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Né à Moulins, Charles Dubost a occupé les fonctions de procureur adjoint au procès de Nuremberg

Hiver 1964. Jour de classe au lycée Banville, à Moulins (Allier). Alexandre Bessard, élève de Terminale, s’apprête à faire une rencontre qui va marquer sa vie. Près de vingt ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Charles Dubost doit animer une conférence dans l’établissement où il a effectué ses études secondaires.

Né à Moulins le 18 mai 1905, Charles Dubost n’est pas n’importe qui. Ce haut magistrat occupait les fonctions de procureur adjoint au procès de Nuremberg où ont été jugés les criminels de guerre nazis. Il y avait là Hermann Göring, le numéro 2 du Troisième Reich, Rudolph Hess, le compagnon indéfectible d’Hitler, Wilhelm Keitel, l’officier signataire de la capitulation allemande, Albert Speer, l’architecte mégalomane qui a fait tourner la machine de guerre à plein régime…

Kaltenbrunner, "une brute épaisse"

Alors, forcément, l’entrée du "procureur" au lycée fait sensation. "Je me souviens d’un homme à la stature imposante", témoigne le président de l'association Mémoire de Cérilly et ses environs, l’un des organisateurs de l’exposition sur les 80 ans de la libération dans le Nord-Allier. La conférence dure deux heures. Sans la moindre note, avec une éloquence certaine, Dubost raconte Nuremberg de novembre 1945 à octobre 1946.

Il décrit les quatre chefs d’accusation à l’encontre des plus hauts dignitaires du régime nazi : "complot", "crime contre la paix", "crime de guerre", "crime contre l’humanité". Il détaille la personnalité de quelques-uns. Göring, "un gros suffisant, arrogant, pas très intelligent" ; le terrifiant Kaltenbrunner, "une brute épaisse" ; Speer, "un homme très intelligent" ; le ministre de l’Économie Schacht, "lui aussi un homme très brillant". "Il a réussi l’exploit de s’en sortir". Ça, c’est Alexandre Bessard qui commente.

Dubost explique également le déroulé du procès, comment il est né de la volonté de la Maison blanche. Il souligne aussi l’importance du procureur Lawrence Jackson dans le bon déroulement des opérations.  "Charles Dubost revivait le procès, sa prestation était impressionnante", juge le jeune lycéen qui, après ce cours magistral, se retrouve au réfectoire avec ses camarades de classe.

Fin de l’histoire. Pas vraiment. L’un des surveillants vient voir Alexandre et lui dit. "Remets ta veste, il veut te voir". Pourquoi moi ?, s’étonne le lycéen. "Peut-être parce que je suis le chef de classe" ? C’est ça. "Il y avait le proviseur Monsieur Kaufmant, le préfet, le censeur, les deux surveillants généraux… Ils sont à la sortie de classe".Et là, Charles Dubost s’approche d’Alexandre. Il lui tend la main et dit : "Jeune homme, à travers cette poignée de mains, je vous transmets la mémoire de ces évènements afin qu’ils ne se renouvellent jamais".

 J’ai dû lui bafouiller quelque chose en l’assurant de mon engagement. Cela n’a duré que quelques minutes mais c’était un moment extrêmement fort.

Ces quelques mots figurent en toutes lettres sur le panneau de l’exposition consacré à l’ancien procureur. On y apprend que Charles Dubost, qui a probablement quitté Moulins après ses études de mathématiques élémentaires, a entrepris une formation juridique pour devenir avocat en 1931. Qu’il a ensuite assuré les fonctions de procureur à Pontarlier dans le Doubs. Et que, sous l’Occupation, il est entré dans la Résistance pour diriger un réseau local de renseignements.

Fin 1944, il est avocat général à la cour d’Aix-en-Provence et en même temps commissaire du Gouvernement auprès de la cour de justice de Marseille. Fait chevalier de la Légion d’honneur, il reçoit la médaille de la Résistance le 24 avril 1945. Son profil de résistant et son expérience de procureur expliquent sans doute sa présence dans la délégation française qui était de soixante-deux personnes au début du procès et qui montera à cent employés fin 1945.

"Lorsque le procureur général François de Menthon quittera ses fonctions, lors du départ du général de Gaulle en février 1946, Charles Dubost dirigera alors l’accusation française jusqu’à l’arrivée d’Auguste Champetier de Ribes, l’un des quatre-vingts parlementaires à voter contre les pleins pouvoirs au maréchal Pétain", renseigne Alexandre Bessard.

