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La Via Podiensis, cet itinéraire vers Saint-Jacques-de-Compostelle le plus fréquenté de France

La Via Podiensis, cet itinéraire vers Saint-Jacques-de-Compostelle le plus fréquenté de France

D’un chemin en pleine campagne, la ville du Puy-en-Velay a fait « sa Tour Eiffel ». Focus sur la via Podiensis (GR 65), l’itinéraire vers Saint-Jacques-de-Compostelle le plus fréquenté de France, qui prend sa source dans la cité mariale.

Du haut de ses 134 marches, Notre-Dame du Puy sonne l’heure de la messe. Les pèlerins, qu’une bénévole de la cathédrale invite à se délester du poids sur leurs épaules à leur entrée dans l’édifice, se joignent aux fidèles, installés au plus près de l’autel. Les visages rougis par les premiers efforts, ils gagnent les bancs, encore haletants. La bénédiction qui leur est consacrée chaque jour à l’aube, leur offre un temps de répit et de recueillement.Reprendre haleine, souffler. C’est la raison qui les conduit sur la via Podiensis, l’itinéraire vers Saint-Jacques-de-Compostelle le plus arpenté de France. La cathédrale du Puy-en-Velay, dont le prêtre retrace brièvement l’histoire, en est le point de départ historique. Des siècles que le monument religieux, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, reçoit des pérégrinants aux sacs à dos chargés d’espoirs.

« Ça fait du monde. Beaucoup de monde. Si bien qu’au XIe siècle, on a agrandi la cathédrale pour accueillir les pèlerins ».

Ils sont une soixantaine en ce jour à assister à la messe célébrée par le père Missonnier. Face à lui, sur ces mêmes bancs, ils étaient 214 le dimanche précédent, 176 le lundi… Les bénévoles de la cathédrale tiennent les comptes avec rigueur et constance. « Tout est consigné dans le registre », confirme Jocelyne, en ouvrant le carnet qui recèle de précieuses statistiques. Elles permettent de mesurer l’engouement grandissant pour le GR 65. D’estimer aussi le nombre d’hosties, d’Évangiles et de médailles qu’il faut fournir à l’issue de la cérémonie religieuse, suivie par la quasi-totalité des marcheurs, croyants ou non.Leur transit par la cathédrale signe - à tort - le début de leur voyage. « C’est la première étape » d’un cheminement intérieur, rectifie le père Missonnier. Celui-là même qui pousse à quitter son foyer, son confort, ses proches pour marcher quelques jours ou plusieurs semaines dans les pas de Godescalc, le premier pèlerin connu de Saint-Jacques de Compostelle (parti du Puy en 951).

Le pèlerinage commence depuis le seuil de sa maison.

En laissant derrière soi ce que l’on affectionne et ce qui encombre. À commencer par les soucis que les marcheurs tentent de mettre à distance.Des centaines, parfois des milliers de kilomètres les séparent de leurs tracas du quotidien. « Ils viennent, renchérit l’aumônier, des quatre coins de la planète ». D’Allemagne, de Belgique, de Suisse, d’Autriche, de Corée du Sud, d’Australie ou encore des Dom-Tom. Parce qu’ils « en ont marre de leur métier, de la vie qu’ils mènent, de tout ! », rapporte Jean-Pierre Marcon, le président des Amis de Saint-Jacques qui recueille les confidences.Tous convergent ici, dans la cathédrale Notre-Dame du Puy. Ils y entrent par le porche et en sortent par un petit escalier intérieur situé face à l’autel, dont les grilles s’ouvrent en fin de messe pour leur montrer la voie. Après quoi, ils font route vers le sud, suivant un même chemin, unique en son genre.La via Podiensis a quelque chose de plus que ses semblables (les voies au départ d’Arles, de Vézelay ou de Tours) ; « quelque chose de mythique », souligne Jean-Pierre Marcon. Elle est chargée d’histoire, riche en services (hébergements, restauration, portage de bagages etc.), jonchée de pépites patrimoniales et de symboles, et surtout inspirante, empreinte de spiritualité.

