World News in French

Législatives : ce grand malentendu à ne pas négliger, par Jean-François Copé

Législatives : ce grand malentendu à ne pas négliger, par Jean-François Copé

L’année 2022 nous a rappelé que la paix avait une fin. 2024 nous rappelle que la démocratie peut aussi en avoir une. Le scrutin du 7 juillet marque une étape supplémentaire dans la lente décrépitude d’un système qu’un nombre croissant de citoyens rejette de plus en plus brutalement. Près de 215 députés d’extrême gauche ou d’extrême droite se retrouveront d’ici quelques jours au Palais-Bourbon. Comment en est-on arrivé là ?

C’est en réalité très simple. Résultat, méthode et narratif : trois piliers sur lesquels reposait la confiance des Français envers notre système démocratique se sont, en quelques mois, brisés les uns après les autres. Fin 2023, 41 % des sondés s’accordaient à dire qu’"il vaudrait mieux moins de démocratie et plus d’efficacité". Une absence de résultat liée à l’amateurisme d’une Assemblée nationale privée à la fois d’élus locaux depuis la fin du cumul des mandats en 2014 mais aussi de nouveaux talents que l’hyper-transparence a éloignés de la sphère politique. Mais cette crise d’inefficacité a bel et bien atteint son paroxysme lors du second mandat d’Emmanuel Macron. Un président sans majorité absolue, pris au piège d’un "en même temps" plus que jamais subi. Une certitude de pouvoir faire seul et sans la droite qui l’aura finalement empêché de porter les réformes pourtant plébiscitées par les Français pour rétablir l’ordre dans les comptes, dans la rue, à l’école et à nos frontières.

Une démocratie incapable de fournir des réponses aux Français mais aussi dans l’impossibilité de produire la moindre méthode pour y parvenir. En effet, la réforme des retraites comme l’examen du projet de loi immigration ont illustré le changement profond des ressorts du débat public. Désormais, les invectives font office d’arguments, la violence remplace les discussions et la raison s’efface au profit de la passion. Une fièvre qui a atteint le président lui-même lorsque, dans un réflexe à la fois immature et orgueilleux, il a dissous l’Assemblée. Et voilà les Français sommés de se prononcer sur l’avenir du pays après une campagne express bâtie à coups de slogans creux, de promesses démagogiques et d’actes de violence, et avec parfois pour offre politique la candidature d’un homme sous curatelle ou bien celle d’une preneuse d’otages…

Certes, le pire a pu être évité mais...

Le dernier coup de griffe au contrat qui lie les Français au pacte démocratique a été donné lors de l’entre-deux tours. En effet, le narratif du peuple qui décide souverainement de son avenir a été remisé. C’est désormais contrainte par les compromissions partisanes de responsables politiques qui sauvent ce qu’ils peuvent, sauf leur honneur, que la voix des Français s’est fait entendre lors du second tour. Le président de la République n’a finalement laissé s’exprimer les Français qu’à demi-mot en se compromettant avec une extrême gauche antisémite, communautariste et démagogique. Celle-là même qu’il pointait du doigt dans une lettre adressée aux Français quelques semaines auparavant. Certes, le pire, c’est-à-dire une majorité absolue pour le RN, a pu être évité mais avec pour conséquence une Assemblée nationale encore plus ingouvernable que la précédente.

Pour autant, ce serait un grand malentendu de ne pas entendre ce que les millions de Français qui ont élu 143 députés d’extrême droite, ont clairement souhaité : d’abord un retour à l’ordre dans une société minée par une hyperviolence liée à l’explosion du trafic de drogue et à la crise profonde de notre système éducatif. Ils ont ensuite exprimé une grande attente en matière de pouvoir d’achat qui ne saurait être financée par des hausses d’impôts, mais plutôt par une meilleure orientation des dépenses publiques.

Ce serait enfin une grave erreur dans la passion du moment de supprimer ce qui a marché dans la politique conduite ces dernières années et a permis de faire de notre économie, une des plus résilientes de la zone euro. Sinon, le cauchemar qui a pu être évité, cette fois-ci ne le sera pas la prochaine fois. Les extrêmes pourront alors finir de décrédibiliser un régime qui pourrait ainsi s’éteindre sans botte ni képi. C’est parfois comme ça que meurent les démocraties…

Jean-François Copé, ancien ministre, maire (LR) de Meaux

Читайте на 123ru.net