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Un été littérature – 6) L’univers des contes

Après la littérature classique, l’écriture épistolaire, et le théâtre, changeons un peu de registre avec cette fois, les contes. Par Johan Rivalland

La Plus Précieuse des marchandises : Un conte, de Jean-Claude Grumberg

Je n’avais encore jamais lu Jean-Claude Grumberg. Il était temps, quelle découverte ! Et quelle écriture ! Je ne manquerai pas de m’intéresser à ses autres écrits.

L’entrée en matière est originale. Sous forme d’humour léger… Mais on tombe vite dans la terrible réalité.

Le choix du conte permet d’évoquer l’horreur avec délicatesse, tout en naïveté apparente. Celle de l’univers de l’enfance, en s’adressant bien sûr à des adultes.

À l’origine, le conte est généralement cruel. Il l’est d’autant plus lorsqu’il évoque une certaine réalité. Faisant mine qu’il n’en soit rien.

Sans omettre quelques touches d’espoir, de beauté, d’amour, de fraternité… au beau milieu de l’horreur, la misère, la cruauté, l’impuissance, la méchanceté, la perte d’humanité.

Je n’en dis pas plus. C’est magnifiquement écrit, c’est plein de délicatesse, de pudeur, de subtilité, pour évoquer avec force un sujet ô combien douloureux et pétri d’abomination.

— Jean-Claude Grumberg, La Plus Précieuse des marchandises : Un conte, Seuil, janvier 2019, 128 pages.

 

La parure et autres contes cruels, de Guy de Maupassant

L’humain et sa terrible condition. Qu’il soit question de hasard de la naissance, de difficultés financières, de tristesse, de misère, d’envie, de prétention, de méchanceté ou au contraire d’attitudes plus volontaires, on échappe difficilement à sa condition. Et y prétendre est s’exposer à éprouver des déceptions, de vives désillusions, voire des catastrophes.

Ces cinq nouvelles courtes, bien dans l’esprit et la condition du XIXe siècle, ont toutes en commun une issue bien cruelle. Aux maigres espoirs d’améliorer son sort répond une chute brutale, qui plonge ces personnages dans la stupeur ou un état d’ingratitude qui les rattrape.

Cinq nouvelles réalistes, servies par le talent de Guy de Maupassant, qui peuvent permettre de réfléchir à sa propre condition et de tenter de l’aborder peut-être avec plus d’humilité et de recul, voire à mieux dominer ses passions, en adoptant un regard plus positif et volontaire sur sa vie et sur son temps.

— Guy de Maupassant, La parure et autres contes cruels, Folio Junior, 96 pages.

 

Le libraire de Sélinonte, de Roberto Vecchioni

Voici un livre qui me paraissait très prometteur et m’attirait, car il partait apparemment d’une bonne idée. La couverture elle-même me donnait très envie de l’acquérir.

L’univers est celui des livres, ce qui n’était pas pour me déplaire. L’histoire d’un libraire féru de lettres et incompris. J’en avais lu une critique intéressante dans une revue. Tout semblait donc en place pour passer un bon moment.

Malheureusement, j’ai été déçu par cette lecture, sans doute en raison de mes attentes. Il me semble que c’est une très bonne idée, mais pas exploitée comme je l’aurais aimé.

L’univers est un peu étrange, celui d’un conte, qui relève probablement du domaine poétique. Mais je ne suis pas vraiment amateur de poésie (qui manquera d’ailleurs malheureusement à cette série… même si j’aurais aimé présenter ceux de ma chère maman, qui s’est vu attribuer plusieurs centaines de prix dans cette catégorie, de même que dans les contes justement, mais n’a jamais cherché à les faire publier).

Les références littéraires utilisées ne m’ont pas paru non plus les meilleures. C’est presque mieux adapté pour une littérature jeunesse, en définitive.

Mais il ne s’agit là que d’un avis personnel et je souhaite que d’autres apprécient cette lecture à sa juste valeur. Je n’ai, tout simplement, sans doute pas su l’apprécier autant qu’il le méritait.

— Roberto Vecchioni, Le libraire de Sélinonte, Editions du Rocher, 121 pages.

 

La maladie des doigts écartés, d’Ernest Pérochon

Changement complet de registre, et de taille, puisqu’il ne s’agit pas d’un livre, mais d’une simple mise à l’honneur d’un conte de ma jeunesse qui m’a marqué et que j’ai particulièrement apprécié, qui se trouvait dans mon livre de lecture d’élève lorsque j’étais en classe de CE2 ou CM1.

Cette histoire est celle de Patoche, un jeune valet bien fainéant qui préfère dormir et se reposer que de s’abîmer à la tâche (après tout, c’est un enfant… et il a certainement d’autres préoccupations en tête. Mais vous connaissez, comme moi, les vertus de l’éducation…), et l’époque n’était pas la même…

Un matin, il feint comme à son habitude des maux divers (de ventre, de tête, etc.) qui l’empêchent de pouvoir aider aux travaux de la ferme. Pour finalement prétexter qu’il a « les doigts comme du bois ».

Qu’à cela ne tienne ! Son patron, ne s’en laissant pas conter, décide de l’emmener consulter le médecin.

À malin, malin et demi, le médecin fait mine de connaître cette maladie, une maladie bien triste : « la maladie des doigts écartés ». Il convient de poser un petit appareil de l’invention du médecin : des sortes de petites attèles en anneaux, qui relient les doigts entre eux, les empêchant de se mouvoir.

Patoche se rit du bon tour qu’il pense avoir joué à son patron, ainsi qu’au médecin… Mais rira bien qui rira le dernier. Et Patoche va s’en mordre les doigts (si l’on peut dire). Jusqu’à supplier le médecin, moqueur, de lui retirer ces bagues véritablement handicapantes. Patoche était à présent guéri et devint plus tard le meilleur des valets, puis un excellent patron.

À chacun, ensuite, de comprendre la morale derrière cette histoire…

— Ernest Pérochon, La maladie des doigts écartés

 

La petite fille aux allumettes, d’Hans Christian Andersen

Voici le conte qui m’a le plus marqué et bouleversé au cours de mon enfance. Et qui, certainement, garde des effets sur ma personnalité. À ce titre, il méritait de figurer ici.

Quelle tristesse sans pareille que cette pauvre petite fille pieds nus lors qu’il neige, contrainte de vendre des boîtes d’allumettes sans oser rentrer chez elle de peur d’être battue par son père si elle revient bredouille.

Quelle tristesse à l’idée que les gens passent par là sans vraiment la voir, l’atmosphère de veille du jour de l’an étant plutôt à la préparation d’une belle fête familiale, où les mets les plus délicats se succéderont, tandis qu’elle-même a l’estomac désespérément vide.

Et quelle tristesse que ces très brefs instants d’émerveillement qui se succèdent, éphémères, à l’apparition des visions que la jeune fille a en craquant, en désespoir de cause, les quelques allumettes dont elle dispose, lui procurant une dernière lueur de bien-être qui, en réalité, n’est que le franchissement des quelques laps de temps qui précèdent la mort.

Le lendemain matin, ceux qui passeront par-là trouveront le pauvre petit corps sans vie… sans imaginer les instants d’immense joie que la petite aura vécu à sa dernière minute, lorsqu’elle rejoint Dieu au bras de sa défunte grand-mère, venue la chercher.

Un conte qui vous laissera sans voix.

— Hans Christian Andersen, La petite fille aux allumettes, Flammarion.

 

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À lire aussi :

  • Un été littérature – 1) Grands classiques de la Littérature
  • Un été littérature – 2) Littérature épistolaire
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