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Le combat de Varian Fry, le tout premier résistant : une exposition à ne pas rater cet été au Chambon-sur-Lignon

Varian Fry. C’est un nom qui n’est pas forcément ressorti au moment de lister tous ces hommes et femmes qui, par leur sens du dévouement et un courage sans faille, ont sauvé des milliers de juifs et antinazis d’une mort certaine sous le joug allemand pendant la Seconde Guerre mondiale. Citoyen américain, Varian Fry naît à New York en octobre 1907 et grandit dans un milieu favorisé. Diplômé de la prestigieuse université de Harvard, il s’oriente ensuite vers une carrière dans le journalisme et les affaires internationales.Son métier l’amène à visiter Berlin en 1935, deux ans après la nomination d’Adolf Hitler comme chancelier. Dans la capitale allemande, l’Américain est témoin d’un pogrom. Les autorités persécutent les juifs allemands. Cette expérience opère comme un « catalyseur » chez lui et déclenche son engagement contre le nazisme. En 1938, le journaliste adhère et participe aux activités du mouvement American Friends of German Freedom dont l’objectif est de venir en aide aux artistes, écrivains et politiques menacés par les nazis.La commissaire de l’exposition est très émue de présenter le parcours méconnu du journaliste américain Varian Fry au Lieu de Mémoire du Chambon-sur-Lignon. Photo N.MarliacDeux ans plus tard, la France est envahie par l’Allemagne et capitule. Un armistice est signé le 22 juin 1940 et le pays se retrouve coupé en deux. C’est l’Occupation. C’est à ce moment-là, le 14 août, que Varian Fry arrive à Marseille et s’installe à l’hôtel Splendide. Le Centre américain de secours (CAS) vient d’être créé et Fry débarque avec 3.000 dollars en poche et une lettre de recommandation de la « First Lady » des États-Unis, Eleanor Roosevelt. Il a également en sa possession une liste de 200 personnes à sauver en trois semaines. « C’est un homme profondément intègre et engagé. Il ne maîtrise pas le français, mais il décide de mettre sa vie à disposition des personnes qu’il doit assister », explique Emmanuelle Polack, commissaire de l’exposition consacrée au Chambon-sur-Lignon.

La villa Air-Bel,  un refuge d’artistes et intellectuels attendant un visa vers les États-Unis

Mais très vite, les autorités remarquent un afflux irrégulier de réfugiés dans l’hôtel marseillais. La chambre de l’ancien reporter a en effet été transformée en bureau de réception du Centre américain de secours (CAS) et devient rapidement exiguë. Plus tard, grâce à son réseau et au soutien financier de mécènes américains très engagés, Varian Fry dégote une maison à l’est de la cité phocéenne, la villa Air-Bel. Cette bastide à la façade défraîchie se transforme vite en refuge, dont le loyer est financé par le CAS et ses riches donatrices Peggy Guggenheim et Maryjane Gold. Très vite, une communauté d’artistes - principalement surréalistes - et d’intellectuels s’y installe dans l’attente d’un visa ou d’une porte de sortie vers l’Amérique, loin de l’horreur nazie.Rebaptisée « Château Espère-visa » par ses résidents, la villa Air-Bel abrite des esprits de renom comme André Breton, Oscar Dominguez, Victor Brauner ou encore le peintre Marc Chagall. Durant leur séjour, ces artistes ont donné libre cours à leur imagination créatrice. La plupart de ces œuvres sont exposées jusqu’au 19 octobre au Lieu de Mémoire du Chambon-sur-Lignon.

« Le visiteur est amené à découvrir le parcours de seize artistes et leur travail pendant cette période. Tous sont liés par le fait d’avoir été sauvés ou d’avoir rencontré Varian Fry dans le sud de la France entre août 1940 et juillet 1941. Et, le fil rouge reste bien évidemment ces treize mois de Fry en France et son action d’assistance ».

