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Présidentielle américaine : pourquoi Kamala Harris va rapidement se heurter à un mur

Présidentielle américaine : pourquoi Kamala Harris va rapidement se heurter à un mur

Le mois de juillet 2024 est déjà assuré de rester dans l’histoire américaine comme l’un des plus fous de la vie politique des Etats-Unis. A moins de dix jours d’intervalle, un ancien président, Donald Trump, a échappé de quelques millimètres à un assassinat par balles et son successeur a renoncé à une seconde candidature à la fonction suprême en raison d’un débat catastrophique – c’était le 27 juin – qui a révélé au pays ce que la Maison-Blanche cherchait à lui cacher depuis des mois : le déclin physique et cognitif du 46e président, Joe Biden, 81 ans. Si l’on y ajoute la géante panne informatique de Microsoft la semaine dernière et la visite de Benyamin Netanyahou (qui doit s’exprimer devant le Congrès américain cette semaine au moment où la guerre à Gaza fait rage), la séquence donne le tournis.

Certes, le retrait in extremis de Joe Biden a un précédent. Voilà cinquante-six ans, en 1968, le président démocrate Lyndon B. Johnson, qui souffrait de problèmes cardiaques et d’une impopularité sévère en raison de la guerre au Vietnam, a lui aussi décidé de jeter l’éponge. Mais c’était au mois de mars, pas en juillet comme aujourd’hui, ce qui laisse très peu de temps au camp démocrate pour se réorganiser face à la "machine Trump", déjà en tête dans les sondages. La convention du Parti démocrate qui – parallèle troublant – se déroulait à Chicago comme c’est le cas aujourd’hui avait alors tourné à la catastrophe. En novembre, le républicain Richard Nixon avait été élu face au falot Hubert Humphrey.

Joe Biden le 10 juin 2024 à la Maison Blanche
Joe Biden le 10 juin 2024 à la Maison Blanche

Elle est loin d'être la candidate idéale

Depuis hier, se pose la question : qui pour remplacer Joe Biden au pied levé ? Le président a déjà accordé publiquement son soutien à sa vice-présidente Kamala Harris tandis que celle-ci a affirmé qu’elle ferait tout son possible pour unir le camp démocrate et battre Donald Trump. Plus facile à dire qu’à faire. D’une part, la dynamique politique du moment est clairement du côté du Parti républicain, plus soudé, mieux organisé et porté – quoi qu’on en pense – par un candidat à l’énergie phénoménale. Mais surtout, Kamala Harris est loin d’être une candidate idéale.

Comme on le dit aux Etats-Unis, "dans la vie, on n’a qu’une seule chance de faire une première bonne impression." Dans le cas de la vice-présidente, cette chance est depuis longtemps passée. Sénatrice de 2016 à 2020, elle n’a pas laissé de souvenir impérissable. Vice-présidente depuis 2021, elle s’est désintéressée de la tâche – il est vrai difficile – que lui avait assignée Joe Biden : tenter de trouver une solution au problème de l’immigration illégale ou, du moins, faire semblant de s’intéresser au sujet.

Le vote afro-américain n'est pas acquis

L’entourage du président tenait en outre celui de la vice-présidente en piètre estime. Et en privé, nombreux sont les élus et les intimes de Biden qui ne la croient pas capable d’assurer la fonction présidentielle. Sur la scène nationale, ses apparitions publiques n’ont jamais convaincu et elle est jusqu’à présent essentiellement reconnue pour son rire tonitruant qui semble traduire une gêne permanente. De plus, elle n’est pas vraiment parvenue à consolider le soutien du vote des Afro-américains (qui représentent 12 % des électeurs) qui était pourtant la raison d’être de sa promotion par Biden en 2020. Au contraire, Donald Trump a grignoté des "parts de marché" dans l’électorat noir.

Enfin, à l’international, où elle a parfois été envoyée en service commandé par la Maison-Blanche, ses discours n’ont laissé aucune empreinte. Fanfaron, Donald Trump s’est empressé de déclarer qu’elle serait "plus facile à battre que Joe Biden" tandis que l’équipe de campagne "MAGA" (Make America Great Again) a publié sur les réseaux sociaux une vidéo ciblant Kamala Harris afin de l’associer au bilan de Joe Biden et aux mensonges qui ont entouré son état de santé.

Bref, Kamala Harris aura fort à faire pour convaincre les Américains en général et le Parti démocrate en particulier qu’elle est la femme de la situation. Dans les heures, jours et semaines qui viennent, il lui faut impérativement "fendre l’armure", sortir le grand jeu et démontrer en paroles comme en actes qu’elle peut faire mieux que Joe Biden. Or plusieurs instituts de sondages ont déjà mesuré son impopularité, supérieure à celle de Joe Biden. Certes, cela peut changer. Bill et Hillary Clinton lui ont déjà apporté leur soutien, dès l’annonce du renoncement de Joe Biden, dimanche 21 juillet.

L'assourdissant silence du couple Obama

Mais, à vrai dire, l’ancien couple présidentiel ne pèse plus grand-chose… à l’inverse de Barack et Michelle Obama qui se sont prudemment contentés de saluer la grandeur de Joe Biden tout en s’abstenant de se prononcer sur un ou une candidat(e) de remplacement. La très influente octogénaire Nancy Pelosi, ancienne chef de file des démocrates au Congrès – qui aurait joué un rôle important dans l’abandon de son ami Biden – n’est pas davantage séduite par la personnalité de Kamala Harris.

Sur le papier, le retrait de la candidature du président sortant est susceptible de créer une dynamique dans le camp démocrate et ravir le "narratif" à Trump et son équipe. Dans un mois, lors de la Convention démocrate à Chicago (Illinois), tout le pays aura les yeux rivés sur le parti afin de voir s’il est capable de se réinventer. Une chose est certaine : déjà usée par sa vice-présidence, Kamala Harris n’y incarnera pas la nouveauté, mais plutôt la page que les Américains veulent tourner.

Il faudra donc surveiller dès aujourd’hui les dynamiques à l’œuvre dans le camp démocrate pour tenter de voir quel scénario se dessinera d’ici à la convention de Chicago, du 19 au 22 août. Les jeux sont grands ouverts. Et nul ne peut affirmer que l’adversaire de Donald Trump le 5 novembre sera la Californienne afro-asiatique Kamala Harris qui ne dispose au fond que d’un seul atout : une notoriété bien établie. Pour le meilleur et pour le pire.

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