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Face à la soif des minéraliers et les usines d'embouteillage d'eau, la fronde s’étend en France

La France est championne du monde de la production et de l’exportation d’eau minérale. Les industriels en pompent sept milliards dans les sols du territoire, chaque année. La soif vient en puisant. Il y a les géants déjà établis, comme Nestlé, Danone ou Alma. Et ceux qui projettent d’aller chercher l’or bleu là où il est encore abondant.

L’ambition du groupe Leclerc

Pour la journée mondiale de l’eau, le 23 mars dernier, les luttes contre l’embouteillage ont convergé à Dieuze, en Moselle. Depuis près de vingt ans, plane au-dessus de cette commune de 3.000 habitants un projet d’usine d’embouteillage d’eau. Derrière l’exploitation de deux forages, on retrouve Leclerc.

Avec sa filiale Aquamark, basée en Auvergne, dans le massif du Sancy, le groupe entend lui aussi élargir son réseau d’usines et peser sur le marché. Une ambition contrariée à Dieuze. Malgré l’aval de la municipalité en 2022, Une mobilisation locale et la constitution d’un collectif, Eau Secours, s’emploient à faire capoter le projet.

Retour à la source. Depuis 2005, la société Aquamark, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, pompe la source d’eau de Laqueuille, 350 habitants, dans le Puy-de-Dôme. Un projet stratégique pour le groupe Leclerc qui a investi près de 30 M€ à l’époque pour que cette eau irrigue les rayons de ses supermarchés. Mais cela ne suffit plus.L'usine Aquamark, filiale de Leclerc, est installée dans le Sancy, en Auvergne, depuis 2005. Photo Francis Campagnoni

Le groupe de Michel-Edouard Leclerc a atteint un plafond qui l’empêche de s’étendre sur le marché de l’eau plate. Pour ce faire, Aquamark se verrait bien étaler dans les magasins deux références avec deux sources différentes : Marque Repère par Laqueuille, et Eco + par une autre source. D’où l’apparition au printemps d’un vieux dossier que certains croyaient enterré : le projet de Murat-le-Quaire, dans le Sancy. L’entreprise a donc fait une demande d’exploitation de la source de Paillère pour un captage estimé à 175 millions de litres par an.

« Industrie mortifère »

Très vite, l’enquête publique a attisé les craintes et les tensions dans cette bourgade de 42 habitants où habitants et agriculteurs du coin ont fait connaître haut et fort leur désapprobation. Le bruit a couru jusqu’à Vittel, épicentre de la bataille, en France, contre les minéraliers. Mais aussi au sein de la coalition Stop embouteillage. Cette dernière tente de rassembler et répertorier les mouvements autour de l’eau en France.

« On a cartographié les lieux pour montrer que tout le monde a une usine près de chez lui. Donc on a voulu créer un réseau plus dense pour demander l’arrêt de ces projets. La revendication de notre coalition est de réclamer la fin de cette industrie mortifère. »

À Murat-le-Quaire, la fronde a surpris par sa vivacité. Les réunions publiques ont fait salle comble, au point que le commissaire enquêteur a prolongé l’enquête publique. Les élus du conseil municipal ont finalement décidé à une large majorité d’émettre un avis négatif. « C’était une aberration de lancer un tel projet, convient un maire du secteur sous couvert d’anonymat, ça ne peut plus tenir aujourd’hui dans un contexte de raréfaction de la ressource. »

Un maire menacé et harcelé 

Plus personne ne croit en un maintien du projet désormais, mais les traces sont profondes. Signe que le débat sur l’eau se tend, le maire de Murat-le-Quaire a été menacé et harcelé, au point de voir sa santé se détériorer.

Les mobilisations citoyennes réussissent, parfois, à mettre à mal les desseins des industriels. En mars 2023, La Salvetat, marque d’eau minérale du groupe Danone, annonçait l’arrêt de son forage d’eau controversé dans le Tarn. Une issue à laquelle aspirent des habitants de l’Hérault. À Montagnac, la population se bat contre la vente au groupe Alma, propriétaire de Cristalline, d’une parcelle sous laquelle se trouve une nappe chargée d’eau douce, afin d’y construire une usine d’embouteillage.

Un rassemblement du convoi de l'eau à Volvic

Un an après Sainte-Soline, il sera encore question d’eau, cet été. Le collectif Bassines non merci appelle à un large rassemblement dans le Poitou, du 16 au 21 juillet. La veille, le « convoi de l’eau » fera étape à Volvic, dans le Puy-de-Dôme. Les Soulèvements des volcans et Stop embouteillage entendent « dénoncer l’extraction de l’eau par Danone », pacifiquement. Une marche qui devait conduire les militants jusqu’à la Société des eaux de Volvic. La préfecture a interdit cette initiative.

Malik Kebour

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