World News in French

"Les carnets dévoilés", une exceptionnelle exposition d'estampes de Picasso à la Galerie du musée d'Ussel

C’est une exposition rare que présente l’association AIMU à la Galerie du musée d'Ussel : des fac-similés lithographiques de dessins de Picasso. Une exposition pleine de surprises.

Longtemps, Philippe Monsel a dirigé les Éditions Cercle d’art, créées dans les années 50 avec l’ambition de partager largement les œuvres des artistes contemporains ou classiques. Picasso en fut l’un des piliers, travaillant lui-même, avec un plaisir et un savoir-faire exceptionnel, à la reproduction de ses toiles et dessins.

Ce sont quelques-unes de ces estampes, tirées des deux ouvrages Le Carnet de la Californie et Le Goût du Bonheur, que le Cantalien offre aujourd’hui de découvrir, à l’invitation de l’association AIMU (association de l’imprimerie du musée d’Ussel), à la Galerie du musée.

Plusieurs dizaines en fait de lithographies en fac-similé des carnets que Picasso a noirci chaque jour ; il en remplira 175 au cours de sa longue vie de création, chacun de ses dessins scrupuleusement daté et numéroté. « Personne ne peut voir les originaux aujourd’hui, sourit Philippe Monsel, parce que personne ne sait où se trouvent ces carnets. Ces lithographies en sont la trace ultime. »

Première série exceptionnelle, celle, de 1955, du Carnet de la Californie, la villa où il résidait à Cannes (publié au Cercle d’art en 1959). Des vues de son atelier, de plus en plus fournies.

Personne ne peut voir les originaux aujourd’hui, parce que personne ne sait où se trouvent ces carnets. Ces lithographies en sont la trace ultime.

« Comme un musicien, il fait ses gammes. Il commence toujours par rentrer dans un motif simple - un rocking-chair, un héron, une sculpture sur une sellette se retrouvent dans chaque dessin -, puis il mobilise toutes sortes de techniques jusqu’à obtenir un dessin de plus en plus chargé. Mais ce ne sont pas des exercices, ni des études ; à la fin, chaque dessin est une œuvre à part entière. »Plusieurs vues de l'atelier de Picasso.

Des œuvres auxquelles la lithographie rend un hommage tout particulier. « Picasso maîtrisait tous les arts graphiques. Il n’acceptait jamais qu’on reprenne ses œuvres en lithographie, sauf là, parce que ces fac-similés permettaient de populariser ses carnets avec une méthode qui reproduit parfaitement son travail et conserve sa force à chaque couleur. »

Galerie de portraits virtuoses

Une autre série, issue de l’ouvrage Le Goût du Bonheur paru en 1970 aux Éditions Cercle d’Art, donne à voir toute la richesse de l’œuvre de Picasso. « Picasso est quelqu’un de modeste, mais il a une vue extrêmement réaliste sur ce qu’il représente. Il est un classique, qui s’inscrit dans une filiation. »

Portrait d'un fumeur, dans Le Goût du Bonheur.

La preuve avec les deux dessins, à l’encre de Chine, dans lesquels il « cite » Rembrandt et Hans Holbein. « Modestement, il reprend à la plume L’Homme au casque d’or de Rembrandt comme s’il avait toujours besoin de reprendre ses repères », précise Philippe Monsel.

Idem avec les versions métamorphosées de la Jacqueline en costume turc. « On comprend ce qu’il fait : il part de Delacroix et ses Femmes d’Alger, il reprend les fondamentaux et le prolonge avec une efficacité graphique incroyable et tente aussi différentes techniques. À une bourgeoise qui s’extasiait de l’une d’elles crayonnée en 60 s, il a répondu : “oui, en 60 ans et quelques secondes”. Il était drôle aussi. »

De pleines pages de vie

Drôle et plein d’humour, à coup sûr. Pour preuve, la galerie de portraits qu’il réalise en 1964. Des fumeurs d’abord. « À cette époque, il a décidé d’arrêter de fumer. Il en est tellement obsédé qu’il fait des dessins de fumeurs ! », s’amuse Philippe Monsel.

Modestement, il reprend à la plume L’Homme au casque d’or de Rembrandt comme s’il avait toujours besoin de reprendre ses repères.

Quelques « intermèdes » aussi. « Il fait des essais, parfois des abstractions purement graphiques ; il s’amuse, mais cela montre qu’il maîtrise la vie d’une manière incroyable. »

Une « amorce de série érotique » enfin qui, sans vulgarité aucune, n’en est pas moins fort évocatrice. « Toute sa vie, il y a eu un érotisme permanent chez Picasso. Pas seulement un désir des femmes, mais de la vie tout court, témoigne Philippe Monsel. Cette série de couples est très belle, très tendre, réalisée d’un seul trait. Il n’a pas besoin d’artifices pour faire tourner les volumes. C’est le summum d’une capacité à représenter la vie. »

L’exposition « Les carnets dévoilés », par l’association AIMU, est à voir jusqu’au 3 août à la Galerie du musée, 18 rue Michelet à Ussel, tous les jours de 14 heures à 18 heures. Vernissage samedi 20 juillet à 11 heures. Gratuit.

Blandine Hutin-Mercier

Читайте на 123ru.net