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Valérie Pécresse : "Après les JO, les Franciliens verront qu'on a amélioré leur quotidien"

Valérie Pécresse :

De ses bureaux de Saint-Ouen, maintenant que le chantier est achevé, Valérie Pécresse admire la vue : "Des arbres et des pistes cyclables, sourit-elle. Quand on se souvient comment c’était avant, c’est spectaculaire." Dans l’ensemble de la région Ile-de-France, qu’elle préside depuis 2015, d’énormes projets ont été accélérés pour répondre aux besoins en transports, en équipements sportifs de qualité, en logements exigés par l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Autant d’infrastructures qui resteront en héritage de cet événement.

L’Express : La Région Ile-de-France a été très impliquée dans l’organisation de ces Jeux olympiques de Paris 2024. Quel effort financier a été consenti ?

Valérie Pécresse : D’ores et déjà, la Région Ile-de-France est la grande gagnante des JO, et l’héritage pour ses habitants sera réel. Nous avons investi 500 millions d’euros, dont la moitié est financée par la Région et l’autre moitié par les visiteurs, via des tarifs spéciaux dans les transports. Cela permettra de couvrir une partie des surcoûts liés à la hausse de 15 % de l’offre de transports pendant les Jeux, aux 150 navettes gratuites de bus, aux centaines de minibus mis à disposition pour les personnes handicapées, à la création d’une signalétique ad hoc, aux 50 000 cartes de transport gratuites attribuées aux forces de l’ordre venues du reste de la France. Nous avions besoin de nouvelles recettes car le Cojo [NDLR : Comité d’organisation des Jeux olympiques] n’a pas pu financer la gratuité des transports, faute de budget. Cela m’a valu beaucoup de critiques, mais je ne voulais pas faire payer une "dette JO" aux Franciliens l’an prochain. Les places pour assister aux épreuves sont parfois très chères, l’hébergement aussi. Il était normal de ne pas privatiser les profits et socialiser les pertes.

Côté transports, qu’est-ce que les JO ont permis de réaliser ?

A vrai dire, aucune infrastructure de transports ouverte cette année n’a été décidée spécifiquement pour les JO. Mais ils nous ont donné une date butoir à ne pas dépasser. C’est ainsi que la ligne 14 va constituer la nouvelle épine dorsale nord/sud des voyageurs en Ile-de-France : depuis le 24 juin, elle relie Saint-Denis Pleyel à l’aéroport d’Orly. D’ici à 2025, elle transportera 1 million de voyageurs par jour.

Le RER E, lui, sera le nouvel axe fort est/ouest de la région. En allant désormais jusqu’à La Défense, il va en plus désaturer les RER A et B de l’ordre de 10 %. Ce sont de vrais changements dans la vie des Franciliens mais aussi des habitants de communes périphériques comme Dreux ou Montargis, qui bénéficieront de ces nouvelles dessertes aéroportuaires. Signalons aussi le prolongement de la ligne 11, dans les temps, tout comme celui du tramway 3b jusqu’à la porte Dauphine. On gagne un temps fou ! La Défense n’est plus qu’à quarante minutes de Chelles au lieu de 55 minutes, et à 10 minutes de Gare du Nord. Le quartier d’affaires est désormais mieux connecté au Thalys et à l’Eurostar. Cela pourrait favoriser une reprise du marché du bureau dans le secteur, aujourd’hui en difficulté.

Avec l’arrivée des Jeux paralympiques, nous avons aussi accéléré la mise en accessibilité des stations : 95 % du trafic des trains et RER, 240 gares au total, sont désormais adaptés pour les personnes handicapées. Le résultat d’un investissement total de 2 milliards d’euros en dix ans. Sans les Jeux, ces projets n’auraient pas abouti avant 2026, vu les difficultés budgétaires de l’Etat. Pour les cyclistes, nous avons par ailleurs créé un réseau interconnecté de pistes en banlieue de 415 kilomètres au total.

Et en termes d’équipements sportifs et infrastructures sportives ?

L’Ile-de-France est la région métropolitaine la plus jeune après les Hauts-de-France. Et pourtant, c’est aussi la plus sédentaire, compte tenu de ses activités tertiaires : un tiers des Franciliens passe plus de 7 heures par jour assis. Nous avions un retard à rattraper en la matière et depuis mon arrivée à la présidence de la région il y a huit ans, nous avons engagé la rénovation de 2 600 équipements sportifs, dont les deux tiers en grande couronne.

