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Du Massachussetts à Bétête : l'incroyable destin d'un soldat américain de 1917 tombé pour Résistance en Creuse en 1944

Du Massachussetts à Bétête : l'incroyable destin d'un soldat américain de 1917 tombé pour Résistance en Creuse en 1944

Du Massachussetts à Bétête, en passant par Saint-Mihiel et Paris : l’un des Résistants tombés en Creuse à la Libération affiche un parcours hors du commun. Récit.

C’était le 18 juillet dernier. La commune de Bétête commémorait l’un des épisodes les moins connus de la Libération de la Creuse. Mais où apparaît l’un des personnages sans doute les plus originaux de l’histoire locale : Georges Aubrey, ancien Sammy de la Grande guerre devenu francophile par amour, puis Résistant dans le Berry, tué par les Allemands à l’entrée du bourg de Bétête le 18 juillet 1944.

Un Sammy de 1917 tombé en amour pour la France

L’histoire est aujourd’hui détenue par Évelyne, une Bétêtoise qui habite la maison juste à côté de la stèle dite de “l’Américain”. Feu le père d’Évelyne, Jean Villatte, fut un témoin direct de cette journée et a tout couché par écrit. Des érudits de Saint-Amand-Montrond (Cher) avaient ensuite fini le travail de recherche.

Car si Georges Aubrey est mort dans le nord Creuse, c’est d’abord en Berry qu’il a pris le maquis, sous le pseudonyme bien inspiré de "La Fayette". L’Américain épris de Liberté s’engage dans la Résistance lorsque Vichy décide d’expulser les ressortissants d’Outre-Atlantique. Et c’est déjà parce qu’il a été expulsé de Paris au début de l’occupation, qu’il s’est établi à Ainay-le-Vieil, aux confins du Cher et de l’Allier.

Car Georges Aubrey est une figure de la communauté américaine dans la capitale. Durant les années 1930, il préside la section française de l’American Legion, qui rassemble les anciens combattants de son pays à travers le monde. Un numéro du journal L’Illustration le montre par exemple en train de participer en cette qualité aux commémorations à la tombe du soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe.

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Né en 1893 dans le Massachusetts, Georges Aubrey vient de passer la vingtaine lorsque son pays décide d’intervenir dans la Grande guerre où s’enlise l’Europe. Il s’enrôle volontaire en 1917. Et combat dans l’Aisne et dans la Meuse. D’où il tire, une décoration mais aussi une blessure qui l’envoie en convalescence… Durant laquelle il rencontre une petite Française.

Ils sont l’un des nombreux couples mixtes qui se forment alors – une facette méconnue quoique sympathique de la Première guerre mondiale – et se marient à l’automne 1918. Ça ne s’invente pas. Les époux repartent un temps dans le Nouveau monde avant de revenir définitivement en France en 1922. Georges Aubrey monte à Paris une fabrique de fournitures automobiles qui a pour clients Renault ou Citroën, et fonctionnera jusqu’au déclenchement du Second conflit mondial.

Indésirable à Paris puis dans toute la France,il devient le Résistant “La Fayette”

C’est alors que les Allemands commandant la capitale occupée lui font comprendre de façon diplomatique qu’il est devenu « ennemi numéro un dans à Paris ». D’où la retraite au centre de la France. À Ainay-le-Vieil, on le surnomme rapidement mais discrètement “l’Américain”. Il y a ici des bals clandestins. Des parachutages. En 1942, le couple Aubrey héberge aussi trois Canadiens qui ont réussi à s’exfiltrer du débarquement raté de Dieppe (opération Jubilee, 19 août 1942) et qu’ils aideront à quitter la France, via une filière espagnole !

En juillet 1944, Georges Aubrey “La Fayette” est avec un groupe de maquisards qui doivent rallier le nord de l’Allier à la Haute-Vienne. Via le nord de la Creuse donc. Le matin du 18, les hommes partent de Saint-Palais (Allier) pour rejoindre le château de Mérignat, près de Bourganeuf. Ils n’y arriveront pas.

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À la sortie de Nouzerines, un paysan leur indique que des Allemands cantonnent à Bétête. L’un des chauffeurs aurait décidé de traverser la commune quand même. C’est alors que les Résistants tombent sur un bivouac de 150 Allemands. Certains maquisards parviennent à prendre la fuite à travers champs mais Georges Aubrey fait partie des deux victimes.

Il laisse deux enfants, Guy et Norbert, lequel est déjà engagé en Résistance lui-même. Après guerre, ils continueront leurs vies aux États-Unis tandis que les Bétêtois graveront le souvenir de “La Fayette” dans le granit. La famille Villatte donnera même le bout de terrain pour le monument que l’on connaît aujourd’hui.

 

Floris Bressyfloris.bressy@centrefrance.com

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