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Populisme et violence politique : la dérive américaine qui touche la France, par Jean-François Copé

Populisme et violence politique : la dérive américaine qui touche la France, par Jean-François Copé

Le 13 juillet dernier, sans doute l’avenir de l’Amérique s’est-il joué en Pennsylvanie et à quelques millimètres. La photo poing levé et oreille ensanglantée d’un Donald Trump ayant survécu à la tentative de son assassinat a fait le tour du monde à la vitesse des réseaux sociaux. Pendant quelques heures, l’actualité américaine a sorti les Français de leur interminable cauchemar institutionnel. Une pause qui nous offre non pas un instant de respiration mais un avertissement. Celui d’une Amérique gangrenée depuis huit ans par un dangereux cocktail populiste à base de violences verbales, de remises en cause des institutions et de fake news.

Les derniers mois de campagne l’ont parfaitement illustré. L’ancien président a régulièrement traité avec l’élégance légendaire qui le caractérise son ex-­adversaire Joe Biden de "tas de merde en ruine" devant ses supporters, une "vermine" qui "ment, vole et triche lors des élections". Il va certainement redoubler de créativité, une fois son nouvel adversaire adoubé par le parti démocrate. De quoi poursuivre le récit entamé fin 2020 : celui du vol de la dernière élection par les démocrates. Une contrevérité qui a eu pour conséquence d’entraîner ses militants dans une "marche sur le Capitole" et dans laquelle Donald Trump est toujours enfermé, qualifiant cette élection de "fraude" lors du dernier débat.

En France, depuis 2017, nous goûtons un à un à chacun des ingrédients de ce cocktail explosif. La crise des gilets jaunes a été synonyme d’une remise en cause de la démocratie représentative et s’est, entre autres, soldée par le saccage de l’Arc de Triomphe en décembre 2018 et par une tentative d’intrusion dans un ministère le mois suivant. La crise sanitaire en 2020 a vu fleurir les contrevérités et les théories du complot s’agissant de l’origine de la pandémie, des mesures pour limiter sa propagation ou encore du vaccin – immense succès – qui nous en a débarrassés. Depuis 2022, c’est désormais la ­violence politique qui est omniprésente. Un député d’extrême gauche ne voit ­désormais aucun inconvénient à poser ­fièrement le pied sur un ballon à l’effigie d’un ministre. Des députés d’extrême droite choisissent, eux, de se photographier devant une pancarte sur laquelle est inscrit un "Va faire la soupe, salope" destiné à deux députées écologistes. Au fil des mois, nous nous sommes malheu­reusement habitués à ces excès intolérables. Passé la stupeur, nous les avons intégrés pour que finalement plus rien ne nous choque…

La France victime d'une dérive à l'américaine

Et pourtant, depuis le début de l’année 2024, alors que la situation en France réunit au même instant tous les ingrédients qui risquent de conduire l’Amérique au pire, nous continuons à ignorer les signaux d’alerte. La violence observée lors d’élections législatives marquées par 51 agressions n’a provoqué que de faibles cris d’indignation. Sur les pla­teaux télé, on laisse l’extrême gauche se présenter comme le vainqueur d’une élection à laquelle ses représentants ont à peine obtenu 75 sièges sur 577. Rares sont ceux qui s’insurgent lorsqu’un responsable de La France insoumise propose "une grande marche" vers Matignon, ou encore lorsqu’un syndicat souhaite "mettre l’Assemblée nationale sous surveillance". On laisse les populistes qua­lifier la réélection de Yaël Braun-Pivet au perchoir de "coup de force", de "déni démocratique". On imagine la réaction de cette extrême gauche si une autre ­coalition venait à se dégager pour former un gouve­rnement…

La dérive américaine ne peut pas échapper au regard et à la compréhension des Français : celle de la violence politique poussée à l’extrême. Une violence comme seul moyen d’expression dont l’unique objectif est d’écraser les paroles et les actes de modération venus des ­partis de gouvernement. Comme aux Etats-Unis depuis 2016, tous les ingrédients sont désormais réunis dans l’Hexagone. Le prochain Premier ministre, parce que sa marge de manœuvre législative sera quasi nulle, n’aura finalement qu’une mission et elle est majeure : proposer aux Français une prise de conscience et un retour à l’apaisement avant qu’il ne soit trop tard.

Jean-François Copé, ancien ministre, maire (LR) de Meaux

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