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Savez-vous combien de kilomètres parcourent les maîtres des migrations sauvages qui passent en Massif central?

Savez-vous combien de kilomètres parcourent les maîtres des migrations sauvages qui passent en Massif central?

Mus par des forces encore mal connues, d’incroyables voyageurs parcourent des milliers de kilomètres. Ils font en une saison ce qui nous prendrait une vie. Certains dorment et mangent en vol. D’autres se métamorphosent. Les derniers s’accordent la patience de trois générations. Voici leur périples et la cartographie exceptionnelle de leurs itinéraires depuis le Massif central.

Les migrations animales rythment la vie de l’humanité depuis si longtemps qu’elles sont des alertes à son calendrier. Les animaux font des voyages inimaginables à l’échelle de nos capacités humaines. Leurs routes, ancestrales, traversent le Massif central. Distance, résistance, adaptation…Infographie François Mercat

1. Des rivières à la mer

Les plus formidables athlètes inscrivent des records dans l’eau. Anguille, saumon, alose… Quelles aventures?! Le saumon de l’axe Loire-Allier parcourt entre 10.000 et 12.000 km dans une migration entre eau douce, saumâtre et salée.

Sur des cartes postales, on voit parfois d’immenses saumons qui ont pu faire jusqu’à trois fois le voyage pour revenir se reproduire dans le Massif central. Ce sont des femelles qui ont peut-être parcouru plus de 30.000 km en cinq ans?!

« Ces femelles qui ont peut-être parcouru plus de 30.000 km en cinq ans?! » s’émerveille Aurore Baisez, directrice de l’association Logrami, qui œuvre en faveur des poissons migrateurs. On connaît plus mal le voyage de l’anguille, qui remonte jusque dans les mêmes têtes de bassin.Dans l'Allier au niveau du pont de l'A79 de Chemilly. Photo Corentin Garault

Son parcours océanique se perd en mer des Sargasses. Pour effectuer un tel trajet, saumon et anguille sont capables de changer jusqu’à leur nature biologique : se reproduisant en eau salée et grossissant en eau douce.

L’anguille change même de couleur et se métamorphose plusieurs fois au cours de sa croissance : larve plate (leptocéphale), portée par le Gulf stream jusqu’aux côtes européennes, alevin transparent (civelle) sur nos côtes, anguillette brune à l’assaut des bassins versants, puis anguille au ventre jaune, et enfin argentée dans les rivières où elle peut rester 18 ans avant de retourner à la mer.

2. Dans les airs

Pour aller chercher la chaleur ou le froid à contre-saison, il faut franchir des eaux et des montagnes. Les ailes sont un atout qui propulse les oiseaux au palmarès de nos plus grands migrateurs.Hirondelles de fenêtre. Photo Francis Campagnoni  

Nos hirondelles rustiques parcourent entre 5 et 10.000 kilomètres pour celles qui remontent d’Afrique jusqu’en Scandinavie.

Taillées pour des routes immenses rapportées à leurs quelques grammes, leur morphologie les prédispose à la vitesse et aux vols acrobatiques qui leur permettent de se nourrir et de boire, en vol, la rosée ou l’eau des lacs qu’elles rasent bec ouvert.Courlis cendré. Photo Romain Riols  

D’autres oiseaux sont des athlètes en secret. Qui soupçonnerait le courlis cendré (voir infographie) de parcourir 1.300 km d’une traite?? On le voit surtout équipé d’un immense bec et de longues échasses pour fouiller les sols humides?!Baguage d'un Courlis cendré. Photo LPO Aura

3. Vols de nuit

De petits mammifères sont capables des mêmes exploits, mais la nuit?! Parmi les 36 espèces de chauves-souris de France, quatre sont des migrateurs agréés : les noctules (de Leisler et communes), la pipistrelle de Nathusius et la sérotine bicolore.Pipistrelle de Nathusius. Photo FSch  

« Des particuliers qui rénovaient leur toit ont appelé le Groupe mammalogique normand, interpellés par une chauve-souris plus grosse. Cette pipistrelle de Nathusius portait une bague métallique : une femelle adulte déjà capturée en Lettonie en 2014. Elle avait parcouru plus de 1.700 km pour rejoindre la Manche », raconte Mathis Vérité, de l’association Chauve-souris Auvergne.

4. Grands planeurs

D’autres champions ne sont pas des migrateurs saisonniers au sens strict. Plutôt d’étonnants voyageurs. Quelques grands vautours sont capables de couvrir plusieurs centaines de kilomètres en une seule journée. Ils partent en épopées lointaines depuis le sud Massif central.

Ils utilisent leurs ailes immenses comme de grands planeurs, prennent les thermiques ascendants, puis se laissent porter par l’accélération des courants d’altitude, jusqu’à descendre et reprendre l’ascendant suivant. Parcourant sans efforts de grandes distances.

Le mystère plane sur les voyages que quelques jeunes mâles entreprennent : dispersion territoriale, parfois jusqu’à l’océan ou la Méditerranée?? Ils reviennent généralement s’installer près de là où ils sont nés.

