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Les familles monoparentales veulent une carte de réduction : "Nous sommes les familles nombreuses des années 1960"

Les familles monoparentales veulent une carte de réduction :

Mères célibataires ou de manière moins administrative « mamans solos » : ces formules décrivent une même réalité. 85 % des parents qui assurent seuls la charge de leurs enfants sont des femmes et, souvent, elles sont pauvres. L’idée d’un « statut » portant des droits et une forme de « discrimination positive » fait son chemin.

«La rupture conjugale entraîne en moyenne une baisse de niveau de vie de 20 % pour les mères », constatait la Caisse nationale des allocations familiales dans un état des lieux publié en 2024. 40 % des familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté. Les métiers fortement féminisés, « sont aussi ceux qui sont le moins bien rémunérés », relève Dorothée Noël, membre de la Collective des mères isolées, une association nationale née à Montreuil (Seine-Saint-Denis). L’Insee estimait en 2021 que 41 % des enfants de parents isolés vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Un enfant sur quatre vit dans une famille monoparentale, contre un sur dix dans les années 1970. La « galère » au quotidien induit une perte de chances pour ces 4 millions d’enfants qui ont moins de facilité d’accès à la culture et aux activités extrascolaires, les parents isolés ne bénéficiant que de très peu d’aides spécifiques.

Des politiques sociales différentes selon les collectivités

« Le seul endroit où vous existez, c’est sur la feuille d’impôts », souligne Dorothée Noël (N.D.L.R : à raison d’une demi-part supplémentaire). Les coûts d’éducation varient sensiblement en fonction des politiques sociales des collectivités locales, qui définissent leurs tarifs et leurs quotients sociaux qui ne sont pas alignés sur le quotient familial calculé par la CAF.

Dorothée Noël donne l’exemple de Montreuil, ville de banlieue où se sont installées beaucoup familles parisiennes aisées . 

 « Je gagne 1.700 euros par mois et je payais le repas de cantine 5,70 euros, alors que le tarif maximum était fixé à 6,50 euros ».

 

La municipalité communiste de Montreuil consent depuis 2023 à un abattement tarifaire de 25 % à 40 % pour les familles monoparentales. Plusieurs villes en France ont lancé des dispositifs ciblés mais la ville de Ris-Orangis (Essonne) a franchi un palier en élaborant une série de mesures débouchant sur un « statut communal de parent solo » . Une approche globale qui répond aux revendications politiques des associations qui réclament un « statut » national.

Une ville de l'Essonne reconnaît un « droit au répit »

La ville de Ris-Orangis (Essonne) compte 30 % de familles monoparentales, proportion supérieure à la moyenne nationale. À l’issue de 9 mois de concertation, cette municipalité socialiste a voté en mai un « statut communal pour les familles monoparentales, offrant 21 mesures concrètes pour améliorer leur quotidien », en suivant les travaux parlementaires en cours pour aligner ces mesures locales avec un éventuel « statut national ». Ris-Orangis a mis en place un accompagnement ciblé (santé, logement) mais aussi une « discrimination positive pour l’attribution des places en crèche ».

Une priorité qui s’applique aussi pour l’accès aux activités des enfants durant les vacances scolaires et toute l’année avec une carte « famille monoparentale » offrant des réductions sur les activités culturelles et sportives locales. Ce qui s’inscrit dans la reconnaissance d’un « droit au répit » pour les mères isolées.

Le « devoir de visite » d' Emmanuel Macron

« Nous sommes les familles nombreuses des années 1960 », compare Dorothée Noël, qui rêve, entre autres, d’une carte de réduction pour les transports. Dans une interview accordée au magazine Elle paru en mai, Emmanuel Macron évoque « un devoir de visite, un devoir de suivi, d’éducation » pour les pères. Une proposition qui répond à une analyse sociologique des émeutes qui ont suivi la mort de Nahel l’été dernier. La proportion de familles monoparentales dans les quartiers populaires et le « déficit d’autorité paternelle » avaient été évoqués. Les mères isolées, qui attendent un coup de main pour leurs fins de mois, n’ont pas applaudi. « Forcer un parent qui serait défaillant, c’est contre-productif et ça peut mettre l’enfant en danger. Il y a beaucoup de choses à faire avant », estime ainsi Dorothée Noël.

Le calcul de la pension alimentaire à revoir

Ces derniers mois, deux enquêtes parlementaires ont été lancées afin d’améliorer la condition des mères isolées. Celle menée par le sénateur Xavier Iacovelli (Ensemble/Hauts-de-Seine), qui a été missionné par Gabriel Attal, poursuit son cours. L’enjeu de la pension alimentaire reste central. Les CAF disposent depuis 2017 d’agents dédiés au recouvrement de cette « contribution financière à l’entretien et l’éducation de l’enfant », mais 30 à 40 % demeureraient impayées, sans que les parents débiteurs soient sanctionnés. Et il faut rapporter le montant moyen d’une pension alimentaire, 170 à 180 euros par mois, au « coût de revient » réel d’un enfant. Les statisticiens du ministère de l’économie l’évaluent en moyenne à 625 euros par mois (et près de 1.000 euros pour un adolescent).

Or les pensions alimentaires sont calculées en fonction du revenu du parent non-gardien. Il revient au « parent gardien » de prendre en charge la différence. La Collective des mères isolées a rédigé un plaidoyer. Les pensions alimentaires devraient répondre aux « besoins de l’enfant » et comme au Canada, être « prélevées à la source ».

Entre autres injustices qui frappent les mères isolées : la « conjugalisation » des aides. Une nouvelle vie avec un compagnon ou une compagne induit une perte de maigres prestations ou avantages fiscaux. Le ou la partenaire en question étant présumé volontaire pour participer aux charges d’éducation des enfants. À titre de comparaison : en 2023, les adultes handicapés ont obtenu la « déconjugalisation » de leur allocation.

Julien Rapegno

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