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Cyclisme sur piste: Mathilde Gros, la zen attitude

La Provençale n'a que 25 ans mais elle semble avoir déjà vécu mille vies. Des débuts tonitruants chez les jeunes. Les affres de la dépression après la "catastrophe" des Jeux de Tokyo (9e en vitesse). Et le retour à la lumière en 2022 lorsqu'elle devient championne du monde de la vitesse, l'épreuve-reine, dans le vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines où elle entre en lice mercredi lors du keirin.

A la base, Mathilde Gros est une surdouée, repérée en 2014 alors qu'elle est basketteuse au pôle espoir d'Aix-en-Provence. Par jeu, elle monte sur un vélo d'entraînement, un "wattbike", un jour où le pôle France de BMX partage la même salle de musculation.

L'entraîneur du BMX de l'époque, Fabrice Vettoretti, n'en revient toujours pas: la jeune fille, pour qui même "aller au lycée à vélo était compliqué", explose toutes les données de puissance.

Un destin est en marche mais les premiers pas sont douloureux. "Elle est tombée à sa première séance", se rappelle Félicia Ballanger, triple championne olympique dont elle est devenue très proche

"Elle n'était jamais montée sur un vélo, mais elle disait déjà qu'elle voulait être la meilleure", ajoute Grégory Baugé, ex-champion du monde et entraîneur national du sprint.

Rapidement les résultats viennent confirmer ses dispositions exceptionnelles.
"Je m'enterrais"
La suite est moins rose. Les projeteurs médiatiques s'allument, la pression aussi. A Tokyo en 2021, elle arrive pleins d'espoirs. "Mais quand j'ai vu des anneaux des Jeux, j'ai explosé en plein vol." Elle passera le vol retour à pleurer.

Elle enchaîne sur les Championnats du monde à Roubaix en 2021. "Une catastrophe. Je n'aurais jamais dû les faire parce que ça m'a encore plus enfoncée dans la dépression."

C'est la fin des illusions. "J'étais tombée dans un engrenage: si j'avais une médaille, j'avais du plaisir. Sinon, j'avais tout foiré. Je m'enterrais."

La remise en question est radicale. "Je me suis dit: tu as abandonné le basket, ta première passion, tu as la chance que tes parents viennent te voir sur quasi toutes les compétitions. Et tu ne leur parles pas tellement, tu es dans ta bulle, stressée. Tu ne parles à personne et en plus tu n'as pas de médaille."

Début 2022, l'objectif est "juste d'essayer de retrouver un petit peu le plaisir. Heureusement que c'est revenu très vite. Sinon j'arrêtais le vélo, tout simplement."

Elle s'entoure alors d'une "garde rapprochée" qui veille sur ses performances mais aussi à son bien-être. Il y a son entraîneur Grégory Baugé, son compagnon sprinteur Rayan Helal, la préparatrice mentale, Anaëlle Malherbe. Et puis Felicia Ballanger, "une immense championne dont on ne se sert pas assez".
"Un modèle"
Avec eux, elle remonte la pente. Son titre de champion du monde en octobre 2022 est une libération qui force le respect de sa coéquipière en équipe de France, Julie Michaux: "la nana est partie de rien. On l'a mise sur un vélo et elle a réussi à faire championne du monde. C'est un modèle pour moi."

Depuis les résultats sont moins bons mais elle refuse de retomber dans la sinistrose.

"Le mot d'ordre sur ces Jeux ça sera la sérénité. Je n'ai pas envie de subir et de mettre des œillères pour exploser le jour J", insiste la native du Pas-de-Calais qui a grandi dans les Bouches-du-Rhône.

Elle participera au keirin mercredi et jeudi, puis à la vitesse individuelle de vendredi à dimanche.

"Je ne vais pas gérer mes efforts. Ce sera tous les jours: gagner, gagner, gagner et puis à la fin on fera le bilan."

Surtout, elle veut que "le chemin soit beau" car "si vous n'avez aucun souvenir sympa, la médaille ne vaut pas grand-chose". "Je veux vivre au maximum tout ce qu'on peut vivre, ajoute-t-elle. Ca passe extrêmement vite. Là je parle et j'ai l'impression que je vais arrêter ma carrière. On dirait que j'ai 40 ans." Et mille vies.

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