Il existe aussi un vautour migrateur, plus petit : le Percnoptère d’Europe. Il passe par le détroit de Gibraltar et va jusqu’à la frontière sud de la Mauritanie et du Mali, soit 5.500 km, en s’arrêtant parfois en Massif central.

5. Chasseurs de cols

C’est un peu la même histoire pour quelques milans royaux. L’espèce est emblématique de la Planèze de Saint-Flour (Cantal) où la LPO suit l’une des plus importantes colonies d’Europe. Une partie est composée d’oiseaux migrateurs qui le resteront toute leur vie. Certains descendent d’Allemagne ou de Suède pour hiverner, les autres glissent vers le sud.Milan Royal. Photo Hervé Chellé  

Leurs migrations suivent un axe nord-est/sud-ouest vers la péninsule ibérique. « Pour les grands planeurs (rapaces, cigognes…), le franchissement des Pyrénées se fait par des cols, en migration diurne exclusivement pour profiter des ascendances thermiques », explique Mathis Vérité, chargé de mission LPO.

D’autres voyagent avant de se sédentariser. « Ils ne se reproduisent pas avant quatre ans, ce qui leur laisse du temps pour visiter de nouveaux territoires. Ces erratiques peuvent ainsi repérer des sites où ils s’établiront quelques années plus tard. Ces “explorateurs” vont assurer un brassage génétique ».

6 . Vagabondages sous GPS…

Le programme Life eurokite a ainsi permis de marquer un vingtaine de juvéniles dont deux explorateurs du printemps 2021.Baguage de milans royaux. Photo M. Vérité / LPO Aura  

Les “explorateurs” vont assurer un brassage génétique. Après un hiver 2021-2022 dans le Cantal, le jeune mâle né à Valuéjols met les voiles le 15 avril 2022, vers le nord : Troyes/Suisse/Besançon… et retour pour un séjour express à Saint-Flour avant de repartir le 11 mai, faire Saint-Dié-des-Vosges/Winterhour/Stuttgart… Mannheim… Puis le Doubs fin juillet. Fin septembre 2022, il migre vers le Pays basque.

 Au printemps 2023, il se relance dans un périple vers le nord-ouest. Sa trace est perdue près de Bregenz en Autriche en juillet 2023.

Diamétralement opposé, un autre mâle, né à Neussargues, documente le comportement typique de la migration prénuptiale : 1.200 km parcourus en quinze jours, d’une seule traite ou presque en faisant halte de nuit, et retour vers les sites de naissance entre février et mars. « Il franchit les Pyrénées par le col de Larrau (1.578 m), puis file sur Zafra (en Estrémadure), via Ségovie et Salamanque. « Malheureusement, son histoire s’arrête au cours de cet hivernage où il va mourir électrocuté par une ligne électrique. »

Considéré comme un « migrateur strict », son cousin le milan noir voyage encore plus loin. « La quasi-totalité des individus vont aller hiverner en Afrique. Traversée des Pyrénées, de l’Espagne, puis de la Méditerranée au détroit de Gibraltar. Ensuite traversée du Sahara…

Le gros de l’hivernage est concentré dans le Sahel », résume Mathis Vérité. « C’est à peu près la même chose pour l’aigle botté, rapace nicheur des massifs forestiers d’Auvergne. Une femelle balisée dans les gorges de la Dordogne, en 2007, nous a permis de la suivre jusqu’à son site d’hivernage, au nord du Nigéria. »

7. Marcheurs à l’état sauvage

À côté de ces formidables périples, les mammifères sont plus limités. Les migrations sont souvent altitudinales, pour aller chercher la chaleur ou le frais selon la saison. Mais quelques loups solitaires sont des champions de la marche à l’état sauvage. Leurs remarquables capacités d’adaptation en font un mammifère dont l’habitat est parmi les plus diversifiés de la planète : nul besoin de migration saisonnière en Europe. Mais il sait voyager.Photo Adobe Stock  

De jeunes mâles en dispersion apparaissent ainsi jusque dans l’Ouest de la France, venus d’on ne sait où. Le plus long voyage connu à ce jour en Europe est celui du loup gris connu comme le mâle M237, né dans les Grisons en 2021. Le collier GPS dont l’avait équipé l’Office de la chasse et de la pêche suisse a tracé son voyage jusqu’en Hongrie (de juin 2022 à mars 2023). Un périple de 10 mois et 1.927 km sur coussinets?!

8. Le grand maître est tout petit 

Il faut l’imaginer papillon. Parmi les migrateurs connus en Auvergne, la Belle dame, le Vulcain et un papillon de nuit, le Sphinx tête de mort…Photo Adobe Stock Ils partent de la zone africaine pour l’Auvergne et parfois jusqu’en Scandinavie. L’aller-retour de ce voyage migratoire se fait en plusieurs générations?! Le parcours : plusieurs milliers de kilomètres.

Anne Bourges anne.bourges@centrefrance.com

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