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Passé au rouge-vert, le marronnier de la réindustrialisation française menace de pourrir sur pied

L’économisme de gauche le plus archaïque est bien parti pour revenir peu ou prou aux affaires et, avec lui, le magistère d’économistes théoriciens non-pratiquants, comme Élie Cohen, réputé faire consensus. L’objectivité et l’omniscience prêtées à ceux-ci par ce dernier reposent depuis longtemps sur un dosage subtil et pourtant largement déséquilibré entre libéralisme et interventionnisme d’État agrémenté d’antinucléarisme « raisonnable ». 

 

Dans cette caste séculairement omniprésente sur les plateaux télé, on trouve le distingué Christophe Barbier qui, en avril 2019, ne trouva rien de mieux que rendre l’explosion du budget de l’EPR Flamanville responsable de l’augmentation selon lui largement indue de 6 % du prix de l’électricité : « on fait payer à l’usager les errements d’une mauvaise gouvernance industrielle », déclarait-il sur BFM.

Outre que le terme gouvernance industrielle fait soviétiquement froid dans le dos – politique industrielle ne signifie nullement gouvernance industrielle –, des Français en pleine connaissance de cause semblent avoir choisi de continuer à payer très cher l’augmentation délibérément administrée de leur facture d’électricité.

À la même époque, l’iFrap publiait la remarquable étude intitulée « Quelles mesures pour relancer l’industrie ? » de laquelle est extrait le passage suivant :

« … Les instruments d’intervention de l’État ont beaucoup évolué en fonction de ce qui était perçu comme son rôle. Elie Cohen distingue trois registres de politique publique industrielle : l’État colbertiste inspirateur et promoteur de grands projets (avec des succès et échecs notables dans les nouvelles technologies, les infrastructures.), l’État brancardier (qui intervient dans l’aide aux entreprises ou secteurs en difficulté), enfin l’État engagé dans des politiques de structure (concentration, spécialisation), ce dernier rôle lui donnant parfois un statut d’auxiliaire face à des acteurs économiques puissants… »

Dans lequel de ces trois registres Élie Cohen plaçait-il le sabordage délibéré de Fessenheim et, d’une certaine façon, l’asphyxie de la filière électronucléaire française dont il a été l’un des promoteurs, à son corps guère défendant ? L’économiste chercherait-il à nous faire croire qu’il en va de la fermeture de la centrale alsacienne, de celle d’EDF Uniper et même de celle de GE Power, comme de la fermeture de sucreries Saint-Louis authentiquement victimes de la concurrence ?

Élie Cohen chercherait-il surtout à nous faire oublier qu’il fut l’un des principaux artisans du programme économique d’un François Hollande qui, en 2012, n’hésita pas à acheter le vote écologiste au prix d’une douzaine de tranches nucléaires… et pour lequel le quoi qu’il en coûte ne semble manifestement avoir aucune limite en matière de compromission politicienne ?

Peut-être serait-il bon de remettre en mémoire du directeur de recherches son embarrassant passé, en lui rappelant ce qu’il déclarait le 25 novembre 2017, dans un article intitulé « Nucléaire : le premier qui dit la vérité », où il n’hésitait à se parer d’une omniscience assez courante chez ses pairs économistes :

« … L’objectif de réduction, à terme, de la part du nucléaire n’est remis en cause par personne en France pour des raisons politiques, technologiques et économiques. Le consensus nucléaire français a progressivement régressé et toutes les forces politiques en tiennent compte. L’absence de solution durable pour le démantèlement et la question du stockage des déchets pèsent légitimement sur le débat. Enfin, le nouveau nucléaire pèse plus cher que les solutions alternatives carbonées et, sauf à faire du nucléaire le vecteur d’une stratégie de décarbonation, – voir plus loin « Taxe carbone mon amour » – et d’en payer le prix, comme les Britanniques, le nucléaire n’est plus compétitif.

L’objectif de lutte contre le réchauffement climatique est de moins en moins contesté même si les nations tardent à mettre en place les mesures qui permettraient de limiter le réchauffement à 2°C d’ici la fin du siècle. Pour la France, l’opinion commune est en train de basculer sans transition du tout-nucléaire au tout-renouvelable. Mais il faudra bien trouver un nouveau mix energétique plus équilibré car il n’existe pas de solution 100 % renouvelable en l’état actuel des technologies… »

Que la part des emplois industriels dans la population active soit passée de 22 % en 1980 à 11 % en 2017 ne semble pas avoir interpellé plus que ça l’économiste quant à l’écrasante responsabilité portée par la génération Mitterrand dans un tel désastre. Aussi, convient-il plus que jamais de rappeler avec insistance à monsieur Cohen que le comportement délibérément anti industriel de François Hollande eut un inique précédent perpétré avec les mêmes ressorts par la famille politique de ce dernier : le sabordage par Lionel Jospin d’un Superphénix que la France ne devrait maintenant plus tarder à regretter amèrement.

Bref, l’approche économique d’Élie Cohen la plus notoire est manifestement incompatible avec cette interrogation récurrente de Jean Tirole, rappelée dans l’article précédemment cité :

« Ne serait-il pas plus judicieux de créer les conditions propices à l’émergence de secteurs disposant d’un réel potentiel plutôt que de décréter à l’avance ceux qui réussiront ?

