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Les députés de l'Allier retrouvent l'Assemblée : leurs projets, leur regard sur ce contexte si particulier

Les députés de l'Allier retrouvent l'Assemblée : leurs projets, leur regard sur ce contexte si particulier

Les trois députés sortants de l’Allier ont été réélus après les élections législatives anticipées. Ils retrouvent ce 17 juillet leur siège dans l’hémicycle du palais Bourbon. L’occasion de revenir avec eux sur une campagne si particulière. D’évoquer aussi les difficultés qui s’annoncent avec une Assemblée sans majorité absolue et les dossiers locaux qu’ils souhaitent mettre en avant.

Yannick Monnet (PCF/NFP), député de la 1ere circonscription de l'Allier

Comment s’est déroulée votre campagne ?

"Elle a été très difficile. Nous avions très peu de temps pour nous organiser et couvrir 126 communes de la circonscription. Tout cela dans un contexte national compliqué. Le premier tour a été marqué par un vote national, dans la continuité des élections européennes qui avaient placé le RN en tête. Le vote n’avait rien de local. En conséquence, j’ai axé ma campagne sur le terrain, au plus proche des habitants, en faisant du porte-à-porte, du tractage, des rencontres sur les marchés et les lieux publics. Avant le premier tour, Jean-Paul Dufrègne mon suppléant et moi-même avions tenu douze réunions publiques et un meeting. En discutant avec les électeurs de ma circonscription, j’ai eu le sentiment d’une France fracturée. C’est ce qui m’a le plus marqué lors de nos échanges. Aujourd’hui, plus que jamais, l’urgence, c’est d’apaiser le pays. La question des services publics qui disparaissent en milieu rural revient souvent. Les personnes que j’ai rencontrées ont l’impression d’être reléguées, d’être devenues des citoyens de seconde zone, oubliées par l’État. Cette impression repose sur des faits concrets pour lesquels je me bats depuis deux ans, depuis que j’ai été élu en 2022 : le manque de médecins, la fermeture des classes et même le prix de l’essence. Nos citoyens n’ont pas d’autres moyens de se déplacer que de prendre leur voiture. Il y a un vrai réel recul de l’État sur certains territoires. Il est évident que l’État doit reprendre pied. Pour ma part, ce scrutin a été un ascenseur émotionnel, avec une réélection qui s’est jouée au tout dernier moment."

Que pensez-vous de cette nouvelle Assemblée nationale ?

"Elle est à l’image du pays. Le second tour s’est traduit par une fracture, mais aussi par une forte mobilisation. Je ne comprends pas les bénéfices de cette dissolution, mais le vote des Français doit être respecté. Je suis en colère de voir qu’on ne trouve pas de nom à gauche pour un premier ministre. Il faut choisir quelqu’un qui rassemble et pas qui divise. Avec notre groupe GDR (ultramarins et communistes), nous allons essayer d’être le trait d’union, en respectant les institutions et en avançant sur nos sujets. Ce vote pour le RN interroge, il y a une part d’irrationalité. On a donc un besoin de réponses à gauche, je vais m’attacher à cela, à travailler dans ce sens."

Quelles perspectives se dégagent pour les prochains mois à l’Assemblée ?

"Il n’y a pas de majorité. Donc c’est un défi qui est lancé. Nous devrons trouver des majorités sur chaque texte. Nommer un Premier ministre qui rassemble s’annonce complexe. Il faudra peut-être se tourner vers la société civile avec un gouvernement technique."

On a besoin de se mettre au travail sérieusement et d’avancer sur la question de l’accès à la santé et de la souveraineté industrielle et agricole. Il faut aller vers le consensus, le compromis."

Quels projets locaux porterez-vous en priorité ?

"Tout d’abord, il y a la question de la santé sur laquelle il faut avancer, mais aussi sur les moyens donnés aux collectivités. Je vais également continuer à m’investir sur l’emploi et sur le pouvoir d’achat. Je souhaite continuer à être accessible et disponible pour les gens. Parfois, certaines rencontres nous apportent de nouveaux sujets à traiter. Dès septembre, je vais redémarrer un tour des communes pour combler ce besoin de réponses."

Jorys Bovet (RN), député de la 2e circonscription de l'Allier

Comment s’est déroulée votre campagne ?

"Je ne peux que me réjouir de la décision des Bourbonnais qui ont répondu en masse dans les urnes et voté pour moi. L’écart de voix plus important en ma faveur montre qu’un minimum de travail a été effectué ces deux dernières années. Je rencontre les gens, réponds à leurs problèmes, même si je le fais de manière discrète. Je le constate quand je distribue des tracts, les gens sont contents de nous rencontrer et la parole se libère. C’est toujours agréable quand on voit leur engouement, très flatteur quand on dit qu’on croit en nous. Je parlais dès le départ d’une triangulaire dans la deuxième circonscription de l’Allier, donc ce n’était pas une surprise. Je ne suis pas encore un professionnel de la politique, mais je peux imaginer ce qui va se produire, comme la dissolution, qui représentait une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Au Rassemblement national, on la demandait assez régulièrement, on ne voyait pas comment ça pouvait continuer ainsi. On avait dit qu’on reviendrait plus nombreux et c’est le cas, c’est une bonne chose. Je n’ai pas ressenti d’hésitation à repartir en campagne, c’était une évidence : mon mandat n’était pas terminé, j’ai des dossiers en cours, des gens qui comptent sur moi."

Que pensez-vous de cette nouvelle Assemblée nationale ?

"Les Français ont cru à un mirage, mais quand vient le moment de gouverner, chacun tire la couverture à soi. L’Assemblée n’a pas encore ce côté de travailler intelligemment, avec tout le monde. La représentation nationale doit travailler dans l’intérêt des Français, comme le fait le RN. Et ce n’est pas dans l’intérêt de la Nation de faire du surplace. Alors que c’est le risque, là, pendant un an, voire de reculer sur certains sujets."

