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En Eure-et-Loir, un nouveau tourisme du terroir et du temps long

Déconnecter, ralentir son rythme de vie, prendre le temps de faire des rencontres, privilégier la mobilité douce… Voilà des valeurs défendues par le slow tourisme, « sur lequel le département s’est rapidement positionné » explique, à Chartres (Eure-et-Loir), Carole Rossi, directrice d’Eure-et-Loir Tourisme.

Car elle en est convaincue : les besoins des vacanciers ont changé. « Il y a un ensemble de tendances sociétales qui favorisent le développement d’un tourisme différent », avance Carole Rossi. « Évolution des comportements sociétaux, prise de conscience écologique, épuisement des ressources fossiles, etc. »

Hors les schémas formatés

Des facteurs qui auraient pour impact la fin d’un modèle qui a longtemps perduré.  « Auparavant, il y avait un schéma formaté : l’été à la mer, l’hiver à la montagne, et un tourisme international autour des capitales. C’est un modèle qui, aujourd’hui, a beaucoup évolué à la faveur des destinations à la campagne et, surtout, des destinations à proximité », assure-t-elle.

Non aux hôtels, oui à la location d’hébergements. Pour expliquer ce phénomène, Carole Rossi s’appuie sur des éléments qui « ont favorisé cette mutation. Notamment la transition numérique, qui a permis aux plateformes de réservation de se développer et d’apporter de la visibilité, mais aussi le développement du télétravail, qui favorise d’autres rythmes de vie, menant à des prises de congés et allongements de week-ends », précise-t-elle.

Dans le département, « ces changements sont maintenant bien installés » ajoute la directrice d’Eure-et-Loir Tourisme qui, après analyse, note qu’il s’agit principalement ici d’une clientèle de proximité.

« Être peinards »

Marielle Térouinard, qui anime le club AirBnB d’Eure-et-Loir, partage ce constat. « Les Français veulent du calme, et les étrangers veulent découvrir la France. Rien de tel que d’aller dans un coin un peu reculé pour vivre la vie d’un Français : aller au marché, voir les animaux, etc. Ce que l’on prend pour une chose banale, ici, ne l’est pas pour ceux qui viennent de loin », note-t-elle.

Une envie qui s’est renforcée chez les Français, depuis la pandémie de Covid-19, selon Marielle Térouinard. « Depuis le Covid, il y a beaucoup plus de Français qu’avant. Les gens cherchent à être peinards. Ils ont besoin de se retrouver en famille et entre amis. »

Au carrefour de tout

Côté finances, l’Eure-et-Loir sait se montrer attractive : « Nous sommes une destination tranquille, pas chère, qui offre de gros hébergements. Il est possible de venir en famille sans se ruiner. L’avantage, aussi, c’est qu’en louant un hébergement, il n’y a pas besoin d’aller manger au restaurant. C’est un frais en moins », ajoute Marielle Térouinard.

C’est sans compter sur « l’atout principal de l’Eure-et-Loir », souligné par Carole Rossi, à savoir « sa situation géographique. Nous sommes au carrefour de grandes routes, vers la Bretagne, la Normandie ou encore l’Île-de-France. Pour une clientèle étrangère, c’est un lieu de villégiature privilégié pour, ensuite, rayonner autour du lieu de l’hébergement. C’est un point de chute pour découvrir ce qu’il y a aux alentours. »

Au manoir du Bois Joly, des cabanes de berger, des roulottes, dans un écrin d'authenticité Le manoir du Bois Joly, vu par son entrée originale.

Situé à Arcisses, dans le Perche eurélien, tout près de Nogent-le-Rotrou, le manoir du Bois Joly attire les partisans du slow tourisme. Julien Bélivier est le gérant du domaine familial, acquis en 1985 par ses parents. Les bâtiments tombaient en ruine. « Le Bois Joly était abandonné depuis plusieurs années. Mes parents y ont emménagé en 1989, et pendant les années qui ont suivi, ils ont fait par eux-mêmes les travaux de restauration » se rappelle-t-il, tout en précisant qu’ouvrir un gîte « était l’un des objectifs, lors de l’achat du Bois Joly ».

