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Rumeurs et candidats : qui veut la tête du CNC ?

La question de la succession à Dominique Boutonnat à la tête du système de financement public du cinéma est un problème plus politique que jamais à l’aune du chaos ambiant.

Les petites mains du Centre National du Cinéma et de l’image animée en témoignent en nombre : il y a plané ces dernières semaines une électricité palpable, une panique de paquebot en plein naufrage, sourdement dissimulée derrière les regards inquiets des anonymes croisé·es dans les couloirs, et ce pour deux raisons cumulées.

D’une part, l’imminence du verdict concernant Dominique Boutonnat, président hautement décrié depuis 2019, initialement pour sa ligne très libérale, puis surtout pour l’accusation de tentative de viol formulée en 2021 par son filleul et dont il a refusé depuis trois ans (et une reconduction) qu’elle le pousse vers la sortie – il a finalement été condamné fin juin à trois ans de prison dont un ferme, a fait appel et démissionné. D’autre part, l’arrivée potentielle au pouvoir du Rassemblement National, avec à la clé un véritable Tchernobyl du financement public de la création, le parti ne cachant pas sa franche hostilité aux emblèmes de l’exception culturelle, préférant la préservation des vieilles pierres au soutien aux artistes vivants. En résumé : le CNC risquait fort de se retrouver sans président au pire moment possible, celui où l’extrême droite pourrait arriver au pouvoir et lui imposer sa ligne. Cette nomination est une prérogative de la présidence de la République, sur proposition du ou de la ministre de la Culture.

Limiter la casse

Nommer quelqu’un à temps avant l’arrivée de Bardella aurait pu limiter la casse en le forçant à composer pendant trois ans avec un président plus modéré. Emmanuel Macron ne l’a pas fait, et l’extrême droite a perdu l’élection. Depuis la démission de Boutonnat suite à sa condamnation, et la nomination par Rachida Dati de son ex-n° 2 Olivier Henrard à la présidence intérimaire le 28 juin, l’Élysée n’a, malgré les insistances de la profession appelant à un retour à la normale avec un chef de plein exercice, pas avancé publiquement sur le dossier, prétendant attendre la fameuse “clarification” de plus en plus chimérique dont auraient dû accoucher les législatives.

Des noms, pourtant, commencent à bruisser, comme celui révélé par La Lettre il y a deux jours, et déjà donné gagnant, de Sabrina Agresti-Roubache, politicienne très décriée aux états de service inexistants en matière de cinéma (la production exécutive de la série Marseille et de quelques téléfilms), mais identifiée comme une servante zélée et sans filtre du néolibéralisme sauce Macron (elle était candidate Ensemble dans la première circonscription des Bouches-du-Rhône en juin 2024).

Une légitimité discutable

La rumeur a de quoi faire grincer des dents : occupé alternativement par des énarques à pedigree culturel ou des dirigeants audiovisuels de haut rang (comme les autres pressentis que sont Pierre-Olivier Costa, président du Mucem, Christophe Tardieu, secrétaire général du groupe France Télévisions ou Florence Philbert, haute fonctionnaire au ministère de la Culture), le poste passerait aux mains d’une personnalité à la légitimité discutable. Alors que la contestation contre la dérégulation des années Boutonnat a fait grand bruit dans les derniers mois de sa présidence, le pouvoir aurait on ne peut plus l’air de placer une lieutenante dévouée afin de mater la bronca.

Judith Godrèche, opposante virulente à Boutonnat qui galvanisait en mai dernier la manifestation devant les grilles du Centre, formulait cette semaine sur son compte Instagram une autre analyse de la situation, en remarquant que si le pouvoir ne s’était pas pressé d’évincer Boutonnat et de le remplacer avant que l’extrême droite ne puisse le faire, il se montre bien plus diligent à l’approche d’une éventuelle prise en main par la gauche. Douteuse hiérarchie des périls, hélas.

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