Pour s’évader ou du moins se changer les idées, la communauté d’artistes et d’intellectuels transforme la villa Air-Bel en un lieu créatif, mais aussi festif. Une « résistance par l’art » où peintres, pianistes, philosophes et auteurs « imposent la création artistique pour tromper l’angoisse des heures sombres et résister à l’oppression ». Les hôtes marquants de la villa cherchent à s’occuper. Ainsi naît le Jeu de Marseille, une version modernisée d’un jeu de cartes traditionnel composé de 20 cartes illustrées à l’aquarelle. Comme les nombreuses œuvres créées par les artistes durant cette période de conflit, ce jeu de cartes est exposé au Chambon-sur-Lignon.

« Résistance de papiers »

Alors qu’il devait séjourner en France seulement trois petites semaines, Varian Fry sera resté treize mois dans la région de Marseille. Avec ses équipes et sa détermination, le Centre américain de secours deviendra l’une des premières organisations d’assistance aux persécutés travaillant en zone libre. L’action de Varian Fry aura permis de sauver 1.900 personnes sur les 6.000 rencontrées en treize mois. Mais aussi, le CAS a envoyé plus de 400 colis aux prisonniers des camps d’internement français pour améliorer leur quotidien. « En tant qu’historienne de l’art, j’ai choisi de présenter les figures de proue de ces 1.900 personnes sauvées et de montrer la matérialité du parcours de ceux qui ont été sauvés. Mais, il y a aussi des femmes, des enfants et des familles entières d’inconnus qui ont pu obtenir un visa et quitter la France grâce à Fry », continue Emmanuelle Polack.Sur les 25 œuvres d’art présentées jusqu’au 19 octobre, 22 sont issues de collections privées et n’ont encore jamais été exposées au grand public.Mais l’action résistante de l’Américain cessera le 29 août 1941. Arrêté par le régime de Vichy à Marseille, il est conduit à la frontière espagnole et finit par rentrer chez lui au pays de l’Oncle Sam. Après-Guerre, il embrassera une carrière de professeur de latin et tombera peu à peu dans l’oubli. « Nul n’est prophète en son pays », insiste la commissaire de l’exposition.Des années plus tard, peu avant sa mort, Varian Fry sera honoré par l’État français pour son action de résistance pendant la Seconde Guerre mondiale et sera élevé au rang de Chevalier de la Légion d’honneur, le 12 avril 1967. Car, tout au long de son séjour dans l’Hexagone, l’Américain aura remué ciel et terre pour obtenir des visas aux intellectuels et autres artistes, qui, un jour ou l’autre, sans ce fameux sésame, auraient connu un destin funeste. « Il a mené une action légitime, mais aussi illégale en fournissant de nombreux faux papiers confectionnés par des amis artistes comme le graveur juif-autrichien Bill Spira. C’est de la résistance administrative, de la résistance de papiers. L’une des premières formes de résistance du conflit. » Très tardivement, en février 1996, Varian Fry sera également reconnu « Juste parmi les Nations ». Il fut le tout premier citoyen américain à recevoir cette reconnaissance à titre posthume. Ils ne sont que cinq Américains encore aujourd’hui à l’avoir reçu. Il a aussi symboliquement obtenu la citoyenneté d’honneur de l’État d’Israël.

Le Lieu de Mémoire, un site d’exposition idéal

Au prisme d’œuvres d’art des artistes qu’il a contribué à sauver, l’exposition évoque la figure d’un homme hors du commun. « Je ne connaissais pas le Lieu de Mémoire du Chambon-sur-Lignon avant de venir présenter l’exposition ici. Je suis très émue, très touchée », termine Emmanuelle Polack. Créé pour mettre en lumière toutes les formes de résistance pendant la Seconde Guerre mondiale et honorer les « Justes », Varian Fry a toute sa place au Chambon-sur-Lignon (lire ci-joint). « Le présenter à travers le parcours d’artistes et leurs œuvres est très intéressant. C’est important d’avoir accès à ces œuvres dans nos territoires ruraux. Son histoire nous fait écho », conclut Floriane Barbier, la responsable du site chambonnais qui a hâte de recevoir le public.

 

Nathan Marliac

 

Tarifs. Plein 7 € ; réduit 5 € ; gratuit moins de 10 ans ; groupe (à partir de 10 personnes) 5 € ; scolaires 2 € et forfait visite guidée 30 €.Plus d’informations au 04.71.56.56.65 ou par courriel à ldm.chambon@memorialdelashoah.org.

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