Sur le domaine, des logements quelque peu inédits : un gîte labellisé en 2017, de 140 m², des roulottes qui sont sur site depuis 2018, et des cabanes de bergers, depuis 2020. Des hébergements en pleine campagne, avec une capacité maximale d’accueil allant d’un à huit individus.

« Les locations ont commencé presque en même temps que la pandémie du Covid-19. Je me suis rendu compte, quand elle s’est terminée, que les gens avaient besoin de petites structures comme le Bois Joly. Ils avaient besoin d’espace pour prendre l’air. Ça a boosté les locations », explique Julien Bélivier.

La clientèle du Bois Joly est hétéroclite.

« Les profils varient, et c’est ce qui me plaît. Je peux rencontrer des personnes très différentes, de milieux différents. »

« Il s’agit d’étrangers, mais aussi d’Euréliens, de personnes qui viennent de Chartres ou de Nogent-le-Rotrou.

Ce sont souvent des grands-parents qui viennent avec leurs petits-enfants, pour une sortie loin du toit familial. Autrement, comme nous sommes à deux kilomètres de Nogent-le-Rotrou, commune située sur le tracé de la Véloscénie (parcours à vélo qui relie Paris au Mont-Saint-Michel, NDLR), il y a aussi pas mal de cyclistes qui font halte au Bois Joly », détaille le gérant du domaine.Décoration dans une cabane de berger.

Cela, Julien Bélivier l’explique assez facilement :

Les cyclistes qui font la Véloscénie s’arrêtent cinq à dix fois. Ils ont un budget à tenir, ils ne peuvent pas dépenser 200 euros par nuit. Je me suis donc aligné sur les prix des chambres d’hôtels pour être dans de l’insolite, mais dans de l’insolite abordable et accessible à tous.

Rencontres, échanges… La vie au Bois Joly est rythmée par une des grandes valeurs du slow tourisme, à savoir, l’humanité. « Je mise vraiment sur l’accueil. J’ai envie qu’il y ait de l’humain, la clientèle l’apprécie. J’en profite pour raconter des anecdotes, partager l’histoire du Bois Joly et celle du Perche. »

Dans l’ambiance familiale qu’offre le domaine, chacun à son espace. « C’est un intermédiaire entre le gîte et le camping », commente Julien Bélivier. Souvent, le gérant est témoin des moments d’échanges entre les clients. « Les gens se croisent, se donnent des conseils. Les enfants jouent facilement ensemble et, parfois, tout le monde se retrouve pour partager l’apéritif. »Un faux téléphone, près des sanitaires. 

Jeudi 11 juillet 2024, un couple d’Anglais passait les portes du Bois Joly. Partis de Londres la semaine précédente, ils parcourent la Véloscénie. « Il y a quelques années, on nous a offert un grand livre sur les meilleurs itinéraires à vélo à faire dans le monde. Fin 2023, nous organisions nos vacances d’été, en espérant faire du vélo. Nous avons donc choisi la France, pour plusieurs raisons. Nous parlons un peu français, mais aussi, nous voulions partir en vacances sans avoir à prendre l’avion, car nous l’avons déjà pris plusieurs fois l’année dernière », expliquent-ils.Décoration de la roulotte Vintage. 

« Nous avons trouvé l’adresse du Bois Joly sur le site internet de la Véloscénie, qui recommande certains logements. Nous avons aimé les commentaires que nous y avons lus. » Le couple, qui a passé une nuit dans la roulotte Art Déco, s’est dit conquis par les lieux. « Nous aimons beaucoup le Bois Joly. C’est différent de d’habitude. Au Royaume-Uni, c’est difficile de trouver des lieux semblables. Ici, c’est incroyable ! Tout est calme, contrairement aux chambres d’hôtels dans lesquelles nous dormions avant. Il y avait beaucoup de bruit, notamment parce que les hôtels étaient à proximité des grandes routes », partagent les deux Britanniques.

1.200.000 nuitées. L’année dernière, Eure-et-Loir Tourisme a comptabilisé plus d’un million de nuitées marchandes dans le département et 300 M€ de retombées économiques. Directes et indirectes, les retombées économiques sont liées à l’hébergement, mais aussi à l’ensemble de la consommation touristique produite par les visiteurs de l’Eure-et-Loir.

Violette Pezin

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