Grâce aux Jeux, une centaine de bassins de natation ont été construits, dont 33 en Seine-Saint-Denis où un collégien de sixième sur deux ne sait pas nager. En Seine-et-Marne, le centre nautique de Vaires-sur-Marne sera magnifique. A Bobigny, le Prisme deviendra un grand centre handisport. Nous avons aussi financé à hauteur de 42 millions d’euros la rénovation du CREPS Ile-de-France [NDLR : Centre de ressources d’expertise et de performance sportive] à Châtenay-Malabry, une infrastructure de très haut niveau.

Quel sera l’héritage en matière de logements ?

Entre le Village olympique et le Village médias, ce sont 4 000 logements qui ont été construits en sept ans alors qu’avec la procédure normale il en aurait fallu quinze. Mon rêve serait que cette simplification olympique soit prolongée ! Nous avons travaillé sur la division par deux des émissions de CO2 des constructions neuves, en recourant à des matériaux biosourcés, recyclés, à du béton carbone. Les chantiers ont été exemplaires, un véritable terrain d’innovation. Cela a été un déclencheur de bonnes pratiques pour le secteur du BTP.

Nous avons également procédé à des aménagements urbains considérables, avec la suppression de coupures urbaines comme l’enfouissement de 15 kilomètres de lignes haute tension à Saint-Denis. Par ailleurs, nous avons enfin redonné une vie à la colline d’Elancourt, en réalité une colline de déchets. Ce sont 20 hectares renaturés, réhabilités en bord de Seine.

Quel impact en attendez-vous sur l’activité en Ile-de-France ?

En termes d’attractivité économique, on voit déjà des résultats avec l’implantation durable d’une centaine d’entreprises, dont les deux tiers en dehors de Paris. Nous serons aussi durant ces Jeux une vitrine d’innovation - et là, c’est une idée que j’ai empruntée aux organisateurs des JO de Tokyo – en matière de technologie hydrogène : 1 000 taxis à hydrogène seront déployés, avec des stations de recharge implantées un peu partout. Nous aurons en plus une innovation spectaculaire à présenter, avec le taxi volant électrique à décollage vertical. Le Volocopter pourrait remplacer des hélicoptères, comme ceux utilisés pour le transport sanitaire.

En observant ce qui s’est fait lors des précédentes éditions olympiques, quelles autres idées avez-vous retenues ? Quels écueils, au contraire, avez-vous cherché à éviter ?

J’ai été impressionnée par l’idée de Londres de requalifier les bords de la Tamise. Mais ce qui a été décevant lors de ces JO de 2012, et encore plus à Rio en 2016, c’est l’absence de desserte en transports en commun. A Paris, nous aurons les premiers Jeux accessibles à 100 % en transports en commun, décarbonés. Tokyo aurait pu prétendre à ce titre, mais la compétition s’est déroulée sans spectateurs à cause de la pandémie de Covid. Nous serons les premiers à le faire, c’est une grande fierté.

Y a-t-il des projets que vous n’avez pas pu mener à bien ?

Mon seul regret, c’est de ne pas avoir vu aboutir avant les JO le projet du CDG Express, bloqué un an et demi au tribunal à cause des recours. Cette ligne permettrait pourtant d’améliorer le trafic du RER B, aujourd’hui trop souvent perturbé par les nombreux voyageurs avec bagages, qui ralentissent le trafic. Une grande partie des retards vient aussi des quelque 400 colis abandonnés chaque année. Le CDG Express ne devrait pas voir le jour avant 2027.

Comment voyez-vous la suite ?

Les JO ont clairement été un accélérateur en matière de transports urbains, d’infrastructures sportives et de logement. Ces chantiers auraient été réalisés, mais sans doute pas aussi vite et pas aussi bien. Je sais que cela a été dur de vivre avec tous ces travaux, j’ai vécu aussi et pris la mesure de ces désagréments au quotidien dans les transports. Mais en septembre, les Franciliens vont voir que nous avons amélioré leur quotidien, pour beaucoup d’entre eux. Tous ces projets ont été menés à une vitesse incroyable. Il y a encore plein de projets dans les tuyaux, comme la ligne 15, entre Pont de Sèvres et Saint-Denis Pleyel, ou les lignes 16 et 17, qui relieront Saint-Denis Pleyel à la ville du Bourget. Il ne faut pas perdre le rythme.

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