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« La plupart des jeunes pleuraient… »

Camille, 16 ans, était présente dans le car. Elle a souhaité témoigner, estimant « que ce serait terrible qu’un accident comme ça se reproduise avec d’autres jeunes, surtout en étant le témoin des réactions de ceux qui étaient avec moi dans le bus, de ceux qui ont été traumatisés même s’ils n’osent pas le dire… On a eu de la chance, mais la prochaine fois d’autres pourraient ne pas s’en sortir ».

En présence de son père, Laurent, elle revient sur le déroulé de la journée. « On devait partir à 10 heures d’Ahun. Ils nous avaient dit de nous rassembler devant le lycée agricole à 9 h 30. On a attendu jusqu’à 10 heures, rien. Le bus est arrivé à 10 h 30. Une fois dans le car, la première chose que l’une des deux responsables du SNU nous a dit c’est : “Désolés pour le retard, on est passé chez le garagiste, il y a eu un problème de turbo”. Sur le coup, on s’est dit il y a eu un problème de turbo mais c’est réglé. On est jeune, on était content de partir, on fait confiance aux responsables. »

« On fait confiance à ceux qui nous encadrent »

L’adolescente poursuit : « A peine partis, on s’est vite rendu compte qu’il ne marchait pas bien ce bus, on avait l’impression que la chauffeuse ne passait pas les vitesses. On s’est dit, c’est quand même bizarre, il n’avance pas, il tremble de partout, il y a une odeur bizarre… On sentait une odeur comme goudronnée ou chimique, c’était désagréable mais on s’est dit, bon, ça va, c’est juste qu’il ne marche pas bien. On fait confiance à ceux qui nous encadrent. À la pause de midi, on s’est arrêté manger. Des copains sont venus me dire que les deux responsables du SNU et la chauffeuse étaient en train d’inspecter sous le bus et qu’ils avaient une tête étrange, du style il y a un problème, un truc qui ne va pas. Moi, à ce moment-là, j’avoue que je n’ai pas fait pas trop attention, je leur faisais confiance. »

« Un de mes copains s’est alors mis à crier : “fumée, fumée !” »

« A la fin de la pause, on est reparti. Cette fois, ils ne nous ont rien dit. Il nous restait à peu près une heure de trajet. J’étais à l’arrière du bus avec d’autres copains. Il y avait une trappe au sol devant nous. Tout à coup, on a senti une odeur, plus forte. On s’est regardés, étonnés, et on n’a même pas eu le temps de parler qu’on a vu de la fumée sortir de la trappe. Un de mes copains s’est alors mis à crier : “fumée, fumée !” Ça s’est passé en une fraction de seconde. En entendant crier “fumée”, la chauffeuse s’est aussitôt arrêtée sur le bord de la route. La responsable du SNU nous a demandé de descendre. La fumée se propageait dans le bus. Seulement, il y en a qui prenaient leur temps, chacun voulait récupérer ses affaires, d’autres somnolaient ou s’étaient endormis, ils ne réalisaient pas. Quant à ceux qui étaient devant, ils ne savaient pas ce qui se passait à l’arrière, ils ne voyaient pas et prenaient encore plus leur temps… Même si ça ne dure que quelques secondes, c’est long. Nous, derrière, on attendait que les autres passent. La responsable a redemandé à tout le monde de descendre et de se dépêcher de sortir, en laissant les affaires. La fumée s’est propagée tellement vite qu’à l’arrière on a commencé à l’inhaler, en particulier un copain. Moi j’en ai inhalé un peu ; quand je suis sortie du bus j’avais un peu de mal à respirer mais c’est vite passé. Une fois dehors, l’autre animateur a voulu aller chercher les valises. On était tous en train de paniquer et de se dire que nos valises étaient restées dedans. Le responsable a couru vers le bus et en a sauvé deux, seulement il s’est brûlé le bras. C’était trop tard, les flammes commençaient à jaillir. Tous les jeunes étaient en train de téléphoner à leurs parents pour leur raconter ce qui se passait. »

