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Faut-il passer au scrutin proportionnel pour élire nos députés ?

Faut-il passer au scrutin proportionnel pour élire nos députés ?

Est-il encore pertinent d'avoir recours à un scrutin majoritaire aux élections législatives ? Loin d’être nouvelle, l’idée de réformer ce mode de scrutin semble gagner les esprits depuis l’élection dimanche d’une assemblée sans majorité nette.

Renaissance, La France Insoumise, le Rassemblement national, le MoDem, nombreux sont les partis appelant à modifier le mode de scrutin aux élections législatives par un vote à la proportionnelle. En 2022, le programme présidentiel de la macronie promettait l’arrivée d’une « dose de proportionnelle ». Mais, depuis, la désillusion semble l’emporter sur la volonté. Pourtant une telle réforme « ne nécessiterait qu’une simple loi ordinaire et non une révision de la Constitution », signale le constitutionnaliste Benjamin Morel. En somme, une modification facilement applicable.

L’instauration d’un scrutin proportionnel induirait de voter pour une liste de candidats et non pour un candidat unique. Cette liste serait présentée « au niveau départemental ou national », en conclut Benjamin Morel, en un ou deux tours. Les sièges seraient ensuite distribués proportionnellement aux voix recueillies par chaque liste.

Le ton monte face au scrutin majoritaire

Pour beaucoup, les scores inédits aux législatives dimanche ont incarné l’épuisement d’un scrutin majoritaire censé favoriser l’obtention d’une majorité. Un nombre de voix en dissonance avec les sièges attribués, la prédominance des grands partis et l’effacement des autres sensibilités politiques... les critiques sont diverses contre ce mode de scrutin. Et sans majorité, difficile de s’accorder sur la nomination d’un Premier ministre.

Un schéma qui paradoxalement pourrait rappeler celui de la IVe République. Sous les modalités d’un scrutin législatif à la proportionnelle, des assemblées déchirées sont constituées et contraignent 24 gouvernements à se succéder en 12 années. Un marasme politique qui entache la réputation du scrutin proportionnel. Mais pour Benjamin Morel, cette instabilité sous la IVe République ne tenait pas tant aux institutions qu’à « une bipolarité de la vie politique ayant précipité sa chute ».

Une exception française 

Alors, en 1958, les constituants de la Ve  République se montrent frileux à l’égard de la proportionnelle aux législatives. Afin de favoriser l’exécutif et la stabilité politique, ils optent pour un mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Un choix qui aujourd’hui encore régit l’élection de nos 577 députés. Le candidat est élu dès le premier tour s’il obtient plus de 50 % des suffrages exprimés et un nombre de voix égal à plus de 25 % des électeurs inscrits dans sa circonscription. Ce fut le cas le 30 juin pour 76 candidats.

 

Pour le reste, un second tour est organisé pour dégager un élu majoritaire entre les candidats ayant réuni un nombre de voix au moins égal à 12,5 % des inscrits dans leur circonscription au premier tour. L’objectif derrière ce système : dégager une majorité gouvernable. Au sein de l’Union européenne, la France est le seul pays doté de ce mode de scrutin aux législatives.

1986 : un douloureux souvenir

Le vote proportionnel ne nous est pas inconnu. Il régit l’élection des députés européens, des conseillers municipaux dans les villes de plus de 1.000 habitants et intervient dans celle des conseillers régionaux. En 1986, François Mitterrand fut l’unique président de la Ve République à avoir emprunté le chemin sinueux de la proportionnelle aux législatives pour empêcher la droite d’obtenir une majorité écrasante. Cette année-là, le Front national envoie 35 députés au Palais Bourbon pour la première fois. Un douloureux souvenir qui n’a pas profité à la réputation de la proportionnelle. Deux ans plus tard, Jacques Chirac y met fin.

Le scrutin proportionnel n'est pas une baguette magique mais il permettrait d'améliorer l'utilité du vote

Plus représentatif mais risqué pour la démocratie

Un scrutin à la proportionnelle « améliore l’utilité du vote », explique Benjamin Morel. En assurant une représentation plus fidèle des opinions politiques par un vote de conviction, il permet de « guérir le biais de la représentativité ». Selon le constitutionnaliste, un tel scrutin augmenterait la participation de 7 %. Autre point, l’enjeu de la parité. Alors que la nouvelle assemblée n’est composée que de 36 % de femmes, résultats des règles paritaires qui se basent sur les candidats que les partis présentent, un scrutin de liste permettrait d’obliger les partis à respecter la parité parmi les élus qu’ils envoient à l’Assemblée.

 

Mais ce mode de scrutin comporte aussi ses faiblesses. Pour Benjamin Morel, la proportionnelle « reviendrait à diminuer l’ancrage territorial des partis par un vote au niveau départemental ». De plus, contre-intuitivement, elle « ne renforcerait pas forcément le caractère démocratique » car sans majorité absolue, ce scrutin « favorise les coalitions en s’émancipant du vote du citoyen » signale-t-il.

 

Alors face au danger d’une majorité impossible à obtenir, certains partis ont avancé l’option de mettre en place une prime majoritaire de sièges réservés au parti arrivé en tête lors d’un scrutin proportionnel. Une solution viable dans le contexte politique actuel ?

 

Victor Delair

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