Parmi les autres procureurs adjoints, figurent un certain Edgar Faure, futur ministre et président de l’Assemblée nationale, et Paul Coste-Floret, lui aussi futur ministre d’État. Durant ce très long procès, Charles Dubost invite à la barre Marie-Claude Vaillant-Couturier, une résistante communiste déportée à Auschwitz-Birkenau dont le témoignage à charge fera date.

Charles Dubost : "Vous faisiez partie d’un convoi" ? Marie-Claude Vaillant-Couturier : "Je faisais partie d’un convoi de 230 Françaises. Il y avait parmi nous Danielle Casanova qui est morte à Auschwitz, Maï Politzer, qui est morte à Auschwitz, Hélène Salomon. Il y avait de vieilles femmes"…

Charles Dubost : "Combien êtes-vous revenues sur 230" ? Marie-Claude Vaillant-Couturier : "49. Il y avait dans le transport, de vieilles femmes. Entre autres, je me souviens d’une de 67 ans, arrêtée pour avoir eu dans sa cuisine le fusil de chasse de son mari, qu’elle gardait en souvenir et qu’elle n’avait pas déclaré pour qu’on ne le lui prenne pas. Elle est morte au bout de quinze jours à Auschwitz".

Des peines de mort à l'encontre des vingt-deux accusés

Après neuf mois d’audience, il est temps de passer aux réquisitoires. Le Français Charles Dubost entend bien se démarquer de ses confrères anglo-saxons et soviétiques en radicalisant les peines demandées. Dans son édition du 30 juillet 1846, le journal Le Monde rapporte :

"Le juge Jackson aussi bien que sir Hartley Shawcross, porte-parole du ministère public britannique, s’étaient contentés dans leurs réquisitoires de demander au tribunal de reconnaître tous les accusés “coupables”, c’est-à-dire, en fait, de ne prononcer aucun acquittement. Contrairement à ses prédécesseurs à la barre de l’accusation, Charles Dubost requiert aujourd’hui expressément la peine de mort contre les vingt-deux accusés".

Le procureur général adjoint exige de reconnaître la responsabilité individuelle des accusés. Il dit : "Hitler a voulu, Hitler a ordonné. Nous n’avions qu’à obéir, nous rappellent sans cesse les accusés. Hitler, tyran prodigieux, illuminé, imposant sa volonté avec une puissance magnifique, irrésistible… Cela est vraiment trop sommaire, cela est vraiment trop facile".

De retour en France, Charles Dubost se consacre aux affaires de collaboration dans la section économique à la cour de justice de Paris. En 1954, il devient premier substitut auprès du tribunal civil de la Seine. Il est ensuite nommé à la cour d’appel de Paris, puis devient avocat général en 1962. Il prend sa retraite dix ans plus tard et décède le 3 juillet 1991 à Saint-Cloud, dans les Hauts-de-Seine.

À Cérilly, une exposition sur le 80e anniversaire de la libération du Nord-Allier. Organisatrice de l’exposition, en partenariat avec Mémoire de Cérilly et ses environs, le Musée de la Résistance, les associations d’anciens combattants ANACR Nord-Allier et ONAC Allier, la commune de Cérilly accueille l’exposition « La Libération du Nord-Allier – 80 ans » du lundi 5 au mercredi 14 août, à la salle d’honneur de la mairie (hormis le samedi 10 août). Cette exposition, qui est visible de 14 heures à 18 heures, a reçu le « Label des 80 ans de la libération ». Elle traite de la libération du Nord-Allier, de Montluçon à Moulins en passant par Tronçais et Civrais. Et rappelle la répression accrue de l’armée allemande de début juillet 44 jusqu’à la libération de Montluçon, puis le repli des colonnes allemandes de Limoges et Bordeaux de fin août à début septembre. Seront présentés : des panneaux sur la libération de Montluçon, la formation des maquis en pays de Tronçais, le réseau Freelance (Nancy Wake et John Farmer), le combat de Bouillole, le passage des colonnes allemandes, la libération de Moulins à partir du livret du général Mairal, quarante-cinq photos de la libération du fonds Séruzier, le Moulinois Charles Dubost, procureur général adjoint à Nuremberg… Entrée libre

Fabrice Redon

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