World News in French

Pourquoi la France refuse-t-elle que ses athlètes portent le voile lors des JO 2024 ?

Pourquoi la France refuse-t-elle que ses athlètes portent le voile lors des JO 2024 ?

La France interdit à la sprinteuse Sounkamba Sylla de porter le voile, ce vendredi 26 juillet, lors de la cérémonie d’ouverture. Pourquoi notre pays fait-il exception dans ce domaine ? Est-ce de la discrimination, comme l’a estimé l’ONG Amnesty International dans un récent rapport ? Le point avec un expert en droit public.

"Tu es sélectionnée aux JO, organisés dans ton pays, mais tu ne peux pas participer à la cérémonie d’ouverture parce que tu portes un foulard sur la tête."

Depuis ce message publié mardi sur le réseau social Instagram par Sounkamba Sylla, un compromis a pu être trouvé : la sprinteuse française, de confession musulmane, sera bien présente ce vendredi 26 juillet, mais avec une "tenue alternative" proposée par la Fédération d’athlétisme, le ministère des Sports et le Comité national olympique et sportif. Elle portera une casquette, adaptée au costume de la délégation tricolore signé du couturier Berluti. En juin, lors des championnats d’Europe d’athlétisme à Rome, l’athlète avait déjà dû porter une casquette pendant les épreuves. Un accessoire qu’elle devrait de nouveau utiliser pendant les Jeux olympiques.

Sur la question du port du voile, la France campe sur une position ferme qu’elle est la seule à tenir. Cela lui a d’ailleurs valu d’être pointée du doigt, dans un rapport d’Amnesty International, publié ce mardi 16 juillet. L’ONG y dénonce la décision "discriminatoire des autorités françaises" qui ont interdit aux athlètes tricolores de porter le hijab, quand le Comité international olympique l’autorise.

Sur quels éléments s’est appuyée la France pour édicter cette interdiction?? Quelles interrogations cette décision soulève-t-elle?? Éclairage avec Clément Benelbaz, maître de conférences HDR en droit public à l’Université Savoie Mont-Blanc et directeur du diplôme universitaire Laïcité et République.

Le cadrage

Le cinquième principe fondamental de la Charte olympique expose que les organisations sportives se doivent d’appliquer le principe de neutralité politique. La règle 50, elle, indique qu’"aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique", rapporte Clément Benelbaz.

Elle implique que cette obligation s’impose à l’ensemble des institutions et des agents olympiques, comme les arbitres. "Aussi, la difficulté porte sur les sportifs eux-mêmes : ici, la règle n’est pas extrêmement claire."

En France

Chaque fédération peut réglementer ses statuts comme elle l’entend. La Fédération Française de Football, par exemple, a décidé d’imposer la neutralité aux sportifs à l’occasion de manifestations ou compétitions qu’elle organise. L’an dernier, le Conseil d’État, saisi par l’association des Hijabeuses contestant l’interdiction du port du voile pour les joueuses de la FFF, a validé cette obligation.

Service public

De plus, l’article 1 de la loi du 24 août 2021 "confortant le respect des principes de la République" fixe que "lorsque la loi ou le règlement confie directement l’exécution d’un service public à un organisme de droit public ou de droit privé, celui-ci est tenu d’assurer l’égalité des usagers devant le service public et de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public."

Or, les athlètes olympiques sont sélectionnés par des structures publiques, étant proposés par les fédérations, puis choisis par l’État avec la commission nationale de sport de haut niveau, puis le Comité national olympique. La France considère donc que ses athlètes poursuivent une mission de service public.

Quelle neutralité ?

La définition de la neutralité, pour les agents de l’État, "est une obligation stricte, qui vaut pour toutes les convictions. Un agent public n’a pas le droit d’arborer quelque signe que ce soit", ce qui le protège aussi des pressions. 

Mais les athlètes olympiques peuvent "manifester un soutien pour certaines causes politiques, la lutte contre les discriminations, faire passer des messages de paix, de cohésion." Quid, alors, des signes religieux ? Cela pose la question de la distinction entre des manifestations de convictions qui seraient autorisées, et d’autres prohibées… Sans qu’aucune règle claire n’ait jamais été établie, ni de sanctions listées.

Et quelle laïcité ?

Sur la question du hijab, Clément Benelbaz observe que "ne cibler qu’une conviction ou un signe, c’est discriminatoire. Donc soit on les interdit tous, soit on les autorise tous."

Pour être cohérent, "si l’on décide d’interdire le voile aux athlètes, il faudrait aussi interdire les signes de croix sur le terrain, dissimuler les tatouages à connotation religieuse…" Mais "la focale est mise uniquement sur le voile et l’islam", non sur les autres cultes. "Cela ne correspond pas à la définition de la laïcité."

Alice Forges

Читайте на 123ru.net