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Un été littérature – 10) Littérature à suspense

Nous sommes maintenant en plein cœur de l’été. Quoi de mieux pour se détendre avec légèreté sur une plage, à la campagne, dans son lit le soir, ou ailleurs, qu’un bon livre à suspense ? Par Johan Rivalland

Marche ou crève, de Stephen King

Cette histoire est tout simplement insensée. Qui pourrait imaginer une telle situation où, sans susciter plus de réactions de protestation que cela, un tel défi médiatique serait organisé chaque année, confrontant cent grands adolescents à une marche à rythme minimal imposé où il ne restera qu’un vainqueur, tous les autres étant… abattus tour à tour par des troupes armées au service d’un mystérieux commandant aux motivations bien troubles ?

Mais c’est le charme du roman et de la littérature que d’imaginer toutes sortes de situations, et d’entrer dans la psychologie. À la fois celle des personnages, qui nous guidera peut-être partiellement vers l’explication du choix des adolescents de participer, mais aussi de celle de ces foules informes et inconséquentes dont on sait depuis toujours que les attitudes peuvent être parfaitement primaires, folles et démesurées. Du pain, des jeux, que ce soit jadis ou à n’importe quelle époque.

On est stupéfait, on tremble, on souffre, on éprouve révolte, incompréhension, horreur, sentiment d’absurdité. Heureusement, tout cela pour cette fois n’est que littérature. Pas de la grande littérature, certes, mais de celle qui distrait. C’est le premier Stephen King que je lis, peut-être le dernier, mais je dois reconnaître que c’est efficace, captivant, distrayant. Est-ce lui qui aurait inspiré ce film des années 1980 d’Yves Boisset, Le prix du danger ? Une situation pas exactement similaire, mais voisine. Un film que j’avais aimé et qui m’avait marqué dans mon jeune temps. Ce même sentiment d’absurdité et de caractère débilitant des foules…

À la lecture, dès le début, je me disais qu’une adaptation en film me semblait assez évidente. Je crois que c’est prévu pour 2026, c’est ce que j’ai vu entretemps. Cela pourrait faire un bon petit film distrayant de cinéma, à l’image du Prix du danger. Quoique potentiellement sanglant (j’espère que le réalisateur la jouera sobre, mais j’éprouve quelque appréhension à cette idée).

Un roman à lire en le moins de temps possible, avec des temps de lecture prolongés et éprouvants, pour mieux ressentir la fatigue physique et mentale des personnages.

Une bien triste évocation de la bêtise profonde de certaines foules primaires et dénuées de toute humanité. Une vision très triste et émouvante d’une jeunesse perdue, perturbée, instable, en manque d’amour et s’interrogeant sur l’absurdité de l’existence. Jusqu’à ce que, peut-être, elle trouve un peu de sens et de réconfort à travers les liens ultimes que certains auront peut-être tout juste le temps de nouer ou la simple lueur qu’ils pourront simplement entrevoir avant de trépasser…

— Stephen King, Marche ou crèveLe Livre de Poche, 384 pages.

 

Les âmes vagabondes, de Stephenie Meyer

Le livre m’a d’abord effrayé par son nombre de pages. Pourquoi diable faire si long ?

Mais une fois la lecture lancée, je peux dire que je ne m’en suis lassé à aucun moment, tant il s’est montré captivant. Finalement, la longueur ne s’est pas révélée être un problème.

Je n’avais encore jamais lu de livre de Stephenie Meyer, pas même la saga Twilight, que je n’ai pas vue non plus en film jusqu’à présent. Je dois dire qu’elle a un vrai talent d’écriture. Elle sait entretenir le suspense et l’intérêt, tout en décrivant bien la psychologie de ses personnages.

Le thème, à la lecture du quatrième de couverture, avait retenu mon attention. Une situation et une approche originales. Je n’ai pas été déçu, bien au contraire. J’avais peur que l’on tombe trop dans l’histoire d’amour et le côté sentimental, pas vraiment.

À l’inverse, nous sommes livrés à un suspense intense, et à la dualité du personnage principal, partagé en permanence entre l’hostilité, la méfiance, la crainte, le doute, l’hésitation, la surprise, la détermination, le courage, puis toute une autre palette de sentiments qui vont poindre peu à peu et se succéder en évoluant au gré des événements. Une approche intéressante et stimulante, qui rendent la lecture addictive.

Je n’en dis pas plus… C’est maîtrisé, dans le style comme dans les idées. J’ai un petit peu peiné au tout début de la lecture, durant les quelques dizaines de premières pages (ce qui m’arrive souvent en début de livre), avant d’entrer vraiment dans l’histoire, qui se lit avec fluidité. Une vraie lecture plaisir.

— Stephenie Meyer, Les âmes vagabondes, JC Lattès, mars 2013, 778 pages.

