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Entre vallée de la Vézère et de la Dordogne, forêts minérales et vestiges préhistoriques, valeurs sûres du tourisme souterrain

Entre vallée de la Vézère et de la Dordogne, forêts minérales et vestiges préhistoriques, valeurs sûres du tourisme souterrain

Aussi nombreuses que diverses entre Dordogne et Lot, les ambiances souterraines attirent de nouveau le public, avec la promesse d’un dépaysement à moindres frais. Naturelles ou ornées, les grottes sont aussi de précieux outils de vulgarisation scientifique.

Chaque fois qu’il venait en France, ce responsable malien du jumelage entre Brive (Corrèze) et Sikasso (Mali) ne ratait jamais une occasion de descendre dans le gouffre de la Fage.

Pour cet homme venu des terres subsahariennes d’Afrique de l’ouest, une plongée dans les galeries profondes de 25 mètres, dans le Causse corrézien, était une façon d’approcher cette « Terre-mère », à la fois source et soutien de l’humanité.

Peut-être plus qu’ailleurs, les grottes des vallées de la Vézère et de la Dordogne, ont, depuis la nuit des temps, un rapport privilégié avec l’homme. Elles lui ont servi d’abris, de foyers, de refuges, peut-être de sanctuaires. Elles sont aussi source de légendes, comme le gouffre de Padirac (Lot), surnommé le Trou du diable, longtemps associé aux bouches de l’Enfer.

Tout a changé au tournant du XXe siècle, avec l’exploration, puis l’organisation de visites touristiques. Aujourd’hui, Padirac, près de Rocamadour, a des allures de locomotive touristique pour le département du Lot.

Fréquentation record pour Padirac en 2023

Revendiquant le titre de premier site du patrimoine naturel souterrain en Europe, son exploitant a enregistré, en 2023, une fréquentation record de 525.000 visiteurs, émerveillés par la salle du Grand dôme et sa voûte qui culmine à 94 m, ou son lac de la Pluie.Padirac ; photo Stephanie Para.

Loin des plages, loin des montagnes, cette activité touristique se porte bien. C’est en tout cas l’avis de Ghuilem Cledel, jeune maire de Montvalent (Lot), directeur de la grotte de Pech Merle, et à la tête de la Fédération française du tourisme souterrain. Elle réunit 80 % des sites nationaux, répartis dans 32 départements, mais aussi en Suisse et en Belgique.

Lors de son congrès en 2023, la fédération a fait état de six millions de visiteurs par an et d’une fréquentation en hausse de 6 % par rapport à l’année précédente.

Par nature, c’est un tourisme saisonnier, explique le responsable. Le pic, c’est durant l’été, mais nous enregistrons des hausses de visites au printemps et en automne. Les années Covid ont été compliquées, mais on a renoué avec le niveau d’avant la crise sanitaire.

L’attrait pour le monde souterrain semble avoir retrouvé du dynamisme, après un décrochage entre le début des années 1990 jusqu’au milieu des années 2000. Les parcs d’attractions, les festivals, le patrimoine bâti ont fait de l’ombre aux grottes qui, par nature, ne sont pas des produits touristiques qu’on peut redimensionner du jour au lendemain.

"On revient à une sorte de pureté originelle, estime Guilhem Cledel. Beaucoup de sites ont travaillé sur l’éclairage, avec une mise en valeur plus naturelle".

Un bon outil de vulgarisation scientifique

Les exploitants, majoritairement privés, tentent de rester sur un chemin de crête, entre nécessité de faire du chiffre d’affaires et les impératifs de conservation. Une grotte, naturelle ou ornée, constitue un bon outil de vulgarisation scientifique.

Si la Dordogne et le Lot concentrent autant de cavités, c’est parce que ces départements sont au cœur d’un massif karstique. Sur des millions d’années, la circulation de l’eau a creusé le calcaire. L’une des illustrations les plus spectaculaires, c’est peut-être la grotte du Grand Roc, près des Eyzies (Dordogne), un site qui fête cette année le centenaire de sa découverte.Dans la grotte du Grand Roc.