Une messe est célébrée chaque jour, avant le départ des pèlerins. Photo Vincent JolfreLong de 750 kilomètres, cet itinéraire qui traverse huit départements français, une multitude de charmants villages et la pleine campagne, jouit d’une renommée séculaire que le travail sur son image a popularisée. Les collectivités (Région, Ville et agglomération du Puy), épaulés par les acteurs du territoire, la façonnent depuis plus d’une décennie pour ajouter à la tradition ancestrale un soupçon de modernité.

« On l’a dépoussiérée. Il y a une douzaine d’années, on a identifié un engouement pour l’itinérance douce. On a surfé sur l’idée qu’elle deviendrait tendance et on ne s’est pas trompé. On en récolte les fruits aujourd’hui. C’est long, très long.

Une coquille par ci, une pèlerine de bronze par là, un festival et un trail porteurs de la mention « Saint-Jacques »… c’est toute la cité mariale qui vit, respire et transpire le pèlerinage désormais. La ville du Puy-en-Velay, surplombée sa monumentale statue de la Vierge, n’est d’ailleurs plus un point de départ vers Saint-Jacques-de-Compostelle parmi d’autres. Elle s’est élevée au rang de « capitale du camino français ». La via Podiensis est sa « Tour Eiffel », certifie Emmanuel Boyer.Elle attire chaque année des dizaines de milliers de pérégrinants. Des gens pieux, des étudiants, des femmes surtout, ou encore des aficionados de la randonnée en quête d’un défi sportif à relever ou de beaux paysages à photographier avec leur smartphone.

 La ville du Puy-en-Velay s’est autoproclamée « capitale du camino français ». Photo Vincent JolfreLe téléphone de Marie, une Bruxelloise de 22 ans, restera éteint, au fond du sac. Il n’en sortira qu’en cas d’aléas sur ce chemin « à l’image de la vie ; un itinéraire parfois heureux, parfois rude, où chacun face à soi-même cherche le sens profond de son existence », décrit l’évêque du Puy, Yves Baumgarten, dans le guide de la Credencial qui accompagne les pèlerins dans leur périple.« Le Saint-Jacques, abonde Jean-Pierre Marcon, c’est une retraite, une méditation » dans une nature encore épargnée par l’urbanisation, dont les pèlerins vantent la beauté et la quiétude. À l’écart de la mondialisation et de ses turbulences, le GR 65 est un refuge qui répond, selon sœur Colombe, à « un besoin d’essentiel ». On y chemine à pas lents, avec ses questionnements, ses aspirations et pour seuls effets dans le sac à dos, des fondamentaux. Au fil des kilomètres, « il invite à se délester des choses encombrantes, y compris matérielles, poursuit la religieuse. C’est un test ». A la clé, parfois, une sensation de légèreté. Le GR 65 traverse la Haute-Loire dont les marcheurs vantent la beauté des paysages. Photo O.CLes successeurs de Godescalc ne sont pas en fuite, « ils sont à la recherche de quelque chose, sans savoir quoi ». Certains sont en quête de réponses, d’autres de sens, d’autres encore de tranquillité, de bien-être… « Chacun fait son chemin », rappelle le président des Amis de Saint-Jacques. À sa façon, seul ou accompagné, sur quelques kilomètres ou jusqu’à l’étape ultime.

C’est une chance de pouvoir le faire, saisissez-la ! On a tous besoin de faire un bout de chemin. Il faut sortir, partir, voyager.

S’il séduit tant, c’est aussi pour son authenticité. Fidèle à ce qu’il est, le GR 65 n’est pas pour l’heure dénaturé par le flux de marcheurs qui va croissant, « notamment depuis la pandémie de Covid-19 », note le directeur de l’Office de tourisme, Emmanuel Boyer. Chiffres à l’appui. En 2019, 15.681 pèlerins avaient assisté à la messe. Trois ans plus tard, en 2022, le rectorat de la cathédrale en dénombrait 19.920. L’année suivante, plus de 24.000… Et les bancs de Notre-Dame du Puy continuent de s’étoffer. Mais ici-bas, dans la cité ponote, chacun veille à ce que le précieux chemin de Saint-Jacques de Compostelle ne se transforme pas en autoroute du soleil. 

 

Ophélie Crémillieux

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