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Malaise, suicide, abattu par l'ennemi... Le mystère de la disparition d'Antoine de Saint-Exupéry demeure 80 ans après

Sa renommée d’aviateur, son œuvre éclairée par Le petit Prince le plus célèbre du monde font d’Antoine de Saint Exupéry (*) un personnage qui, en huit décennies, n’a pas quitté le monde contemporain. Sans doute parce que sa vie fut aussi brève – il était né en 1900 – que dense, partagée avec panache entre le monde des lettres et celui de l’aviation. Habitée, aussi, par les bonheurs et les tourments d’un amoureux passionné. Pilote chez Latécoère à 26 ans ; auteur de sept romans et textes dont Vol de nuit, prix Fémina en 1931 ; pionnier de l’Aéropostale aux côtés de Mermoz et Guillaumet,… Saint Ex a vécu à 200 % jusqu’au 31 juillet 1944.

La dernière mission

« La guerre, écrivait-il, n’est pas une aventure, c’est une maladie, comme le typhus ». Une maladie qui l’emporte, si près de la Libération, alors qu’il a, après trois ans de démobilisation, intégré, à sa demande et malgré son âge, le 2/33, un groupe de reconnaissance photographique. À Borgo (Corse) où son groupe est transféré, les missions ont pour objet la préparation du débarquement de Provence. Le 31 juillet, vers 8 h 30, Saint Exupéry décolle aux commandes d’un Lightning P38 (n° 223) pour une mission sur la région de Grenoble à Annecy. 

À 13 h 30, tandis qu’il lui reste une heure d’autonomie en carburant, il disparaît des radars. C’est sa dixième mission et de celle-là, il ne revient pas.Depuis cet été 1944, de nombreuses hypothèses sont échafaudées.

« Si j’avais su qui était dans l’avion… »

Aucune n’a jamais été confirmée. Dans les années cinquante puis soixante, des témoignages d’officiers allemands évoquent un Lightning qu’ils auraient soit descendu dans les Alpes, soit vu sombrer dans la Méditerranée après un vol erratique dans le sud de la vallée du Rhône. En 2008, encore, un ancien pilote de la Luftwaffe, très médiatisé, assure avoir abattu un avion américain précisément le 31 juillet. 

Il confie au magazine L’Express : « Si j’avais su qui était assis dans l’avion, je n’aurais pas tiré. Pas sur cet homme »…

"Il se serait suicidé"

L’historien de l’aviation Bernard Marck laisse entendre, en 2012, que Saint Ex, qui a peu dormi la veille du vol, a pu être victime d’un malaise. Voire, à l’évocation d’une précédente mission au cours de laquelle l’aviateur confie que, pris en chasse au-dessus de Turin, il a attendu les Allemands, il se serait suicidé.

En 1994, encore, des témoins viennent dire que le corps d’un homme correspondant « physiquement » à l’aviateur a été repêché, en septembre 1944, au large de Carqueiranne (Var) où il a été inhumé. Au regard de l’improbabilité de l’histoire, aucune exhumation n’a été ordonnée.

Les débris du Lightning

Les preuves les plus tangibles du crash dans la Méditerranée arrivent quelques années plus tard. En 1998, quand le pêcheur Jean-Claude Bianco remonte dans son chalut une gourmette en argent portant le nom de l’aviateur, le prénom de sa femme, Consuelo, et l’adresse de l’éditeur new-yorkais qui a publié Le Petit Prince, en 1943. Deux ans plus tard, en mai 2000, l’archéologue plongeur Luc Vanrell fait une découverte tout aussi incroyable. À 70 mètres de profondeur, non loin de l’île de Riou, face au massif des Calanques, ce sont des débris d’un Lightning qu’il repère et qui sont aussitôt identifiés comme étant les restes de l’avion de Saint Ex.

La matérialité de ces derniers faits a permis de continuer d’écrire l’histoire du père du Petit Prince. Ils ne révèlent cependant rien des circonstances dans lesquelles il a trouvé la mort. Une seule certitude, la prémonition de l’aviateur s’est avérée.  « Je finirai en croix, dans la Méditerranée » avait-il écrit. n(*) Sources : Succession Antoine de Saint Exupéry, Fondation Antoine de Saint Exupéry pour la Jeunesse.

Sophie Leclanché

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