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A la soirée du RN, la défaite amère : "J’en connais un qui va se faire engueuler"

A la soirée du RN, la défaite amère :

Et au milieu de l’allée, une jeune militante fond soudainement en larmes, la tête entre les mains. La claque est gigantesque, ce dimanche soir, au Pavillon Chesnais du Roy, dans l’Est parisien. Les cadres et militants du Rassemblement national découvrent avec effroi le résultat des élections législatives. Entre 130 et 150 sièges, seulement selon les premières projections, pour le parti d’extrême droite, qui rêvait encore une semaine plus tôt d’une majorité absolue et de Jordan Bardella à Matignon. Le voici donc rétrogradé à la troisième place, derrière le Nouveau Front populaire et Ensemble, l’alliance présidentielle. "C’est un cauchemar, c’est un cauchemar", répète une militante en reposant son petit four. Un autre replie son drapeau bleu, blanc, rouge, agrippe le bras de sa femme : "Allez chérie, on se tire !".

Sur l’écran géant accroché au-dessus de la scène, le visage de François Hollande apparaît. L’ancien président socialiste est élu en Corrèze. Nouveau coup dur pour la jeune militante qui redouble de larmes. Les visages sont figés tant le résultat était inattendu. "On considérait déjà que 240 députés ce serait une déception, mais alors 140…", se désole un élu. L’état-major du parti, lui, est barricadé à l’étage depuis plusieurs heures. Depuis quelques jours, il avait senti le vent tourner, les désistements se multiplier pour faire barrage à l’extrême droite et la majorité absolue s’éloigner de plus en plus.

Mais personne ne s’attendait à une telle chute en si peu de temps. Et comment l’expliquer ? Contrairement aux élections régionales de 2021, autre souvenir de défaite pour le RN, le taux de participation (67,5 %) est historique. L’électorat frontiste s’est bien mobilisé. Mais ça n’a pas suffi. Le RN enregistre des défaites symboliques, comme celle de Marie-Caroline Le Pen, la soeur de Marine Le Pen, dans l’ancien fief de François Fillon. La faute au parti, alors ? Aux approximations programmatiques, aux profils extrémistes des candidats ? Difficile à reconnaître. Trouver une autre explication, vite.

"Evidemment qu’on est déçus, je ne vais pas vous dire que c’est une victoire"

Jordan Bardella fend la foule. Moins souriant qu’à son habitude, il prend la parole pour un bref discours, et relativise. "Le Rassemblement national réalise la percée la plus importante de toute son histoire", clame le président du parti d’extrême droite qui, effectivement, fait rentrer plus d’élus à l’Assemblée nationale que lors de sa percée historique de juin 2022. "Le RN incarne donc plus que jamais la seule alternance, face au parti unique qui s’étend de Philippe Poutou à Edouard Philippe", continue Jordan Bardella. Dans le public, un jeune militant serre son drapeau un peu plus fort et s’essuie le coin de l’œil. "Je veux dire ici que le vent de l’espoir s’est levé et ne cessera jamais de souffler, ce soir tout commence !", conclut l’eurodéputé brusquement rétrogradé à son mandat parlementaire. "Et dire qu’il aurait pu être à Matignon…" soupire un soutien en tournant les talons.

Hors caméras, le discours des cadres est moins enthousiaste. "Evidemment qu’on est déçus, je ne vais pas vous dire que c’est une victoire", s’agace un élu. Déjà, on se retourne, on cherche le coupable. Etait-ce une bonne idée d’affirmer que le "Plan Matignon" chargé d’investir des candidats aux législatives était prêt, alors que des dizaines de candidats frontistes ont été épinglés pour leurs propos problématiques, racistes, antisémites ? Le parti était-il prêt comme il l’affirmait ? "On était prêts logistiquement parlant, mais il faut voir comment ça s’est passé localement…, comment l’eurodéputée et proche de Jordan Bardella, Mathilde Androuet. On a prouvé qu’on savait s’améliorer, se professionnaliser, ça ne va pas s’arrêter, c’est autant de tâches auxquelles on va continuer de s’atteler."

Faire le bilan

"Nous sommes prêts, nous nous préparons chaque jour", répétait pourtant Jordan Bardella tout au long de sa campagne. Pari raté. Le plafond de verre semble fait de béton armé, ce dimanche, et la perspective de gouverner s’est envolée. Certains jouent les anciens combattants : "Je n’ai jamais cru qu’on pouvait gagner une législative en dehors de la présidentielle, la victoire de Marine Le Pen sera un tel souffle qu’elle effacera tout."

On se prend même à se projeter sur le long terme, on a l’habitude, au RN. "On a posé les jalons pour les victoires de demain, l’avenir nous appartient", jure l’eurodéputé et conseiller de Marine Le Pen, Philippe Olivier. Cap sur 2027, donc, et tous derrière Marine Le Pen. Il faudra sans doute expier la défaite, mais la frontiste est épargnée, elle n’était pas le visage de cette campagne et ne fait d’ailleurs pas de discours face aux militants, ce dimanche. "J’en connais un, en revanche, qui va se faire engueuler", croit savoir un cadre, ciblant un certain Jordan Bardella. L’équipe du parti, en tout cas, sera sommée de faire le bilan de cette courte campagne dévastatrice. "Ça va aussi permettre de renouveler les équipes, d’avoir une stratégie plus ferme sur les questions d’investiture, plus de formation aussi", assure Mathilde Androuet.

Certains, quand même, sont soulagés. C’est le cas de Béatrice Roullaud, réélue dans la 6e circonscription de Seine-et-Marne. Tous les députés frontistes sortants n’ont pas eu cette chance, comme Grégoire de Fournas, qui s’était fait sanctionner à l’Assemblée pour son "qu’il retourne en Afrique", battu dans le Médoc. "Je suis réélue, heureusement, c’est mon mandat, et il ne fallait pas me le voler !", triomphe Béatrice Roullaud. Elle aussi croit en une prochaine victoire. Elle conclut même en citant Victor Hugo : "Rien n’est plus puissant qu’une idée dont le moment est venu". Enfin, elle croit que c’est Victor Hugo, mais a soudain comme un doute.

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