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Pierre Michon, Arthur Rimbaud, l’été

Sous le châtaignier au feuillage familier, je relis Rimbaud le fils, de Pierre Michon. Le livre a paru en 1991. L’auteur est un « pays » comme on dit ici, en Limousin...

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Sous le châtaignier au feuillage familier, je relis Rimbaud le fils, de Pierre Michon. Le livre a paru en 1991. L’auteur est un « pays » comme on dit ici, en Limousin. Il est né le 28 mars 1945 au hameau des Cards dans la Creuse. Il a été élevé par sa mère, institutrice, après que son père eut déserté le foyer. Lycéen à Guéret, Chaminadour pour Marcel Jouhandeau, il étudia les lettres à l’université de Clermont-Ferrand.

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Parmi ses récits, durs comme le silex, citons Vies minuscules (1984), Corps du roi (Prix décembre 2002), Les deux Beune (2023). Dans Rimbaud le fils, une question s’impose : « Qu’est-ce qui fait écrire les hommes ? » Les réponses peuvent être multiples. Pierre Michon : « Les autres hommes, leur mère, les étoiles, ou les vieilles choses énormes, Dieu, la langue ? » On pourrait, aujourd’hui, ajouter la perte des valeurs, la disparition de la langue, la mémoire des maquis, le silence de Lascaux ?

Michon développe son approche de l’écriture. Il dit qu’elle est nourrie « de croyance et de magie ». L’écrivain est un magicien qui croit aux puissances de la nature. Il dit encore qu’il ne se met pas à sa table tous les matins. Il attend le texte. L’écrivain n’est pas raisonnable. C’est pour cela, probablement, qu’il a choisi d’écrire sur Rimbaud, le jeune homme qui lâche tout à dix-sept ans, s’esbigne en Éthiopie, revient à Marseille pour subir l’ordalie de la scie sur la jambe. C’est amplement suffisant pour créer le mythe. Il faut cependant toute la précision de la phrase de Michon, tout l’ébranlement tellurique de son style, pour offrir une nouvelle analyse de la saison en enfer du poète de Charleville, hanté par ses visions qu’on ne pourra comprendre qu’au moment du Jugement. Rimbaud savait que la mort était à ses trousses – relire « Le Bateau ivre » – et que la course serait violente et brève.

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Le livre de Pierre Michon est étonnant d’originalité et, osons le mot, de fraîcheur. Sur les rapports entre Arthur et sa mère ; entre Rimbaud et Verlaine, ce Verlaine qui aime « trébucher » ; entre le poète et ses contemporains. Rimbaud n’est pas de son temps ; il est d’un ailleurs qui n’existe pas encore ; il est cet éternel frondeur photographié par Carjat – la séance de photo est subtilement interprétée par Michon. Et puis, il y a ce passage qui résume (presque) Rimbaud et Michon : « (…) la poésie ne peut pas être tout à fait du côté du bien, vu que nos premiers parents quand ils étaient dans le Grand Jardin ne parlaient pas, communiquaient à la mode des fleurs par des abeilles, des messages ailés, et sentirent se délier leur langue seulement après que l’ange leur eut montré la porte (…) ».

Le crépuscule tombe sur le champ aux vaches ; c’est l’heure où le ciel rosit comme les joues de l’enfant qui, soudain, sait.

Pierre Michon, Rimbaud le fils, Collection Folio.

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