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Au Crédit municipal de Lille, le prêt sur gage fait toujours recette

Au Crédit municipal de Lille, le prêt sur gage fait toujours recette

"Chez ma tante", "au clou"... Derrière ces surnoms qui fleurent Balzac et le Paris populaire, les prêteurs sur gage communaux comme le Crédit municipal de Lille offrent une alternative au crédit à la consommation, immédiate et sans condition de solvabilité.

Cathy, 37 ans, bras musclés et tatoués, est une habituée des lieux: cela fait quinze qu'elle vient "tous les deux, trois mois" déposer un bijou en gage, afin de payer ses courses ou "les travaux pour la voiture".

Mis en place il y a 400 ans sous le règne de Louis XIII afin de lutter contre l'usure, les Crédits municipaux sont les seuls à pouvoir légalement prêter de l'argent en espèces en échange d'un bien de valeur, récupérable à tout moment.

A Lille, l'établissement discret dans une rue calme du centre-ville, a conservé dans ses locaux le fronton historique "Mont de Piété". Fondé en 1610, il est l'un des plus anciens de France.

"Il n'y a pas de dépossession chez nous", martèle Marc Lefevre, directeur du Crédit municipal de Lille. Moyennant des intérêts bien en-deça de ceux du marché, "les clients restent propriétaires de leur bien et peuvent le récupérer jusqu'au coup de marteau".

Les objets non récupérés sont vendus au bout de deux ans maximum lors d'enchères légales, mais cela ne concerne que "5 à 10 %" des prêts, explique Marc Lefevre, pour qui le Crédit remplit avant tout une fonction sociale.

"Gager le collier de la grand-mère qui traîne dans un tiroir" permet d'obtenir "un coup de pouce tout de suite, plutôt que d'avoir à se traîner aux pieds de son banquier", estime le directeur.

Dans un petit bureau, Baptiste Portay, commissaire-priseur, s'affaire parmi les balances et les instruments de mesure.

Sur la table et dans les chariots que lui apportent les assesseurs, les bijoux font l'ordinaire des apports.

Mais on y trouve aussi tout un assortiment de trésors de famille hétéroclites : instruments de musique, livres et objets d'art, un havresac de marin sur laquelle des sirènes ont été peintes à la main...

"Robin des bois"

Baptiste Portay juge la valeur de la montre de Cathy Sheck à 400 euros "au marteau", c'est-à-dire aux enchères.

Au guichet, un assesseur lui remet une liasse de deux cents euros, la moitié du prix estimé. La transaction est bouclée en 30 minutes.

"Je vais travailler trois ou quatre mois et je reviendrai la chercher" ainsi que le collier qu'elle a laissé en gage la veille, déclare la trentenaire, qui collecte et trie des métaux pour vivre, et n'a jamais disposé d'un salaire régulier.

Elle part en saluant les employés, qui lui répondent par son prénom.

"Connaître nos clients, c'est indispensable dans notre métier", raconte Marc Lefevre, insistant sur la nécessité d'un accueil "très respectueux" et d'un suivi régulier pour détecter les profils "vulnérables", ou "qui ont du mal à récupérer leur bien".

Ceux-ci sont aiguillés vers des associations spécialisées dans la lutte contre l'endettement et la précarité.

"C'est vrai que j'ai un peu peur qu'on me voie passer la porte", confie Suzanne (qui ne souhaite pas donner son nom). Son mari, chef d'entreprise, attend garé devant le bâtiment du Crédit.

Cette comptable de 44 ans est venue gager des bijoux "pour envoyer de l'argent au pays, il y a eu une urgence", explique-t-elle pudiquement.

Parmi les 4.300 clients passés par le Crédit municipal en 2023, tous ne sont pas dans le besoin : comme Suzanne, beaucoup cherchent simplement un prêt instantané, sans condition et avec un bon taux d'intérêt.

Si l'objet gagé finit par être vendu aux enchères à un prix dépassant l'estimation initiale, le surplus est versé aux dépositaires: sur 135.000 euros réalisés sur la dernière vente, 50.000 ont ainsi été reversés.

"On répond surtout à un vrai besoin, en proposant un service moderne et utile", assure Marc Lefevre. "On n'est pas Robin des bois non plus", tempère-t-il, avant d'ajouter "mais quand même..."

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