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Nominations aux postes clés de l’UE : le règne du statu quo ?

Les négociations ont lieu tous les cinq ans. Depuis les élections parlementaires qui ont bousculé le paysage politique européen en juin, les États membres doivent nommer de nouveaux représentants aux postes clés de l’UE : présidence de la Commission européenne, du Conseil européen, ministère des Affaires étrangères de l’Union…

Les Conservateurs et réformistes européens (CRE) exclus des négociations

Mais les choses ne se passent pas tout à fait comme prévu : les principaux partis, les chrétiens-démocrates (PPE), les sociaux-démocrates (S&D) et les centristes (Renew Europe) sont accusés de tractations en vue des futures nominations. Le parti des Conservateurs et réformistes européens (CRE), présidé par Giorgia Meloni, et qui a gagné neuf sièges lors des dernières élections, a été exclu des négociations.

Mme Meloni conteste en effet la manière dont les négociations ont eu lieu en amont, en contradiction totale avec le processus de décision européen fondé sur le consensus :

« Aucun vrai démocrate qui croit en la souveraineté populaire ne peut, dans son cœur, considérer comme acceptable qu’en Europe, il y ait eu une tentative de négociation sur des positions de premier plan avant même que les citoyens ne se rendent aux urnes ».

On peut se demander pourquoi le socialiste António Costa, membre d’un parti qui a pourtant perdu des sièges au Parlement, a ainsi été nommé aux fonctions de président du Conseil européen. Le vote des Européens aurait-il une importance marginale dans la nomination des représentants ?

Cette méthode, qualifiée de « maladroite » par certains médias, est tantôt justifiée par le fait que le PPE, les S&D et Renew Europe font partie de la coalition majoritaire ; tantôt justifiée par le fait que le PPE aurait gagné les élections. C’est aller un peu vite en besogne.

Même si le PPE est toujours le majoritaire avec un gain de douze sièges, ce sont bien les partis souverainistes et eurosceptiques qui ont emporté le plus de sièges. On compte 84 sièges de plus pour les Patriotes pour l’Europe, et 25 sièges supplémentaires pour l’Europe des Nations souveraines (ENS), tandis que les centristes de Renew Europe et les écologistes (Les Verts / ALE) ont perdu respectivement 25 et 18 sièges. Prendre en compte ces résultats dans les nominations aux postes clés devrait être un réflexe, ne serait-ce que pour une plus grande adhésion démocratique.

 

Commission de l’agriculture : toujours aucun candidat

En plus des postes clés, l’UE doit renouveler la composition de ses différentes commissions, ce qui aura un impact sur l’environnement réglementaire et fiscal dans lequel les citoyens européens vont vivre ces cinq prochaines années.

Alors que de nombreux pays européens ont été touchés par les manifestations des agriculteurs en 2024, aucun candidat n’a, pour l’instant, été cité à la prochaine présidence de la commission de l’agriculture. Le sujet est certes particulièrement sensible, mais il est étonnant qu’aucun nom n’ait encore été donné, contrairement aux autres commissions (environnement, sécurité et défense, affaires étrangères, économie et affaires monétaires, etc.). Il semblerait toutefois que la présidence de cette commission revienne au groupe CRE selon Herbert Dorfmann, coordinateur du PPE pour l’agriculture. Qu’importe le candidat, il n’aura d’autre choix que de rétropédaler sur la plupart des politiques écologistes, notamment le Green Deal, et de poursuivre la révision de la politique agricole commune (PAC). Reconduite à la tête de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a annoncé une nouvelle stratégie alimentaire pour répondre à la colère des agriculteurs, sans donner plus de détails. Reste à savoir si les Européens pourront un jour se débarrasser de ce carcan réglementaire déconnecté de la réalité du terrain.

 

Qatargate, soupçons de conflits d’intérêts…

Quant aux personnalités pressenties pour les autres postes, elles ne prêtent pas à l’optimisme.

Alessandra Moretti, une eurodéputée italienne mise en cause dans l’affaire du Qatargate, sera chargée de la supervision du Green New Deal. D’après le mandat d’arrêt émis le 10 février 2023, elle serait membre d’un quadrumvirat avec les eurodéputés Maria Arena, Andrea Cozzolino et Marc Tarabella. Mme Moretti est bien présumée innocente. Pour autant, quelle image l’UE prétend-elle envoyer aux citoyens européens en nommant, à un poste stratégique, une eurodéputée liée à une affaire judiciaire en cours ?

Ce n’est pas tout : Transparency International EU, un organisme européen qui vise à lutter contre la corruption, s’est intéressé de plus près aux activités des eurodéputés en parallèle de leur mandat. Dans un article fondé sur leurs propres déclarations de revenus, il révèle qu’un eurodéputé sur quatre a déclaré des sources de revenus privés pour un montant total de 8,7 millions d’euros par an. Ce ne serait pas un problème si le Parlement européen avait la réputation d’exercer un contrôle strict sur les risques de conflits d’intérêts chez les eurodéputés, ou si certains d’entre eux n’étaient pas impliqués dans des dossiers réglementaires liés, de près ou de loin, à leurs autres activités. Tant que l’UE continuera d’adopter des réglementations conçues pour satisfaire les intérêts des lobbys les plus virulents, il y a peu de chance que la réforme adoptée en septembre dernier, qui oblige les eurodéputés à déclarer leurs activités rémunérées et à publier leurs rendez-vous avec des lobbyistes ou des représentants d’États tiers, ait la moindre effectivité pour réduire la corruption.

La montée de l’euroscepticisme ne semble pas avoir eu beaucoup d’influence sur les processus de nominations ni sur le niveau général de corruption au sein de l’UE. Cela soulève, une fois de plus, la question de sa capacité à se réformer en profondeur.

 

 

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