 

Rivales, de Fabrice Brunon

J’ai découvert ce roman tout à fait par hasard, et ne m’attendais vraiment pas à une si belle surprise.

Le thème développé peut être assez dérangeant. Il est ici maîtrisé de main de maître par un auteur, Fabrice Brunon, que je ne demande à présent qu’à découvrir.

L’histoire est très subtile, servie par une écriture d’une finesse incroyable et un vocabulaire riche, qui sonnent terriblement juste. Par chapitres très courts, alternant pour l’essentiel entre trois dates clés pour le personnage principal, le puzzle se forme peu à peu. Et on comprend petit à petit ce qui se cache derrière la psychologie particulièrement complexe du personnage (et à la fin celle des autres protagonistes centraux). Les rebondissements sont nombreux et l’auteur parvient à nous captiver totalement, à ne pouvoir lâcher le livre.

Lénore, violoniste réputée âgée de 35 ans, se trouve seule dans l’imposante demeure familiale isolée dans la campagne lorsque, ce jour-là, son mari et son fils sont en retard, ce qui n’arrive jamais.

Sujette à de terribles angoisses et partiellement guérie d’une enfance perturbée par des troubles psychologiques, Lénore a retrouvé un certain équilibre autour de cette vie familiale. Aussi, son mari est-il toujours ponctuel afin de ne pas perturber cette quiétude retrouvée, d’autant que sa propre mère était morte dans un accident de la route quelques années auparavant. Ce qui renforce son inquiétude, alors que ce jour-là les éléments sont déchaînés et qu’une tempête fait rage. C’est pourquoi elle est très inquiète, de plus en plus au fur et à mesure que les minutes s’égrènent…

C’est ainsi que nous allons découvrir peu à peu l’univers qui est celui de Lénore, les troubles obsessionnels dont elle est ou a été l’objet, à travers les réminiscences de son passé. Dans une atmosphère oppressante qui va nous mener de surprise en surprise, dans un scénario d’une grande finesse et justesse qui vous laisseront stupéfait.

Une superbe découverte. Un roman que je conseille fortement. Probablement le meilleur que j’ai lu ces deux ou trois dernières années. Et il s’agit d’un premier roman !

— Fabrice Brunon, Rivales, CreateSpace Independent Publishing Platform, juin 2016, 178 pages.

 

Les catilinaires, d’Amélie Nothomb

Un couple de jeunes retraités vient d’acquérir la maison de ses rêves. Au calme, en pleine forêt, presque sans voisins. La tranquillité absolue. Exactement ce qu’ils recherchaient.

C’était, du moins, sans compter au bout d’à peine quelques jours sur la visite impromptue de leur médecin de voisin qui, pour une simple visite de courtoisie, pensaient-ils, n’en reste pas moins deux longues heures avec eux, durant lesquelles il ne s’exprime quasiment que par onomatopées. Notre couple doit rivaliser d’imagination et d’efforts pour soutenir une conversation durant laquelle ils ne parviennent à lui arracher que de simples « oui » ou « non ».

Le lendemain, on frappe à la porte et c’est reparti pour deux nouvelles heures de quasi-monologue imposé. Puis, chaque jour à la même heure, même visite mystérieuse et incompréhensible.

Que cherche cet homme ? Que veut donc ce voisin bien encombrant et si peu disert ? Et comment diable s’en débarrasser ?

Notre couple a beau déployer des trésors d’énergie et d’imagination pour tenter d’éviter cette présence inquiétante et importune, rien n’y fait. Et le rustre voisin semble se montrer bien agressif lorsqu’on le contrarie. C’est ainsi que débute une longue angoisse, que partage pour son plus grand bonheur le lecteur.

C’est sans doute là le roman d’Amélie Nothomb qui m’a le plus captivé, avec Hygiène de l’assassin. Je l’avais déjà trouvé très court à l’époque. Depuis, les choses ne se sont pas forcément améliorées de ce point de vue. Au moins l’histoire est-elle très prenante, ce qui n’est pas le cas de toutes les productions de l’auteur. On ne s’en plaindra donc pas.

— Amélie Nothomb, Les catilinaires, Albin Michel, août 1995 216 pages.

 

Des voisins si ordinaires, de David Jackson

Encore une histoire de voisins… Ici, nous n’avons pas affaire à un grand roman mémorable, plutôt à classer dans la catégorie distraction, mais je n’ai rien de particulier non plus à reprocher, il joue bien son rôle. Il vous assure une lecture distrayante, assez addictive (on n’a pas envie d’arrêter, mais plutôt de poursuivre sa lecture tant qu’on le peut), sans que l’on cherche à lire un chef-d’œuvre. En toute simplicité.

