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"Un diamant brut !" : qui est cette Corrézienne qui devient, à 13 ans, la plus jeune artiste du Festival de la Vézère

Ce lundi 29 juillet, la jeune prodige briviste a présenté au Château du Saillant, un récital très exigeant de plus d’une heure, appris par cœur !

Elle arrive sur scène, salue rapidement le public, avant de s’asseoir au piano. Dès les premières notes, on assiste à une métamorphose saisissante : la jeune fille timide et introvertie se transforme en une guerrière de lumière. Ses doigts sur le clavier libèrent un magnétisme tellurique, nous embarquent pour une aventure sonore.

Elle succède à un certain Alexandre Kantorow 

Il fait 39 degrés à l’ombre, ce lundi après-midi, au Château du Saillant, à Voutezac, quand Gayané Gharagyozyan monte pour la première fois sur la scène du Festival de la Vézère et entre, par la même occasion, dans son histoire, comme la plus jeune artiste qui s’y est produite. Car à 13 ans, elle est plus précoce que le très grand Alexandre Kantorow qui avait donné son récital à la Vézère à l’âge de 14 ans.

Pour préparer son récital, comme une sportive de haut niveau, elle a fait un stage international de piano, du 15 au 27 juillet, à Mende (Lozère), animé par son professeur, Laurent Bourreau, premier prix du Conservatoire national supérieur de musique et de danse (CNSMD) de Lyon, et de Catherine Imbert, titulaire d’un master du Conservatoire Royal de Bruxelles. 

« Il fallait consolider le par cœur, l’assurance et l’interprétation », explique Laurent Bourreau.

Ses dates : En 2005. La famille Gharagyozyan quitte l’Arménie pour la France. En 2008. Sous le coup d’un arrêté d’expulsion, elle est sauvée par la mobilisation des parents d’élèves et d’enseignants de l’école Marie-Curie de Brive. En 2014. À l’âge de 3 ans, Gayané fait sonner les touches d’un piano jouet. Trois ans après, elle est inscrite au Conservatoire de Brive. En 2018. Elle rencontre son professeur, le concertiste Laurent Bourreau. En 2022. Gayané a joué dans un court-métrage, Fortissimo, qui a eu plus de 60 prix.

Les récompenses. Cette année, Gayane Gharagyozyan a passé son Diplôme d’Études Musicales à Limoges. La jeune Corrézienne est aussi lauréate (mention d’honneur) du Grand Concours International de Paris Svetlana Eganian en 2022 et finaliste de l’International Music Competition de Paris en 2023.

Le goût du défi, c'est son dada 

Ces dernières semaines, elle a donc fait entre cinq et six heures de piano par jour, en conclusion d’une année où elle avait déjà fourni un travail colossal. Pourtant, ça ne l’a pas empêché d’avoir d’excellents résultats scolaires au collège et de vouloir prendre des cours de dessin à la rentrée. « Par contre, elle a arrêté le basket », sourit son papa Gor.

Au Saillant, Gayané Gharagyozyan présente un programme très exigeant de plus d’une heure, entièrement appris par cœur. Dans la grange du château, elle fait entendre au public du festival notamment la sonate La Tempête de Beethoven, d’une durée de 23 minutes, Vent d’hiver de Chopin, Ondine de Ravel, la Danse du Feu de De Falla et Nocturne liebestraume n°3 de Liszt. « Ce sont des œuvres difficiles, indique Laurent Bourreau. Elle a même préparé une Étude-tableau de Rachmaninov qu’elle joue pour la première fois en concert. »

Gayané a une volonté en béton armé et le goût du défi. « Plus le langage musical est complexe, plus elle est motivée. On lui conseille de prendre son temps, de respirer, de se poser et d’apprécier le moment présent », souligne Laurent Bourreau.

Le piano, comme outil d'intégration et ascenseur social 

L’intégration en France de sa famille, qui a quitté l’Arménie en 2005 (lire par ailleurs), s’est faite de la plus belle des manières, par l’art et le sport. Très fière de Gayané, la tribu Gharagyozyan fait bloc derrière elle. Son papa Gor a fait du violoncelle et du piano, mais il est aussi un excellent judoka et joueur d’échecs ; sa maman Mariam est connue pour ses peintures sur soie aux couleurs chatoyantes, alors que son frère Tigran est ceinture noire du judo et un joueur d’échecs prometteur. Ils ne roulent pas sur l’or, mais ils ont fait et font des sacrifices au quotidien pour permettre à Gayané d’aller jusqu’au bout de ses rêves. Dans cette belle histoire franco-arménienne, le piano n’est pas uniquement le roi des instruments, il est aussi un ascenseur social.

Une belle émotion

Présent dans la salle du concert, « Monsieur action sociale » de la mairie de Brive, Michel Da Cunha, est très ému. « Je connais la famille depuis des années. Des associations locales ont joué un rôle très important dans leur accueil en France. Aujourd’hui, ils font du judo, ils jouent aux échecs… Quant à Gayané, elle est vraiment un diamant brut. Les Gharagyozyan font la richesse de ce pays. »

En mars 2022, le Festival de la Vézère avait organisé un concert au Conservatoire de Brive, avec les jeunes musiciens corréziens et la violoncelliste Camille Thomas. À cette occasion, Gayané Gharagyozyan a joué une sonate en duo avec la violoncelliste. Seulement quatorze mois après, c’est elle qui assure le rôle principal. Et fait oublier au public, littéralement en train de fondre, la chaleur écrasante d’un après-midi caniculaire. Ce 29 juillet, dans la grange du Château du Saillant, une concertiste est née !

 

Elle vise une école de solistes mondialement reconnue. En février 2025, à 14 ans, Gayané Gharagyozyan (ici avec son papa Gor, à gauche, et son professeur Laurent Bourreau) se présentera au concours d’entrée du Conservatoire de Paris, l’institution qui a formé Berlioz, Bizet, Faurré et Debussy, comme Boulez, les frères Capuçon, Bertrand Chamayou, Jean-François Zyegel ou Patricia Petibon.« Gayané a vu un professeur du Conservatoire de Paris, qui lui a dit : “Tu es vraiment pianiste, tu as déjà tous les réflexes.” Pour réussir son examen d’entrée, il faut une rigueur, une précision absolue. Il m’a donc demandé de “l’embêter” sur tous les détails » explique son professeur de piano.

Texte et photos : Dragan Perovic 

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