Quelles perspectives se dégagent pour les prochains mois à l’Assemblée ?

"On va se retrouver entre députés du Rassemblement national, ce jeudi matin, pour accorder tous les violons. On suggéra des noms pour la présidence de l’Assemblée, on verra ce qui circule… Le RN devra peser de tout son poids. Nous sommes le premier parti d’opposition, dans un esprit constructif, pour aller dans le bon sens."

Dans l’Allier, on prend les mêmes et on recommence, même si ce n’est pas passé loin dans la circonscription de Moulins. Je laisse la porte ouverte pour travailler pour le territoire avec les autres députés du département, mais c’est toujours pareil, certaines personnes restent dans le sectarisme. Je plains les Bourbonnais qui vont faire face à une situation d’immobilisme."

Quels projets locaux porterez-vous en priorité ? 

"Je vais continuer à suivre les dossiers du transport, de la santé, du numérique ; si ça va dans le sud de la circonscription, c’est plus compliqué dans le nord. Mais aussi l’agriculture : les exploitants sont les grands oubliés de cette dissolution, puisqu’ils ont reçu des promesses, mais que tout a disparu. Je suis aussi interrogé sur le dossier de la mine de lithium dans l’Allier. Je suis plutôt favorable au projet. On s’oriente vers la fin des moteurs thermiques, mais il faudra bien continuer à vivre, à se déplacer en voiture, encore plus en ruralité. Cela permettra en plus de mettre un coup de projecteur sur le territoire. Et au national, je pense au pouvoir d’achat, à l’insécurité… Nous avons déjà mis plusieurs thèmes sur la table ces deux dernières années, critiqués car venant du RN, mais qui ont finalement été repris. Certains sont encore trop déconnectés de la réalité."

Nicolas Ray (LR), député de la 3e circonscription de l'Allier

Comment s’est déroulée votre campagne ?

"La dissolution a été un vrai choc, mais j’ai aussitôt réuni mes proches pour définir une stratégie et repartir en campagne. J’ai aussi appelé mon imprimeur, parce que contrairement à mon adversaire du RN, mes documents ne venaient pas de Paris… Et dès le lendemain de la dissolution, j’étais sur le marché, au Mayet-de-Montagne, pour rassurer et confirmer que j’étais bien candidat. Il y avait une vraie pression du temps et c’est sûr que le fait d’être sortant m’a aidé. Après, j’ai tracé ma route sans me préoccuper des autres candidatures. J’ai préféré défendre mon bilan. On ne choisit pas ses adversaires, la seule chose qui m’a dérangé, c’est ce candidat RN un peu fantôme qui ne met pas son visage sur les affiches et qui refuse les débats. Ça, c’est un peu déroutant, nouveau en tout cas. J’ai plus eu l’impression de faire campagne contre Bardella que contre un candidat aux législatives. Ensuite, au soir du premier tour, j’ai été très honoré de dépasser les 40 %. Mais que le RN soit aussi proche, ça m’a surpris, je l’attendais plutôt aux alentours des 35 %. J’ai voulu rester vigilant, modeste et concentré entre les deux tours. Ensuite, j’ai pu noter que l’élan républicain a bien fonctionné. J’ai désormais un sentiment de responsabilité, avec la volonté de rassembler et de respecter l’électorat."

Que pensez-vous de cette nouvelle Assemblée nationale ? 

"En ce qui me concerne, j’ai intégré le groupe de Laurent Wauquiez, La Droite républicaine, qui devrait compter entre 45 et 50 députés. C’est une très bonne idée d’avoir changé de nom. En ce qui concerne le parti LR, des procédures juridiques sont en cours et des décisions sont attendues en octobre. Éric Ciotti est complètement minoritaire et tout ça va se décanter. Quoi qu’il en soit, si quelqu’un doit partir, c’est lui. Il faudra ensuite refonder notre mouvement politique, avec un nouveau nom et de nouvelles méthodes. En ce qui concerne l’Assemblée, personne n’a vraiment gagné ces élections. Le NFP, comme le RN, sont très loin d’une majorité absolue et le NFP est très divisé."

Nous avons donc une Assemblée morcelée, ce qui est l’inverse, selon moi, de ce que souhaitait le président en dissolvant. Ça va nous obliger à composer, à travailler sur le fond, à trouver une majorité texte par texte. Ça va être compliqué parce que les extrêmes se sont renforcés."

Quelles perspectives se dégagent pour les prochains mois à l’Assemblée ?

"J’espère que mes collègues députés, en tout cas à gauche, seront plus dignes que dans la précédente mandature. L’élection de la présidente ou du président de l’Assemblée sera un moment très important et je souhaite que ce soit quelqu’un qui respecte nos institutions, serein, respectueux et qui dirige les débats avec autorité."

Quels projets locaux porterez-vous en priorité ? 

"Je reste attaché à certains dossiers qui ont déjà bien avancé depuis deux ans, comme le contournement nord-ouest de Vichy, le nouveau bâtiment de l’hôpital, le commissariat, le palais de justice ou la gendarmerie du Mayet. Après, il y a aussi deux dossiers que je vais remettre sur la table. D’abord, le handicap et l’autisme ; on manque cruellement de structures. Ensuite, la fracture numérique. On voit bien que la ruralité a poussé un cri de colère. On ne peut pas téléphoner dans le bourg de Trézelles, par exemple. Il y a aussi beaucoup de frustration autour de la fibre. Il faut mettre les bouchées doubles sur ces sujets, on n’avance pas assez vite."

Propos recueillis par Aubin de Maréschal, Julien Pépinot et Matthieu Perrinaud

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