JO Paris 2024 : Marine Johannès, timide hors parquet, créatrice de génie sur le terrain
La scène se passe lors du deuxième match de préparation de l’équipe de France. Le 1er juillet au Vendéspace. La France vient de battre la Finlande et les deux Marine des Bleues se présentent face à la presse. Johannès est la première à parler et se montre loquace. « T’es une pipelette maintenant », lui lance Fauthoux.
Très jeune sur le devant de la scèneLa Normande de 29 ans fait la moue. Répondre aux médias n’a jamais été un plaisir pour elle. “Pépette”, comme ses coéquipières à Bourges la surnommaient, est réservée. Très réservée. Les suiveurs de ses jeunes années, dans le Cher et encore plus à Mondeville, où elle a été formée, peuvent témoigner que lui arracher trois phrases de rang a longtemps été plus difficile que de marquer un panier face aux longs bras de Victor Wembanyama.
« Ce n’est pas quelqu’un qui s’ouvre beaucoup, opine Romain L’Hermitte, l’un de ses formateurs, puis le coach l’ayant lancé chez les pros à Mondeville. Il lui faut beaucoup de temps avant de s’exprimer. » Sarah Michel-Boury, la capitaine des Bleues et l’une de ses copines en dehors des parquets, a une partie de l’explication : « Elle a été propulsée très jeune dans les médias et je pense que c’était un peu dur pour elle. »
Elle impressionne même LeBron JamesÀ 21 ans, elle enchaîne un dribble en cross over, suivi d’un step back (pas en arrière) et d’un panier à trois points. L’action des Jeux olympiques 2016. En mondovision. Réalisée en demi-finale face à l’une des stars du Team USA, la Normande est propulsée sur le devant de la scène. La “nouvelle Céline Dumerc”. Un statut de leader des Bleues qu’elle a longtemps refusé d’endosser.Tout le paradoxe entre la jeune fille réservée en dehors des parquets et la basketteuse de génie, créative et réalisant des actions de grande classe.
Devenue joueuse WNBA (la Women NBA), sa technique tape dans l’œil des plus grands : « Son shoot à une jambe m’a fait lever de mon siège », tweete LeBron James, au sujet de son premier match lors de la finale 2023. « On a souvent envie de dire que l’on joue comme on est dans la vie de tous les jours. Elle, c’est l’inverse », analyse Romain L’Hermitte. « Les vrais champions ont cette capacité de se transformer, complète Jean-Aimé Toupane, le sélectionneur des Bleues. Le terrain est l’endroit où ils se sentent le mieux. Marine est comme ça et ce qu’elle fait est exceptionnel. »
Des gestes qu'elle travaille peuExceptionnel et inné. Marine Johannès est une vraie fan de basket. Enfant, elle a passé des heures à regarder la NBA. Au point de reproduire les gestes des meilleurs basketteurs de la planète. « Elle a ça dans le sang, témoigne Jérôme Authier, entraîneur assistant en charge du travail individuel à Bourges, où elle a joué de 2016 à 2019. Ses gestes techniques, elle ne les a pas répétés des milliards de fois à l’entraînement. »
Romain L’Hermitte se souvient qu’en U15, « Marine était déjà la même qu’aujourd’hui ». « Une joueuse imprévisible, avec des gestes de référence tellement bien et rapidement faits que c’est très dur de les contrer », résume Sarah Michel-Boury. Une joueuse au parcours différent. Elle est la seule des joueuses du groupe France à ne pas s’être formée dans un pôle régional.
« Elle n’était pas assez mature pour partir de chez ses parents à 12 ans, explique Romain L’Hermitte. Puis elle n’a pas été prise au Centre Fédéral parce qu’elle ne rentrait pas dans le moule. Est-ce un bien ? Un mal ? C’est une bonne question. » Elle en a profité pour avoir des responsabilités très jeune à Mondeville. Avec un coach lui laissant beaucoup de liberté dans une équipe plutôt située en deuxième partie de tableau du championnat de France.
Elle s'est mise aux réseaux sociauxEn 2016, à 21 ans, elle rejoint le grand Bourges. « Tout en lui laissant beaucoup de liberté, notre travail a consisté à lui montrer à la vidéo les choses les moins justes qu’elle pouvait faire », détaille Jérôme Authier. Marine Johannès en a profité pour épurer son jeu.
En 2019, où “MJ23” (en référence à Michael Jordan) rejoint Lyon, un autre cador. Elle s’y est émancipée. « Elle est moins réservée, elle a plus confiance en elle et de maturité », estime Sarah Michel-Boury. La capitaine des Bleues révèle que « quand on la connaît, elle est bien moins réservée ». Après de longues périodes d’abstinence sur les réseaux sociaux, parfois jusqu’à six mois sans rien poster, la joueuse s’y est mise. On la voit souvent blaguer avec Alexia Chery, sa grande copine. Marine Johannès peut effectivement être une vraie pipelette.
Ludovic Aurégan