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Sahara occidental : après le choix de Macron, les coulisses d'une réception festive de l'ambassade du Maroc

30 juillet 2024 : sous les auspices du "Triomphe de l’amour" - l’une des fresques ornant le somptueux plafond du Salon impérial de l’hôtel Westin, à deux pas de la place Vendôme à Paris -, les invités de l’ambassade du Maroc en France se pressent devant le banquet. Au menu : pastilla de poulet, couscous, carottes à la chermoula… et un déluge de pâtisseries. Ambiance de fête pour célébrer les 25 ans du règne du souverain Mohammed VI. Et pas n’importe quel anniversaire. "C’est un jour historique ! Je n’ai qu’un mot à la bouche : EU-PHO-RIE !" lâche un diplomate marocain, sourire jusqu’aux oreilles. "Mon cœur s’est emballé quand j’ai appris la nouvelle !" glisse un convive. La nouvelle ? Une lettre d’Emmanuel Macron au roi Mohammed VI, quelques heures plus tôt, a entériné la réconciliation entre la France et le Maroc, en froid depuis 2021. Le président y reconnaît que le plan marocain de 2007 pour l’autonomie du Sahara occidental (également revendiqué par les indépendantistes du front Polisario, soutenus par l’Algérie) est "la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée". Une victoire décisive pour la diplomatie chérifienne.

"Nous vivons aujourd’hui un moment historique, lance devant son public l’ambassadrice du Royaume à Paris, Samira Sitail. Dans sa lettre adressée à sa Majesté le roi Mohammed VI à l’occasion du 25e anniversaire de son accession au trône, monsieur le Président de la République française annonce le soutien intangible de la France à la souveraineté du Maroc sur son Sahara." Tonnerre d’applaudissements, youyous nourris. Au pied de l’estrade, un aréopage de ministres français opinent. Gérald Darmanin (Intérieur) et Stéphane Séjourné (Affaires étrangères) sont au premier rang. "Monsieur le Ministre, cher Stéphane, reprend l’hôte de la soirée. Nous sommes convaincus que cette avancée importante non seulement renforcera une relation bilatérale déjà exceptionnelle mais ouvrira également la voie à des possibilités illimitées voire inédites en projetant la relation dans un partenariat d’exception renouvelé."

La nomination de Samira Sitail en octobre dernier, après neuf mois de vacance au poste d’ambassadeur du Maroc en France, avait amorcé le réchauffement entre Paris et Rabat. Jamais le "partenariat d’exception" si cher à Jacques Chirac – grand ami du Royaume – ne s’était aussi mal porté. Parmi les sujets de dispute : le scandale d’espionnage Pegasus, la guerre de visas ou encore les rancœurs de Rabat face au rapprochement entre Paris et son rival de toujours, Alger. "Quelques incompréhensions", euphémise un dignitaire du Royaume ce 31 juillet, une fois l’orage passé. "Entre les deux chefs d’Etat, c’était une guerre d’égos ! glisse une invitée, en avalant une corne de gazelle. "Mais Emmanuel Macron a oublié qu’il n’était 'que' président… face à un roi !"

Des entreprises françaises au Sahara occidental ?

Le souverain a fini par remporter la bataille sur un dossier crucial : le Sahara occidental, soit "le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international, déclarait "M6" (le surnom de Mohammed VI) le 20 août 2022. C’est aussi clairement et simplement l’aune qui mesure la sincérité des amitiés et l’efficacité des partenariats qu’il établit." La messe était dite. Il aura fallu des années pour que la France, qui soutient depuis 2007 le plan d’autonomie proposé par Rabat, franchisse l’étape supérieure : "Le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine" écrit Emmanuel Macron dans sa missive. Son chef de la diplomatie va plus loin ce 31 juillet : "Le développement économique du Sahara doit se poursuivre […] et la France utilisera tous les leviers dont elle dispose pour appuyer le Maroc dans cette politique de développement que nous tenons à coconstruire avec vous" déclare Stéphane Séjourné, invité à prendre le micro après l’ambassadrice. Les grandes entreprises françaises s’en réjouissent, à l’image de Suez, déjà partenaire de la holding du roi Mohammed VI sur plusieurs projets. Son directeur développement, Wilfrid Pailhes, était au rendez-vous à l’hôtel Westin.

Nul doute que cet enthousiasme exaspère le voisin algérien, qui a rappelé son ambassadeur à Paris aussitôt informé de la lettre d’Emmanuel Macron à Mohammed VI. "Emmanuel Macron s’est rendu à l’évidence : il n’y a rien à tirer de la relation avec Alger, et tout à perdre à se brouiller avec Rabat", résume un partisan de la cause marocaine. De fait, la relation franco-algérienne semble dans l’impasse et le président Abdelmadjid Tebboune, qui devait se rendre en France, a plusieurs fois reporté ce voyage. "Gare à l’Algérie, chuchote un parlementaire français invité par l’ambassade. On ne peut pas couper les ponts avec ce pays… Nous en avons besoin pour la coopération sécuritaire, notamment contre le terrorisme".

"Nos voisins reviendront à la raison !" raille un émissaire marocain. En attendant, l’ambassade savoure la consécration… Pendant que les ministres français démissionnaires enchaînent les selfies avec les convives du jour. Tout va pour le mieux sur la ligne Paris – Rabat ! Pour le moment.

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