Des flammes et des explosions

« La responsable était très directive, se souvient la jeune Creusoise, elle nous disait de rester sur le bas-côté et de nous éloigner le plus possible du bus. Puis il a commencé à y avoir des explosions, sûrement ce qu’il y avait dans les valises, les aérosols, les vitres et les pneus aussi ont explosé. La plupart des jeunes pleuraient… On a attendu comme ça l’arrivée des secours pendant environ 30 minutes, parce qu’ils ne savaient pas où on était. Ensuite, on a attendu au moins une heure, 1 h 30 sur la route. On ne savait pas vraiment ce qu’on attendait. Il y avait un copain, celui qui avait inhalé le plus de fumée, qui était monté dans le camion des pompiers, d’autres étaient encore au téléphone avec leurs parents. »

« Certains jeunes étaient encore très choqués »

« La responsable, reprend Camille, qui semblait un peu paniquée, restait très directive. Elle nous a demandé de rester sur le bas-côté, qu’elle s’occupait de parler aux gendarmes. La chauffeuse semblait soucieuse. Enfin, on a fini par être emmenés au centre du SNU à bord d’un minibus. On n’avait plus d’affaires mais le SNU fournit des uniformes et nous a donné ce qu’il fallait dans un premier temps. Un peu plus tard ils ont organisé un point de rassemblement en Creuse où les parents ont emmené des affaires afin qu’elles nous soient envoyées. Certains jeunes étaient encore très choqués, notamment une de mes amies. Je l’ai trouvée à l’infirmerie, l’ai vue pleurer et lui ai demandé ce qui n’allait pas. Elle m’a dit qu’elle n’arrivait plus à dormir et que ça allait lui gâcher son séjour. Elle faisait des cauchemars et pleurait tout le temps. Finalement, elle est repartie au bout de trois-quatre jours. Je pense qu’il y en a d’autres qui ont été moralement touchés, mais il y a juste un petit truc de fierté qui leur fait dire que non, je ne vais pas l’avouer… ».

Le père de la jeune fille qui est rentrée plus tôt a été le premier à déposer une plainte auprès de la Police nationale de Guéret, chargée par la Gendarmerie de Rouillé, responsable de l’enquête, de recevoir les familles. Selon certains parents, ils seraient six aujourd’hui à avoir porté plainte, deux autres des camarades de Camille se disent prêts à le faire également (*).

« Ils savaient depuis le début »

Sur une vidéo montrée par Camille on voit la détresse des jeunes, qui pleurent et paniquent, qui racontent affolés à leurs parents la situation, les visages sont contractés et une jeune fille crie que c’est grave : « Depuis le début ils savaient ce qui se passait avec le bus, et ils nous ont quand même fait monter dedans ! »

Laurent, encore sous le choc, confie : « Il faut se mettre à la place des parents, qui reçoivent des appels de leurs enfants en pleurs, qui ne savent pas ce qu’ils doivent faire ou penser. L’annonce du problème a été faite dès le départ aux adolescents, une fois dans le bus, et non devant les parents présents, qui auraient été plus à même de s’inquiéter. Au retour, il y avait des adolescents de plusieurs départements, la Creuse a été la seule à avoir un car aussi bien. Un vrai car de tourisme, six roues, très grand, très luxueux, avec des sièges en cuir et climatisé, un car d’une compagnie privée… Pourquoi ne pas privilégier la sécurité dès le départ ? Plus tard, la DSDEN (*) ne nous a indiqué aucune démarche à suivre. On a juste reçu un courrier de Bordeaux pour nous donner quelques consignes concernant le dédommagement des affaires perdues, et nous présenter des excuses à la suite de ce qu’ils ont qualifié de “regrettable incident”… ». 

(*) Contactée, la police nationale de Guéret n’a pas souhaité faire de commentaire, tout comme la DSDEN.

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