À la sortie de la capitale mondiale de la préhistoire, une falaise blanche domine la rivière Vézère. "Il y a soixante millions d’années, on était sous l’océan", détaille Guillaume, un des guides.

C’est l'océan qui a creusé la cavité à mi-falaise. Les concrétions sont venues après, façonnées sur quelques milliers d’années. L’eau de pluie a traversé le plateau, s’est chargée en carbone en passant par les racines de la végétation.

Aux groupes, 25 personnes maximum, il décrypte les paysages souterrains qu’on approche de manière presque intimiste. Ici, pas de grande salle, de lac souterrain ou de voûte remarquable ; le plafond est bas, le chemin de passage étroit au milieu d’une véritable forêt minérale miniature.

Une garantie de dépaysement à moindre coût : des coulées de calcite, des stalactites, des stalagmites, des triangles de calcite, assez rares dans les grottes ouvertes au public ; ou encore des "excentriques", comme cette concrétion ressemblant à une fleur de chrysanthème ; ou celle-ci en forme de croix, cassée en douze morceaux, "réparée" en laboratoire et remise en place au milieu des années 1990 ; dans un recoin, l’éclairage met en valeur une curiosité dans laquelle l’esprit humain reconnaît une miniature de la statue antique la Victoire de Samothrace.

Toujours l’intérêt pour les vestiges préhistoriques

Ces témoignages minéraux ne sont pas les seuls à avoir été conservés dans ce monde souterrain, où le temps dure longtemps, baigné d’une température et d’une humidité relativement stables. Souvent, les grottes de la vallée de la Vézère gardent ou veillent sur nos origines.

La technologie permet de s’immerger dans la reproduction fidèle de la célèbre grotte, de ses peintures et gravures vieilles de plus de 20.000 ans. Une visite dite prestige se fait à la lueur d’une torche, un moment hors du temps.

À ceux qui, malgré tout, préfèrent un témoignage authentique, il ne reste qu’une solution. Près des Eyzies, la grotte de Font-de-Gaume, sanctuaire paléolithique, abrite plus de 230 figurations gravées ou peintes, vieilles de 15.000 ans avant notre ère. Un nombre réduit de visiteurs y est autorisé.

Les animaux aussi

Il n’y a pas que l’homme qui a laissé ses traces dans le monde souterrain. Le gouffre de La Fage, à Noailles (Corrèze), est un royaume pour les chauves-souris. Selon l’année, de 6.000 à 14.000 individus, répartis en une dizaine d’espèces, occupent la partie au-delà du circuit des visites. À la nuit tombée, leur sortie de la cavité, pour aller chasser les insectes, est, paraît-il, spectaculaire.

Les cavités sont aussi des pièges naturels. Juste avant le retour vers la surface, le visiteur du gouffre de la Fage passe près de fouilles qui ont mis à jour des restes de rhinocéros laineux, de lion ou d’ours des cavernes, de mammouth…

"Chaque grotte est unique et cette diversité est une force

, se félicite le président de la Fédération du tourisme souterrain. Rares sont ceux qui passent leurs journées à visiter des cavités. C’est très souvent une étape, après la découverte d’un château, d’un parc de loisirs, un parcours de canoë, une visite souvent déclenché par la météo : "Quand il pleut ou s’il fait très chaud, on enregistre davantage de visiteurs", convient Guilhem Cledel, qui ne sait pas quel sera l’impact du réchauffement climatique.

Si la température extérieure grimpe, celle des grottes fera de même, avec le risque de voir des algues se développer. Le phénomène est déjà surveillé de près.

Eric Porte

Réservations. Pour éviter d’attendre sur place pour une visite, les exploitants des grottes ouvertes au public conseillent de réserver un créneau en ligne, sur leurs sites internet. Ils proposent des visites libres, avec des audioguides ou des visites guidées. Les tarifs et la durée sont très variables, jusqu’à 22,50 euros par adulte au gouffre de Padirac. Généralement, le week-end, la fréquentation est moins forte qu’en semaine.

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