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Cambodge: le Premier ministre inaugure le chantier d'un canal controversé sur le Mékong

Il s'agit d'un projet "historique" qu'il faudra achever "à tout prix" à l'horizon 2028, a déclaré Hun Manet, au cours d'une cérémonie riche en symboles, à une heure de route de la capitale Phnom Penh (sud-est).

Devant des milliers de personnes agitant des drapeaux du Cambodge, le dirigeant et son épouse Pich Chanmony ont appuyé ensemble sur le bouton qui a donné le top départ des travaux, à 09h09 locales (02h09 GMT), un horaire considéré comme de bon augure dans la culture khmère.

Autour d'eux, des officiels portaient un tee-shirt à l'effigie de Hun Manet et de son père Hun Sen, qui a dirigé le royaume d'une main de fer pendant près de 40 ans, avant de céder les rênes à son fils l'été dernier.

Hun Sen, qui célèbre lundi son 72e anniversaire, a déjà présenté le canal comme une aubaine qui va créer des milliers d'emplois et renforcer l'autonomie et le prestige du Cambodge, l'un des pays les plus pauvres d'Asie du Sud-Est.

Aéroports, autoroutes... L'ex-Premier ministre, aujourd'hui président du Sénat, a impulsé ces dernières années une stratégie de développement effréné des infrastructures, souvent avec un appui chinois, mais au prix du recul des droits humains et de la destruction de l'environnement selon ses critiques.
Inquiétudes du Vietnam
Le futur canal, d'environ 180 kilomètres, doit permettre aux navires naviguant sur le Mékong de rejoindre le golfe de Thaïlande en évitant de passer par le Vietnam, où se trouve l'embouchure du plus long fleuve d'Asie du Sud-Est.

Les bénéfices économiques vantés par le gouvernement se heurtent à un flot d'incertitudes sur l'usage du canal, son financement et son impact sur le débit du Mékong.

Des experts ont souligné la menace supplémentaire que représente l'infrastructure pour le fleuve, déjà soumis à la pression de la pollution, du minage de sable, du changement climatique et d'infrastructures mal conçues.

Le Vietnam a notamment demandé des clarifications à Phnom Penh, qui se défend de toute manoeuvre contraire à ses voisins.

Les autorités cambodgiennes ont suggéré que la China Road and Bridge Corporation (CRBC) paierait pour une partie de l'infrastructure, or l'entreprise chinoise n'a pas encore officialisé sa participation.

Bien que le Cambodge soit un allié de la Chine, Hun Sen a aussi réfuté que le projet entrait dans le cadre des "Nouvelles routes de la soie" promu par Pékin.

Des riverains qui habitent sur le tracé ont dénoncé auprès de l'AFP le manque de transparence des autorités, source d'inquiétude sur les conditions de leur déménagement et le montant de la compensation -- s'il y en a une.
"Compensation équitable"
Des défenseurs des droits humains ont souligné que des exemples récents d'infrastructures avaient laissé les habitants dans l'obligation de se réinstaller avec une indemnisation minimale et sans la possibilité de déposer des recours qui aient une chance de gagner devant la justice.

Le gouvernement n'a pas invité à la cérémonie des villageois des alentours.

"Nous sommes à la fois heureux et inquiets, parce que nous n'avons pas été informés au sujet des compensations", a déclaré à l'AFP une femme âgée de 51 ans, qui a requis l'anonymat par craintes de représailles.

"Nous demandons des indemnités justes. (...) Si la compensation est trop petite, nous aurons les larmes aux yeux", a-t-elle insisté.

Le vice-Premier ministre Sun Chanthol a promis que le gouvernement allait fournir une "compensation équitable" aux personnes affectées par le chantier.

Le dirigeant a assuré que le canal allait bénéficier à 1,6 million de personnes, dans une région qui demeure rurale et pauvre.

Le projet bénéficie d'ailleurs du soutien d'une partie de la population, les analystes estimant qu'il est de nature à unifier le pays et raffermir son rôle dans la région.

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