse », se retrouvèrent sur les bancs du tribunal correctionnel d’Aubusson, accompagnés par leurs avocats : Me Lepetit pour le maire Delapetite ; Me Tixier pour le « marié », nommé Mangon et Me Henry Clément pour les époux Chamarlin, aubergistes.

L’audience du lundi fut consacrée à l’interrogatoire des prévenus et des témoins, celles du mardi et du mercredi au réquisitoire du procureur et aux plaidoiries. Le tribunal, qui s’était donné le temps de la réflexion en remettant le prononcé du jugement au 10 juillet, acquitta tous les prévenus.

« Nous pensons que le tribunal a bien jugé, car il n’y a là aucun délit, mais nous pensons en même temps que le gouvernement ferait bien – s’il avait, ce qui est douteux, le souci des intérêts moraux – de révoquer le maire fantaisiste de Saint-Marc qui se permet de faire servir, inter pocula (NDLR : entre les coupes) son écharpe municipale à une odieuse comédie », écrivit en conclusion de cette affaire « L’Abeille de la Creuse ».

Jamais en retard pour fustiger la République

Jamais en retard pour fustiger la République, le journal, à l’issue de la première journée d’audience, avait tonné : « Il nous suffira de dire que de semblables affaires ne peuvent se produire que dans un état social absolument tombé en pourriture comme le nôtre. Nos gouvernants ont des représentants qui se font un jeu de la pudeur et de la vertu des femmes. Cela donne la mesure de la moralité générale de la République ».

 

Читайте на 123ru.net