Elle l’est encore davantage avec cette conclusion souffrant malgré tout de l’absence de l’argumentaire majeur selon lequel le principal moteur de la compétitivité est une énergie bon marché :

« Il faut développer l’investissement privé compétent, sélectif et indépendant grâce à des fonds de pension […] Cela signifie également améliorer la compétitivité de l’économie française avec la baisse du taux de prélèvements obligatoires, notamment grâce à une baisse des taxes sur la production… »

… et, pourrait-on ajouter, à la suppression de taxes surréalistes comme la taxe carbone.

 

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N’attendre de vrai pouvoir d’achat que du retour d’une électricité abondante et bon marché

Taxe carbone mon amour

En effet, en mars 2019, le CAE (Conseil d’Analyse Économique), duquel le pouvoir tire expertises et décisions, ne s’est-il pas avisé de remettre résolument la taxe carbone sur le tapis ? Il y a là comme une contribution à la collapsologie que l’inénarrable Yves Cochet va sans doute avoir tout le loisir de remettre à la mode.

Regardons cette recommandation de plus près.

Tout ce que les agoras numériques, médiatiques et politiques comptent aujourd’hui de docteurs au chevet de la planète en péril exhorte le gouvernement français d’administrer au pays une salutaire taxe carbone à la suédoise. C’est à celui de leurs experts qui brandira le plus exemplaire des retours d’expériences scandinaves, pour en souligner la double vertu économique et environnementale de la redistribution intégrale. À en croire ces docteurs, la croissance économique trouverait autant son compte dans cette sage coercition fiscale que l’assainissement carbone généralisé.

Qu’il soit permis à un observateur pourtant pro-nucléaire d’examiner la vraisemblance d’une telle affirmation, à l’aune du trivial protocole de mesure suivant : quelle valeur socioéconomique ajoutée, nette, cet impôt est-il susceptible d’apporter à la communauté nationale, dont cette dernière n’aurait pas joui, en son absence ?

Pour se faire une idée de la nature d’un tel profit, rien de plus simple que passer en revue toutes les formes possibles d’une redistribution de cet impôt, réputée chargée de toutes ses qualités.

Cette redistribution consiste-t-elle, pour l’État :

  • À conserver une surface rigoureusement constante à la recette fiscale globale, sans se fendre de la moindre dépense supplémentaire d’aide(s) ou de financement(s) direct(s) affectée à la protection du climat ?
    L’État s’en tiendrait ainsi à une simple mesure de dissuasion carbonique forcément financée par les autres budgets sociaux : éducation, santé, armées…
  • À financer par la nouvelle recette l’extension d’un service social ou socioéconomique déjà rendu directement ou indirectement par l’État à la population ?
    Dans ce cas, qui peut contester qu’il s’agirait-là d’une pratique fiscale guère nouvelle, dans ce pays, dont le principal moteur est le clientélisme politique et la principale conséquence du caractère démagogique, largement vérifiée, la paupérisation croissante de la population ?
  • À financer par la nouvelle recette obligatoire et à coups de subventions une toute nouvelle activité économique ou sa stimulation ?
    Si une telle pratique ne s’appelait pas ou plus dirigisme économique de triste mémoire chez les Soviétiques et toujours en vigueur chez les Chinois, il y aurait urgence à revoir le contenu de certains manuels scolaires !

 

Bref, on peut tourner le problème de la redistribution de l’impôt dans tous les sens, il n’est possible de la matérialiser que suivant l’une des trois méthodes ci-dessus.

De surcroît, le cri d’alarme poussé par un nombre croissant d’observateurs ne laisse plus guère de doute sur celle des trois qui tend à supplanter les deux autres : à savoir, celle qui répond à l’imperium de la mobilisation climatique généralisé par la tentation de l’économie administrée, chez plus d’un pays de l’OCDE.

Après tout, objectera-t-on, l’économie administrée à la chinoise n’obtient pas d’aussi mauvais résultats que ça, et toute la question pourrait n’être que celle de savoir sur quel(s) secteur(s) prometteur(s) l’État est légitimement fondé à pousser les feux de la dépense publique, la France d’après-guerre n’ayant pas fait autre chose.

Certes, mais si l’on croit la démonstration définitivement faite par la vertueuse Suède que, pour bâtir ainsi une prospérité économique planifiable, on peut aller jusqu’à financer à fonds publics des projets aussi inutiles que la construction des Pyramides d’Égypte ou celle des Moaï de l’île de Pâques, alors la question suivante ne peut pas manquer de surgir : pourquoi de tels projets, plutôt que ceux de la lutte contre la faim dans le monde, que ceux d’irriguer les contrées privées de distribution d’eau, que ceux d’accroître ainsi les surfaces arables ou ceux de doper les recherches médicales les plus urgentes ?

Chers Suédois, non seulement l’histoire a, hélas, souvent montré que l’illusion d’une prospérité économique créée ex nihilo par la foi a pu durer longtemps et toujours finir par être durement payée par quelqu’un, mais elle continue de prouver qu’invoquer gratuitement et a priori l’utilité d’un projet économique ne permet jamais d’économiser l’obligation de la constater concrètement et le plus rapidement possible.

Or, s’agissant de l’erratique projet de lutte contre un réchauffement réputé anthropique de la planète, on ne voit pas de différence entre une utilité dont tout le monde s’accorde à admettre qu’elle ne se constatera pas – si elle se constate ! – avant plusieurs décennies et, durant tout ce temps, une inutilité on ne peut plus objective, équivalente à l’inutilité définitive prononcée par les règles économiques régissant les retours sur investissements les plus indécents.

« Jamais abus de confiance n’aura coûté aussi durablement cher à la société planétaire » lirons-nous peut-être dans les manuels d’histoire de nos arrières petits-enfants…

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