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Lucie Castets à Matignon ? Entre Macron et le NFP, la guerre d’usure continue

Lucie Castets à Matignon ? Entre Macron et le NFP, la guerre d’usure continue

C’est l’énième bataille d’une guerre des nerfs. En soumettant ce mardi 23 juillet à Emmanuel Macron le nom de Lucie Castets à Matignon, la gauche a mis sous pression le chef de l’Etat, accusé de ne pas reconnaître le résultat des dernières législatives. Le président, lui, a balayé la proposition dans la foulée, arguant de l’absence de majorité à gauche pour gouverner. Voilà les deux camps engagés dans un tango sans fin : celle de l’interprétation du verdict des urnes. Si je ne sais pas qui a gagné, comment savoir qui doit gouverner ?

Personne ne l’avait vu venir. La gauche, engluée dans ses divisions, ne suscitait que ricanements ou désespoir. Elle a fini par lâcher un nom. La fumée blanche a émergé ce mardi à 19 heures, sous la forme d’un communiqué du Nouveau Front populaire (NFP). L’alliance des gauches, arrivée en tête aux législatives, "présente" alors à Emmanuel Macron sa "proposition" : nommer Lucie Castets au poste de Premier ministre. Inconnue du grand public, cette haute fonctionnaire, plus proche du Parti socialiste que de LFI, est engagée dans la défense des services publics. Sitôt le nom dévoilé, les injonctions pleuvent. "Le président de la République ne doit plus tergiverser", tonne Jean-Luc Mélenchon. "Macron doit reconnaître le résultat des élections et la nommer", abonde la patronne des Ecologistes Marine Tondelier. Lucie Castests elle-même se projette dans ses futures fonctions, et promet d’y mettre toute son "énergie" et sa "conviction".

"Vous la connaissez ?"

Des semaines d’invectives, pour un dénouement rapide ? Loin d’être un hasard. Emmanuel Macron doit s’exprimer une heure plus tard sur France 2, pour commenter le verdict des urnes et le début imminent des Jeux olympiques de Paris. Il compte défendre à nouveau la formation d’une coalition des forces républicaines dans cette Assemblée nationale ingouvernable, sans majorité claire.

L’annonce de la gauche ? L’Elysée préfère en rire, guère dupe de la manœuvre. "On se réjouit que cette interview ait été utile pour eux", sourit un interlocuteur du chef de l’Etat. Le bloc central est plus partagé. "Vous la connaissez ?", "Une énarque, vraiment une envie de modernité !"… On ironise certes sur ce profil mystérieux aux yeux des Français, sorti du chapeau à la dernière minute. Mais plusieurs élus reconnaissent en parallèle le joli coup stratégique du Nouveau Front populaire, enfin capable d’incarner ses ambitions gouvernementales. "C’est doublement malin sur le timing comme sur le fond, note un député Ensemble pour la République (EPR). Madame Castests est inconnue donc inattaquable". Reste le timing, tardif. "Le 23 juillet, cela met moins la pression qu’il y a un mois, note un cadre Horizons. Les gens sont en vacances, la période des JO démarre."

"Le sujet n’est pas un nom"

Emmanuel Macron reste droit dans ses bottes. Le chef de l’Etat balaye sur France 2 l’hypothèse Castests. "Le sujet n’est pas un nom donné par une formation politique. La question est quelle majorité peut se dégager à l’Assemblée pour que le gouvernement de la France puisse passer des réformes." Dans son intervention, le chef de l’Etat déconstruit le récit d’une victoire de la gauche aux législatives. Elle est le premier bloc avec 193 sièges ? "Le parti qui est arrivé en tête est le RN", corrige-t-il. Elle réclame Matignon au titre de son statut de force principale ? "Elle est à 100 voix de la majorité absolue", tempère-t-il. Lui répète son mantra. Seule une coalition des partis qui ont fait barrage au Rassemblement national peut diriger le pays. Quitte à se faire le ventriloque des Français en donnant une lecture toute personnelle - et conforme à ses intérêts - du front républicain. "Les Français ont donné une responsabilité aux forces qui se sont mises d’accord dans l’entre-deux-tours. C’est de travailler ensemble."

La France avait pris l’habitude d’interroger la légitimité politique de ses dirigeants élus face à l’extrême droite. Elle s’interroge désormais sur le résultat d’une élection vieille de seize jours. Qui a gagné ? Qui peut prétendre gouverner ? Ici, nul consensus. Plutôt une guerre d’usure, faite d’interprétations politiques divergentes et intéressées. La gauche a tiré la première. Sitôt les résultats connus, le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon réclame Matignon et instille le récit d’une victoire des siens.

Impasse à l’Assemblée

Le bloc central encaisse, ses appels à une large coalition se noient dans l’indifférence. "Nous devons bâtir un autre récit", note alors un député EPR. Les divisions de la gauche aident à corriger le tir, comme la reconduction de Yaël Braun-Pivet le 18 juillet, à la présidence de l’Assemblée nationale face au communiste André Chassaigne. "Cela montre qu’il est faux de dire que le NFP a une majorité dans cette Assemblée", a ainsi insisté Emmanuel Macron. La gauche a encaissé une défaite ce jour-là. Qu’à cela ne tienne : elle emporte le lendemain une majorité au Bureau de l’Assemblée - sorte de Parlement du Parlement - et raffermit ses ambitions.

Le choix de Lucie Castets, conjugué à la réplique sèche d’Emmanuel Macron, illustre cette impasse. La balle est toutefois dans le camp du chef de l’Etat. La gauche, malgré ses divisions, est en ordre de marche. Le président peine encore à esquisser la coalition qu’il appelle de ses vœux. La responsabilité pèse désormais sur lui. "Si aucune alternative ne se met en place face au NFP, on devra peut-être se tourner vers eux", s’alarmait récemment un ministre. Le président plaidait pour une trêve olympique lors des JO ? Les devoirs de vacances seront encore plus chargés que prévu.

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