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Il y a 80 ans, une bataille a marqué à jamais le village de Chaméane

Il y a 80 ans, une bataille a marqué à jamais le village de Chaméane

Le 30 juillet 1944, une violente bataille oppose les troupes allemandes à des Résistants basés au château de Chaméane. 80 ans après, l’événement marque encore le village situé près d’Issoire (Puy-de-Dôme).

Depuis une quinzaine d’années, Gilles Moissaing, professeur d’histoire à la retraite et à l’origine des Chemins de la résistance, tente de recueillir des récits de la bataille qui s’est jouée voilà 80 ans à Chaméane. "J’ai eu du mal à faire parler les gens. La parole ne se libérait pas. Pour eux, c’était plutôt : “Moins on en parle, mieux on se porte”." Un constat partagé par le maire du Vernet-Chaméane, Marc Hosmalin. "Encore aujourd’hui, les habitants sont marqués par cet événement."

Un contexte général

Pour comprendre ce qui s’est joué le 30 juillet, il est bon de replacer cette date dans le contexte local. La bataille du mont Mouchet opposant des Résistants à l’armée allemande (10 et 11 juin 1944) a vu de nombreux maquisards se disperser. "Un groupe a trouvé refuge au château de la Valette à Saint-Jean-en-Val. Mais ne se sentait pas en sécurité. Ils se sont retrouvés à Berme-Bas (Saint-Étienne-sur-Usson), puis au château de Chaméane", retrace Gilles Moissaing.

Dans la commune du Livradois, quatre groupes de Résistants se retrouvent. "Ils étaient pratiquement 80 hommes. Mais à la suite des derniers événements et de la fatigue accumulée, le colonel Buret, chef du 4e bataillon d’Auvergne, avait distribué des permissions pour le week-end. Alors, ils se sont retrouvés sur place à 55", complète l’historien.Plusieurs panneaux jouxtent le chemin de la Résistance.

Arrive le dimanche 30 juillet. Près de 800 soldats allemands, divisés en trois colonnes, sont en marche vers Chaméane avec un plan d’action très détaillé.

Ils savent ce qu’ils vont faire brûler, ce qu’ils vont faire sauter, ce qu’ils vont attaquer. Il y a sûrement eu une dénonciation.

Ce dimanche de très bonne heure, un coup de fil prévient les Résistants du passage d’un convoi allemand à Sauxillanges. Les maquisards savent qu’ils vont être attaqués et se préparent à affronter l’ennemi. Un groupe s’installe au Torcy avec une mitrailleuse. Pendant ce temps, les soldats de la Wehrmacht profitent de leur passage par Saint-Jean-en-Val pour faire sauter le château, cueillir la famille du propriétaire et l’envoyer en déportation, avant de brûler un village. Deux maquisards seront abattus sur leur route.

Armés d’un courage à toute épreuve

Le convoi continue sa progression en direction de Chaméane. Installés à 200 mètres du Torcy, les Résistants du groupe Duchêne engagent le combat. Un officier allemand sera touché. "Ce sera le seul mort allemand de cette bataille", souffle Gilles Moissaing.

Le château en feu

Plusieurs minutes après ces premiers échanges de tirs, les colonnes allemandes convergent vers le village de Chaméane, prenant le château en tenaille. "Le pilonnage a commencé de loin", revoit l’historien. C’est alors que les Résistants sortent du château pour aller au combat. Peu équipés, mais armés d’un courage à toute épreuve, ils repoussent plusieurs attaques. Les combats dureront jusqu’à 16 heures. En plus de deux morts fusillés par les Allemands sur le chemin, quatorze maquisards seront tués lors de cette bataille. Au bilan, il faut rajouter le secrétaire de mairie de Chaméane, voulant fuir, car il n’avait pas dénoncé la présence de maquisards, sera tué par un sniper.

Ces violents échanges de coups de feu laisseront place à la répression de l’ennemi, qui compte une dizaine de blessés dans ses rangs. La bataille gagnée, les Allemands dépouillent le château de Chaméane (propriété d’un duc italien), avant de le dynamiter et de l’incendier. Le feu durera quelques jours.

Les maquisards enterrés sur place

Les corps des maquisards tués resteront plusieurs heures sur place. "La population avait ordre de ne pas les toucher. Ni même de soigner les blessés, même si certains ont eu droit à des soins discrets de la population", évoque Gilles Moissaing. Les corps sont alors sommairement recouverts de terre par leurs bourreaux.Un carré militaire se trouve au cimetière de Saint-Étienne-sur-Usson.Il faudra attendre le départ des soldats de la Wehrmacht pour que les combattants soient déterrés, identifiés, mis dans des cercueils de fortune et rejoignent, quelques jours plus tard, une fosse au cimetière de Saint-Étienne-sur-Usson (où se trouve toujours un carré militaire sans les corps des Résistants qui ont été remis à leurs familles).

Après la bataille, une majorité de maquisards ont tout de même réussi à évacuer les lieux.

Ils ont décroché vers Chassignolles (Haute-Loire). Ils ont fait saute ravin pendant toute la nuit en évitant les lieux habités.

En Haute-Loire, les camarades se retrouvent dans une ambiance détestable. "Ils mettront plus d’une semaine à se remettre sur pied. Le 25 août, ils participeront à la libération d’Issoire", annonce le professeur d’histoire. Un moment de joie qui ne fera pas oublier que quelques semaines plus tôt, ces hommes débordant de courage avaient dû dire adieu à une dizaine de leurs copains.

Jean-Baptiste Botella

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