World News in French

Quand l'alcool frappe au sein des couples

Quand l'alcool frappe au sein des couples

L’alcool et la vie de couple ne font souvent pas bon ménage. Son abus comme, parfois, celui de stupéfiants expliquent largement les violences perpétrées dans le cercle familial. L’alcool est ainsi présent dans plus d’un féminicide sur deux.

D’eux, la rumeur et la justice, parfois, disent qu’ils ont le vin mauvais et d’elles, qu’elles sont des femmes battues. La littérature s’en est émue, les faits divers s’en repaissent toujours, jusqu’à plus soif. Évident, le lien délétère entre abus d’alcool et violence dans le huis clos familial résiste-t-il à la réalité des chiffres ?« La consommation régulière de substances psychoactives, en premier lieu l’alcool, est surreprésentée parmi les auteurs de violence par rapport à ceux qui ne commettent pas de violence et plus les violences sont graves, plus cette consommation est présente (18 % des auteurs des violences les plus graves) », pointe Eric Macé, professeur de sociologie à l’université de Bordeaux.Cette violence frappe tous les milieux sociaux. « Reste, précise le sociologue, que dans les milieux populaires, il s’agit d’un alcoolisme quotidien et dans les classes moyennes, plutôt d’un alcoolisme ou d’un usage de stupéfiants dit “festif” ».

Désinhibiteur

Dit autrement, l’alcool coule dans tous les milieux sociaux et dans toutes les classes d’âge. Mais son abus rend-il vraiment agressif ou les violences sont-elles l’expression d’un malaise plus profond ? « L’alcool est un désinhibiteur de violence, mais n’en est pas la cause : tous les alcooliques n’exercent pas de violence contre leur conjointe et tous les auteurs de violence contre leur conjointe ne sont pas alcooliques », nuance Éric Macé.« La cause des violences contre conjoint, poursuit-il, est en revanche bien sociale : il s’agit d’une “violence de genre”, liée à la masculinité, qui conduit certains hommes à considérer la violence contre leur conjoint comme une ressource leur permettant d’affirmer leur identité masculine et/ou de gérer des stress liés à la contradiction entre leur identité masculine et les valeurs d’égalité et de communication de la conjugalité contemporaine. »

Accusé, l’alcool a, dans le même temps, valeur d’excuse : « La banalisation de l’alcool est un fait culturel hérité à la fois d’un masculinisme autrefois légitime (et qui se perpétue, avec toutes ses conséquences néfastes, comme on le voit à propos des “troisième mi-temps” du rugby ou les crimes routiers) et d’une industrie agroalimentaire qui adapte son marché aux limitations de santé publique, de sorte qu’il existe encore une tolérance culturelle à cet usage massif de l’alcool, notamment pour les populations les plus précaires et les plus dépressives. »

Difficultés sociales

Si répandue que soit la consommation d’alcool, l’esquisse d’un profil « sociologique » des auteurs de violences contre partenaire intime est cependant possible. « L’approche démographique, reprend Éric Macé, montre que cette violence sociale est essentiellement masculine, quel que soit le milieu social. Mais s’il n’y a pas de “profil type”, les facteurs propices à cette violence et son aggravation sont connus : être peu diplômé, affronter des difficultés sociales permanentes ou conjoncturelles (chômage, arrêt maladie), boire ou se droguer, y compris de façon “festive”, être un migrant ayant raté son intégration économique et sociale. »

« Bref, insiste le chercheur au Centre Émile Durkheim, l’analyse sociologique révèle qu’il existe moins une typologie d’“hommes violents” qu’une combinatoire de logiques d’actions qui concernent potentiellement tous les hommes. »Cette violence est quelque part un aveu de faiblesse face à un monde social en brutale évolution. « La violence masculine contre partenaire intime, insiste Éric Macé, a pour ressort des masculinités d’autant plus toutes puissantes par le recours à la violence qu’elles sont débordées et humiliées par une perte de contrôle de soi et des relations. Le recours à la violence est le signe d’une vulnérabilité face à des normes sociales et de genre qui supposent d’autres compétences relationnelles et d’autres formes d’identification que celles issues d’une socialisation masculine marquée par son héritage patriarcal. 

Jérôme Pilleyre

En savoir plus. https://gip-ierdj.fr/fr/publications/dimensions-genrees-violences/ ou https://theconversation.com/existe-t-il-des-profils-types-dauteurs-de-violences-conjugales-226146

Читайте на 123ru.net