Le thème à la fois m’attirait : comment « des voisins si ordinaires » peuvent-ils se révéler être de tels monstres ? mais m’effrayait aussi : à partir du moment où l’on sait qu’il va s’agir d’enlèvement d’enfants, on peut craindre des choses lugubres dans un domaine que vous pouvez sans doute imaginer, j’osais espérer que non. Je vous rassure sur ce point. Ce qui n’enlève rien, bien sûr, à l’horreur de l’enlèvement d’enfants, mais on sait faire la part des choses lorsqu’il ne s’agit que de fiction.

Sur un plan esthétique, cela se lit bien, l’écriture est enlevée, très contemporaine, sans difficulté, alternant comme on y est aujourd’hui habitués les chapitres écrits selon la narration de tel ou tel personnage. Le style est celui du roman policier (j’en lis très rarement), la narration s’assimile assez à ce que l’on pourrait imaginer dans un film (qui ne serait pas non plus un grand film, mais un film que l’on regarde pour se distraire, vivre un moment d’angoisse fait de suspense et de rebondissements).

— David Jackson, Des voisins si ordinaires, City Edition, février 2020, 416 pages.

 

Alice, d’Heidi Perks

Ce roman bien enlevé (sans jeu de mots), écrit par une Américaine qui indique avoir consacré trois ans à le peaufiner, est un roman à la fois captivant et d’une lecture agréable. Les portraits psychologiques qui y sont décrits sont très intéressants et bien étudiés.

L’histoire est celle d’une jeune maman angoissée et très protectrice, Harriet, qui consent malgré elle un gros sacrifice en se résolvant enfin à confier sa fille l’espace d’une journée à sa meilleure amie, Charlotte. Cette dernière, une mère de trois enfants beaucoup plus expansive et décomplexée, tout au moins en apparence, s’est proposée d’amener tout ce beau monde à la grande kermesse annuelle de l’école.

Mais l’impensable va se produire… La petite Alice est enlevée par un inconnu, sans que Charlotte, distraite l’espace d’un instant par son téléphone portable, ait rien vu.

Si la situation de départ correspond à l’une des choses que l’on peut le plus redouter, surtout en tant que parent, tout l’intérêt du roman va résider dans l’analyse des personnages, en particulier des deux mamans.

Que se passe-t-il, dans la position qui est celle d’Harriet telle que nous venons de la décrire, comme ce serait aussi le cas de tout parent, d’un point de vue psychologique ? Et comment réagirions-nous à a place de Charlotte, qui s’inquiète tout autant pour Alice, tout en devant affronter le terrible poids de la culpabilité, ainsi que le regard des autres, à commencer par celui de celle qui était sa meilleure amie, mais aussi du mari de celle-ci ?

Une tension insoutenable. Surtout lorsqu’on sent tout son monde s’écrouler autour de soi et les réactions des gens vous surprendre à un point que vous n’auriez pas imaginé.

Un roman captivant et plein de surprises, qui vous tiendra en haleine jusqu’à la fin. Le type de roman que l’on ne lâche pas facilement lorsqu’on est lancé dans sa lecture.

— Heidi Perks, Alice, Préludes, mai 2019, 448 pages.

 

Chute libre, de T. J. Newman

Bonne idée que ce scénario de départ où un pilote se trouve confronté à un dilemme cornélien : voir sa femme et ses enfants, dont il reçoit les images sur son smartphone par l’intermédiaire du terroriste qui les retient à leur domicile, mourir sous ses yeux, ou écraser au sol l’avion avec ses 144 passagers et son personnel de bord, après une chute de 11 000 mètres. Une situation terrifiante.

Bien sûr, ce n’est pas de la grande littérature, et j’ai pensé aussitôt également que ce scénario serait idéal en film, que l’on regarde pour se distraire. Néanmoins, on se prend au jeu de la lecture, l’auteur sait nous embarquer et nous captiver de bout en bout de manière à entretenir un suspense haletant qui n’est pas fait pour nous déplaire.

Lorsque j’ai lu en fin du livre que l’auteur était une jeune hôtesse de l’air, sans expérience de l’écriture, que 40 éditeurs ont refusé son manuscrit avant que le quarante-et-unième en fasse un best-seller aux États-Unis, je ne pouvais que penser « Chapeau à elle ! », qui a fini par douter d’elle-même avant cette issue heureuse.

Un roman détente, donc, à lire agréablement à la plage ou ailleurs pour ceux qui veulent simplement passer de bons moments de lecture. Je ne suis pas amateur des best-sellers d’auteurs tels Guillaume Musso, mais j’ai lu l’un de ses romans et celui-ci n’a, me semble-t-il, rien à lui envier, pour les amateurs du genre.

— T. J. Newman, Chute libre, Albin Michel, mars 2022, 352 pages.

 

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