Sahara occidental : le périlleux pari d'Emmanuel Macron en faveur du Maroc
Le Maroc va-t-il finalement parvenir à étendre sa souveraineté au Sahara occidental ? L’avenir est trop incertain pour y répondre mais le récent soutien de Paris au plan marocain pourrait bien faire bouger les choses. Territoire hautement contesté depuis sa décolonisation en 1976, le statut du Sahara occidental, identifié « non-autonome » par les Nations unies, continue de diviser la communauté internationale. Revendiquée à la fois par le Maroc, qui contrôle 80 % de sa superficie, et par la République arabe sahraouie démocratique, proclamée par le Front Polisario, basé en Algérie, la région a altéré les relations entre Alger et Rabat.
Pourquoi en parle-t-on ?Dans une lettre adressée au roi Mohammed IV, Emmanuel Macron a affirmé mardi 30 juillet le soutien de la France au plan d’autonomie proposé par le Maroc pour le Sahara occidental. Une déclaration audacieuse et lourde de sens, en rupture avec l’équilibre diplomatique français qui régnait jusqu’alors. La France rejoint ainsi la trentaine de pays - parmi lesquels les États-Unis, l’Espagne ou encore l’Allemagne - soutenant la marocanité du Sahara occidental. Pour ses 25 ans de règne, Mohammed IV ne pouvait rêver mieux qu’un tel « geste » fait à sa tentation sahraouie.
Pourquoi le Sahara occidental est-il un autant contesté ?« C’est une région qui a mal été décolonisée à la mort de Franco », explique le journaliste et écrivain Antoine Glaser. Bien que ce soit « un des rares pays de cette région » sans découverte de pétrole, d’importants « projets de mines » y sont en cours et la région donne « un accès à l’Atlantique », détaille l’ancien directeur de la rédaction d’Africa Intelligence.
Quelles sont les raisons de ce soutien soudain envers le Maroc ?Doté d’un gouvernement cantonné à la gestion des affaires courantes, une telle décision diplomatique de la part d’Emmanuel Macron a surpris sur la scène internationale. Mais le geste n’a rien d’anodin pour Antoine Glaser : « les 25 ans du Royaume étaient une fenêtre diplomatique très importante » pour Emmanuel Macron. « La France se retrouvait dans une position de plus en plus isolée sur la question de la reconnaissance » de l’autorité marocaine sur le territoire. Du point de vue économique, la pression était mise sur « de nombreux grands projets d’entreprises françaises au Maroc qui pouvaient se retrouver marginalisées ». Mais derrière cette prise de position, plane également l’ombre d’une déception pour le Président : « Emmanuel Macron a beaucoup investi dans une nouvelle relation avec l’Algérie notamment en qualifiant la décolonisation de crime contre l’humanité, mais il a vite été déçu par des rapports détériorés avec son homologue », signale le journaliste.
Quels sont les risques vis-à-vis d’Alger ?Suite à l’annonce d’Emmanuel Macron, Alger a rapidement rappelé son ambassadeur. Candidat à sa réélection le 7 septembre prochain, l’actuel président algérien Abdelmadjid Tebboune continue à affirmer sa position mécontente vis-à-vis de Paris. Reportée une première fois à l’automne 2024, la visite d’État du président algérien en France pourrait être prochainement annulée. Une dégradation des relations avec l’Algérie qui, selon Antoine Glaser, n’a rien de bon : « Il y a une forte présence de la communauté algérienne en France et côté business, la France y possède des intérêts, […] notamment Total qui a des positions importantes en Algérie ».
Victor Delair