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On y était : André 3000 à la Gaîté Lyrique, la flûte enchantée

Hier soir, à Paris, André 3000 donnait le premier de ses deux concerts prévus à la Gaîté Lyrique. Soit près d’une heure et demie d’un jazz spirituel, méditatif, qui captive l’esprit autant qu’il ébranle les corps.

Peut-être est-ce sous le coup de l’émotion. Sans doute est-ce lié à la radicalité du geste artistique. N’empêche : à peine sorti de la Gaîté Lyrique, où André 3000 donne deux concerts exceptionnels (le mot est faible !), c’est aux côtés de Bowie, Kanye West, Prince ou encore McCartney (tous fans de jazz) que l’on a envie de ranger l’ex-OutKast. Là est sa place, auprès d’artistes qui, comme lui, voient flou dès lors qu’il s’agit de parler de conformisme et de normalité.

On le savait depuis la sortie l’année dernière de New Blue Sun, André 3000 n’est plus ce rappeur technique et cool dans le même souffle. En un album, dont l’origine remonte sans doute à sa rencontre avec le percussionniste Carlos Niño, l’Américain a pris le pari de délaisser son flow, sa voix, ses mots pour attraper une flûte et faire sa fête au jazz. Ou du moins, à une certaine idée du jazz, tant ce canevas esthétique est prétexte ici à chercher l’innovation, l’harmonie, l’imprévu, la rencontre avec des sons venus de l’ambient, des musiques spirituelles, d’Afrique noire, etc.

“Niggaz in Paris with a flute”

À peine entré sur scène, avec un T-shirt flanqué des Chicago Blackhawks sur les épaules, il ne vise que ça : créer des rencontres, orchestrer un dialogue entre ses musiciens et lui – soit la même équipe que sur l’album, Carlos Niño, Surya Botofasina, Deantoni Parks, et son “magicien”, celui qui “joue de la guitare sans jamais donner l’impression que ça en soit une”, Nate Mercereau –, laisser libre cours au hasard.

En témoigne ce bref échange en ouverture entre un enfant en bas âge étonnamment bavard et ses mélodies évolutives, lentes, relaxantes au possible, qui exigent pourtant le silence, l’accalmie. “Niggaz in Paris with a flute tonight”, clame-t-il le sourire aux lèvres, après 30 minutes relativement flâneuses, à peine dynamitées par une brève montée en tension, tout en sonorités abrasives et dissonantes, que l’on serait tenté de définir comme la conclusion du premier acte.

Tout simplement un excellent musicien

Cette soudaine prise de parole est l’occasion pour André 3000 de préciser que rien de ce qui est joué ce soir n’est prévu, ni répété. Il s’agit simplement d’“assimiler ce que l’on entend à l’extérieur, de l’amener avec nous et de vous le proposer. Aujourd’hui, tout est joué en direct afin de donner le concert le plus honnête et authentique possible”.

Est-on obligé d’y croire ? Non. Exprimerait-on le même enthousiasme si l’on faisait face à un jeune premier défendant sur scène une telle musique, méditative, intelligemment joueuse, mais parfois à la limite du New Age ? Peut-être pas non plus.

Aussi charismatique soit-il, André 3000 ne doit toutefois pas cette attention à son unique aura, à sa carrière : aussi à l’aise (et heureux) à la flûte qu’au xylophone ou au carillon à vent, l’Américain s’impose tout simplement comme un excellent musicien, qui s’excuse presque de ne pas venir rapper (à l’image du titre qui ouvre l’album et le concert, I Swear, I Really Wanted to Make a “Rap” Album but This Is Literally the Way the Wind Blew Me This Time), quand bien même il parvient ici à exploiter à la perfection la fibre mélodique de chacune de ses compositions.

Après André 3000, le silence

C’est même là tout l’intérêt de ce fameux deuxième acte, étiré sur près d’une heure, où André 3000 et ses partenaires amènent le jazz vers un même type d’atmosphère, parfois ésotérique, souvent spirituelle, mais toujours établie autour d’un axe expérimental, qui privilégie le temps long au rapidement consommable, la substance au spectaculaire, l’immersion à la simple écoute distraite.

Avant de conclure de la même manière que le premier mouvement, en apothéose, dans une débauche instrumentale et incandescente, où chaque son semble soudain surchargé de détails, tous stimulants, tous signifiants.

Certain·es, probablement par crainte des acouphènes, se bouchent les oreilles. C’est une erreur : il y a dans cette intensité et cette recherche de la transcendance tout le talent d’un musicien au magnétisme rare, qui entraîne dans son sillage celles et ceux qui s’y laissent prendre. À la Gaîté, hier soir, iels étaient nombreux·ses.

En concert à la Gaîté Lyrique, Paris, les 8 et 10 juillet. Il reste encore des places pour la date de demain ici.

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